Galerie Tretiakov expose des œuvres uniques de Zinaïda Serebriakova

Galerie Tretiakov expose des œuvres uniques de Zinaïda Serebriakova
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L’œuvre de l’artiste peintre russe Zinaïda Serebriakova (1884-1967) a un bon droit d’être considérée comme patrimoine artistique des deux cultures – russe et française.

Zinaïda Serebriakova était issue d’une famille des célèbres artistes à des racines françaises – les Lanceray et les Benois. Son oncle, peintre Alexandre Benois était fondateur de la revue artistique Mir Iskousstva (le Monde de l’art)et son grand-père Nicolas Benois était architecte. Deux frères de Zinaïda sont aussi célèbres: architecte Nicolas Lanceray et sculpteur Eugène Lanceray.

Z. Serebriakova qui a dû émigrer en France après la Révolution d’Octobre s’est installé à Paris en 1924 pour y trouver sa deuxième patrie. En effet, l’artiste a passé une bonne partie de sa vie en France. « La période parisienne » du peintre était vraiment très riche en œuvres et en voyages qui l’inspiraient. Bien que cette nouvelle vie, pour elle, n’ait pas été si facile que ça. A l’époque de l’avant-gardisme il était très difficile d’être reconnu en tant que peintre-réaliste à tendance romantique.

C’est à l’occasion du 130e anniversaire de la naissance de Zinaïda Serebriakova que la Galerie d’Etat Tretiakov a organisé avec l’aide des descendants de l’artiste une exposition consacrée justement à la « période parisienne » de son œuvre.

On y expose également les toiles d’enfants de Zinaïda – Ekaterina et Alexandre Serebriakov, qui, très doués eux-aussi, sont mieux connus en France. Ce qui est extraordinaire, c’est que la tradition artistique familiale dans le clan des Lanceray-Benois-Serebriakov ne s’interrompe pas : on trouve des artistes peintres dans toute leur descendance !

Malheureusement, aujourd’hui en France on ne peut trouver des temperas, des pastels et des huiles sur toile de Zinaïda Serebriakova que dans des collections privées, chez des particuliers. Voilà pourquoi ses enfants et petits-enfants ont pour but de trouver à Paris des locaux qui abriteraient des œuvres de la famille Serebriakov pour exposition permanente.

Nous avons eu la chance de rencontrer la petite-fille de Zinaïda Serebriakova Anastasia Nikolaeva et le commissaire de l’exposition à la Galerie Tretiakov Tatiana Ermakova qui ont accordé une interview à la Voix de la Russie. Ecoutons-les :

Tatiana Ermakova : «Cette période de son œuvre, du 1924 à 1967, a plusieurs strates… Au tout début, nous y observons dans son style les traits de la période moscovite, avec le dessin classique. Les nues, les sujets du bain. Mais par la suite, les images qui l’entouraient ont changé à leur tour. Et l’atmosphère de France a rempli son œuvre. La plupart de ses toiles sont consacrées aux petites villes, aux paysages des côtes maritimes. En plus, Zinaïda a effectué deux voyages au Maroc. Un nombre considérable de pastels et de temperas étaient très appréciés en France, parce qu’ils traduisaient le regard frais et dépourvus de préjugés sur ce pays exotique. Seuls tableaux qu’on ne pouvait pas faire exposer – ce sont des panneaux monumentaux décoratifs qu’elle a créé pour une villa en Belgique.

L’artiste fuyait l’avant-garde, elle ne l’acceptait pas. Voilà pourquoi elle a réussi d’une manière tout à fait organique à préserver sa propre identité d’un peintre réaliste classique avec une vision naturelle de plein-air. Et, curieusement, son œuvre de l’époque dialogue avec les courants existants dans la peinture russe des années 1930-50, notamment avec l’œuvre des peintres de la période d’après le «Valet de Carreau » : Aristarkh Lentoulov, Ilya Mashkov, Piotr Kontchalovski.»

LVdlR : Comment vous pouvez décrire en quelques mots l’œuvre de Zinaïda Serebriakova ?

T.Ermakova: «C’est une attitude extrêmement émotionnelle et admirative vis-à-vis de l’objet de son œuvre. L'énergie puissante émane de ces tableaux et touche profondément le spectateur. C’est pour cela que son art attire. C’est un monde joyeux des valeurs impérissables, des valeurs humaines et familiales. Sa relation avec la nature et les représentants d’autres races est très naturelle, respectueuse. Ça n’a pas de prix en soi.»

LVdlR : Comment vous pensez célébrer le 130ème anniversaire de Zinaïda Serebriakova à Paris ?

A. Nikolaeva, T. Ermakova : « Nous avons beaucoup de projets. Mais nous ne sommes pas sûrs de pouvoir tout réaliser. Nous espérons installer une plaque commémorative à Paris sur la maison où vivait l’artiste. Nous avons même eu la proposition de créer un monument consacré à Zinaïda Serebriakova et de le placer dans le jardin devant cette maison du quartier de Montparnasse qui était jadis très prisé par les peintres russes. Cela aurait été une sorte de commémoration de tous les hommes et les femmes de l’art russe qui ont enrichi non seulement la culture russe, mais la culture française et mondiale.

Nous avons également, à Paris, le projet d’une grande exposition rétrospective d’art de Zinaïda Serebriakova. Nous espérons réaliser ce projet dans les années à venir. Les représentants du Ministère de la Culture de France sont déjà intéressés. Comme cette artiste appartient à deux cultures, russe et française, on se doit faire connaitre son nom en France. Je voulais vous rappeler un grand succès de l’exposition « L'Art russe dans la seconde moitié du XIXe siècle : en quête d'identité» qui a eu lieu il y a quelques années au Musée d’Orsay. Des files d’attente gigantesques serpentaient autour du musée à l’époque. Et les tableaux de Serebriakova faisaient partie de cette exposition.

En ce moment nous sommes en train de faire un catalogue raisonné d’œuvre de Serebriakova. C’est une affaire de plusieurs années, parce que Zinaïda Serebriakova créa à Paris des œuvres sur commande, beaucoup étaient vendues. Beaucoup de ses tableaux font partie des collections privées.

Les œuvres que vous voyez à la Galerie Tretiakov sont issues de son atelier. Elles sont exposées dans les musées russes et elles sont déjà cataloguées. L’album « Maroc » que nous avons édité l’année dernière, entre autres en France, a été la première tentative de décrire toute la collection, ce n’est qu’une petite partie du catalogue que nous espérons faire par la suite.

En fait, il existe déjà deux fondations, à Paris et à Moscou, qui sont tenues par les descendants de Serebriakova. C’est triste de dire, mais souvent les peintres russes qui ont travaillé en France et pour la France tombent dans l’oubli. Quand la question de l’étude de l’art russe à l’étranger se pose, on s’interroge sur les sources des spécialistes d’art, puisqu’il est impossible de trouver de l’information fiable dans les sources ouverts. Donc, dans ce contexte, notre objectif est de montrer les œuvres de Zinaïda Serebriakova au grand public. Les critiques d’art qui viennent nous voir, trouvent que ses tableaux sont très français. Et c’est vrai qu’ils sont remplis de signes de la réalité française : la nature, le style, l’élégance purement française…»

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