La princesse de la musique est née au fin fond de la Bretagne, à Pont-Croix… ou plutôt en première ligne de la presqu’île rocheuse, face à l’océan plein de force. Elle découvre la harpe celtique à un concert de la harpiste Elisa Vellia au Cap Sizun. C’est le coup de cœur. Elle suit ses cours avec la musicienne grecque. A 18 ans, après avoir obtenu son bac, Cécile Corbel déménage à Paris pour y poursuivre ses études. Elle entre alors à l’école du Louvre, et y décroche un DEA en archéologie.
Ses débuts étaient, comme pour la plupart des jeunes musiciens, des concerts dans des pubs ou des rues de la capitale. Et elle se produit pour la première fois en 2002 dans un pub emblématique breton de la capitale, le Ti Jos, rue Delambre.
Depuis, Cécile Corbel a enregistré plusieurs albums. Elle signe notamment en 2010 la bande originale du film Arrietty, le petit monde des chapardeursdu Studio Ghibli. Cette musique lui a rapporté un Disque d'or au Japon et elle a été récompensée par le prix de la meilleure bande originale de l'année avec la musique du film. On qualifie, entre autres, Cécile Corbel de « magicienne qui refuse les frontières abruptes et, sans peur, fusionne le folk celtique et les chants médiévaux turcs ». Elle tisse des couronnes en entrelaçant des madrigaux de la période baroque et marches irlandaises. Et vous vous laissez emporter par le charme d'une artiste touchée par la grâce.
Le 26 février dernier le film animalier en 3D Terre Des Ours de Guillaume Vincent est sorti sur les écrans français. Ce film raconte l’histoire fascinante d’aventures d’un ourson brun en Extrême-Orient russe, au Kamchatka. C’est Marion Cotillard qui prête la voix-off, et la bande originale du film a été composée par Cécile Corbel et Fabien Cali.
Nous avons demandé à Cécile Corbel de commenter son travail cinématographique.
La Voix de la Russie. Je voudrais vous demander comment dans la carrière d’une chanteuse et d’une musicienne arrivent ces projets avec les films ? Il a eu le dessin animé d’abord, maintenant – un documentaire, très beau. Comment on arrive à ce travail qui consiste à passer de la scène à l’arrière de la scène, dans les coulisses en quelque sorte ?
Cécile Corbel. « A chaque fois j’ai eu une chance et c’est un coup de cœur qui emmenait ces expériences. Le dessin animé – c’était un coup de cœur du producteur sur mes chansons, un de mes albums. C’est cela qui a déclenché cette envie… Pour le documentaire « Terre des ours » c’est à peu près la même histoire : le réalisateur aimait beaucoup les disques, et quand il lançait son projet de film, il a pensé à moi.
J’ai été chanceuse. Cela a été toujours grâce aux coups de cœur, à la rencontre avec des vraies personnes que je me suis retrouvée d’être embarquée dans ces aventures-là. »
LVdlR. Est-ce que ce travail est plus difficile que celui de la composition? Il faut se mettre dans la peau du personnage… Faut-il renoncer à soi ou faut-il rajouter quelque chose ? Quelle est la difficulté ?
Cécile Corbel. « La création pour moi n’est pas trop compliquée. C’est presque plus facile, quand on emmène des images, des histoires dont on peut s’inspirer. On est nourri avec tout ça. La composition, la création est aussi agréable et intéressante que quand je compose pour moi. La dimension supplémentaire pour le cinéma est le moment quand on doit se couler sur les images. C’est un exercice un peu difficile, un peu fastidieux, parce qu’on doit faire les choix. Il faut se creuser plus la tête… Cette étape-là du travail est différente, et il fallait prendre sur soi pour que tout marche. Dans cela c’est un travail vraiment différent par rapport à un album. La création et la composition pour moi a été aussi agréable et intéressante. »
LVdlR. Je suppose que c’est difficile de rentrer dans ce qu’on appelle « le format », ou les limites du temps d’image qu’on doit voir… entendre la chanson avec l’image qui va avec ?
Cécile Corbel. « Ce sont des limites de temps, ce sont des limites aussi de ce qu’on a envie d’exprimer. La musique ne doit pas être tout le temps au premier plan, elle doit savoir se glisser en arrière-plan pour juste suggérer quelque chose. Elle doit savoir aussi se taire.
Ce n’est pas évident pour un musicien de savoir se taire! »
LVdlR. Qu’est-ce que vous a inspiré pour les ours ? Je suppose que jamais de la vie vous n’aviez pas vu d’ours… juste dans ce film. A quoi vous avez pensé personnellement ?
Cécile Corbel. « J’ai eu la chance de travailler avec l’équipe de réalisation dès le début du projet, à un stade où ils ont commencé les tournages, à avoir les premiers rushs. Je vu ces premières images d’ours, des paysages assez fantastiques du Kamchatka. C’était un matériau hyper-inspirant dès le départ. Il a eu aussi un dialogue avec le réalisateur. Il me racontait l’émotion qu’il voulait faire apparaître dans le film. Cette balance entre les images et les impulsions que m’a données le réalisateur, j’ai essayé de faire de mon mieux pour créer la musique. »
LVdlR. Cela ne vous est pas venu à l’idée maintenant – d’aller au Kamchatka pour voir comment c’est dans la réalité?
Cécile Corbel. « J’aimerai bien ! J’aurai bien aimé aller avec les équipes de tournage. Je crois que c’était une grosse aventure, très lourde en logistique… Nous, modestes compositeurs, on n’a pas été conviés. Si un jour j’ai la chance d’aller par là, ce sera génial. »
LVdlR. Est-ce qu’il y a d’autres projets de cet ordre ? Des projets qui sont en train de mijoter ou un projet purement créatif…
Cécile Corbel. « Il y a toujours plein de choses. Les choses qui son lancées… comme des dès qu’on jette. Je fais toujours beaucoup de scène. Je prépare un nouvel album, et je ne suis pas forcement pressée de le faire.
Avec les images et le cinéma il y a des belles rencontres, pour les projets je croise les doigts. Il y a des nouveaux projets, mais pas pour tout de suite. C’est un milieu où les choses prennent du temps, on est dans « un ou deux ans » au plus tôt pour nos futurs projets.
LVdlR. En Bretagne aussi ?
Cécile Corbel. « Pas forcément. Pour l’instant, c’est tellement frais – ces nouveaux projets… que je ne veux pas trop en parler. »
LVdlR. Je ne vais pas non plus vous soutirer des secrets de la cuisine artistique. Vous allez beaucoup en Bretagne. Qu’est-ce qui vous plaît en Bretagne ? Pourquoi vous y allez, surtout que vous en êtes native ? Pourquoi vous y retournez encore et encore ?
Cécile Corbel. « La première vraie raison est justement parce que j’en suis native. Il y a mes racines, mon enfance, tout ce qui m’affecte. Je serais née ailleurs, je pense que j’aurais cette relation avec « ailleurs » Par chance, je suis d’un coin de Bretagne qui est sauvage, magique, inspirant. C’est le Cap Sizun, le bout du Finistère, vers la Pointe du Raz. On est battus par les vents en ce moment… Pour moi, c’est un lieu d’infinie inspiration et d’émerveillement en continu. Quelle que soient les saisons. Je pense que j’y reviendrai toujours. »
LVdlR. Une question un peu en dehors de la création et de la musique… On parle beaucoup des « Bonnets rouges ». Est-ce que la situation est vraiment si dramatique, pour que les gens franchissent le seuil, sortent dans la rue, pour défendre leurs intérêts ?
Cécile Corbel. « Je ne suis pas touchée par cela, mon entourage non plus. C’est vrai qu’en ce moment en France il a un climat où il y a beaucoup de gens qui râlent, qui manifestent et le font savoir bruyamment. Mais je pense que c’est assez marginal comme mouvement. Il y a eu une médiatisation très forte pour les Bonnets rouges, il a eu des manifestations assez spectaculaires. Ce sont des moments où les choses ont besoin d’éclater, et après on trouve le temps et l’envie de se mettre autour d’une table, trouver des solutions aussi. C’est vrai qu’en ce moment il y a beaucoup de choses comme ça en France. Ça laisse penser que tout va de plus en plus mal, mais je ne pense pas que c’est le cas. Il faut une soupape de sécurité, et après les choses se recalent et on peut réfléchir tranquillement. » T
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