Afflux djihadiste en Syrie : un bien triste record pour la France

Afflux djihadiste en Syrie : un bien triste record pour la France
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Décidément, le wahhabisme s’invite partout où perce le chaos, où l’immunité civilisationnelle tombe à zéro, où les bisounours de la génération arc-en-ciel préfèrent disserter sur les subtilités du genre ou dénoncer un obscur Tea Party style années 30 plutôt que de s’armer (ou plutôt de se réarmer) jusqu’aux dents.

Enfin, il perce là où d’aucuns se vendent à d’obscures puissances biberonnées aux pétrodollars, croyant que le déploiement d’un multiculturalisme déconnecté des réalités du terrain puisse gommer les effets de leur politique. C’est un faux calcul. On le voit aujourd’hui à l’exemple du déferlement djihadiste dont la Syrie est actuellement la première cible et qui vient, d’une manière atrocement paradoxale, des pays membres de l’UE.

Ces déments d’une guerre supposément sainte desquels nous peinerions à dire qu’ils sont des « Fous de Dieu » parce que cela leur ferait trop d’honneur ont déjà été synthétiquement qualifiés de «paumés » par deux collègues de La Voix de la Russie. L’un a cité les propos d’Alain Chouet, ancien chef de la DGSE, selon lequel les néophytes islamistes « font preuve d’une ignorance pyramidale de l’islam, ne parlent pas arabe et n’ont jamais lu le Coran ». Un constat similaire a été formulé par Boris Toumanov dans l’une de ses répliques intitulée «Le djihad des paumés » et consacrée au cas des frères tchétchènes Tsarnaev.

Incultes, sans doute le sont-ils, même si, très précisément, la sinistre histoire des Tsarnaev, à moins d’être une exception, aurait plutôt du dévoiler qu’il y a djihadiste et djihadiste, comme il y a fanatique avisé et faible d’esprit. Et puis après tout, doit-on s’occuper du portrait psychologique de ceux et celles qui se disent prêts à tuer pour trente deniers ou se sacrifier au nom d’un faux dieu inventé par une poignée de manipulateurs quand on voit des photos d’enfants syriens décapités ou du sang noir sécher là où la veille un bus bondé de civils est passé ? Je ne crois pas.

Ce qui à l’heure actuelle devrait mettre la puce à l’oreille, ce sont ces chiffres dont la crudité en dit plus long que n’importe quel diatribe ou n’importe quel rapport affolé du Ministère de l’Intérieur. Si la radicalisation de certains hurluberlus férus de violence plus ou moins gratuite était déjà une réalité (même assez terne) en 2012, il faudra attendre avril 2013 pour que le compte rendu rigoureusement chiffré d’Aaron Zelin, universitaire, spécialiste des mouvements djihadistes, donne l’image d’un phénomène en pleine expansion, organisé et sponsorisé à la hauteur. En effet, depuis 2011, année où la crise syrienne a éclaté, près de 2500 volontaires étrangers sont partis en Syrie pour y imposer la charia par le fer et par le feu. La part d’Européens était alors assez peu importante oscillant entre 200 et 500. Cette estimation avait été faite en avril 2013. Quelques mois plus tard, en novembre de la même année, il est question d’une moyenne de 1400-1500 Européens de l’ouest partis en Syrie. D’après M. Zelin, cette proportion, notamment dans le contexte de la dynamique immuablement positive qui l’accompagne, « représente déjà plus que tous les autres contingents des conflits enregistrés entre 1990 et 2010 ». Inutile d’avoir fait maths sup pour s’apercevoir que les zélateurs du djihad exportés des tréfonds manifestement sereins de l’UE ont grosso modo quintuplé en l’espace de sept mois seulement. Mais le pire pour notre pays, c’est que d’après les données publiées par les services de renseignement internationaux, la France est le pays le plus frappé par ce fléau avec l’Allemagne et le R-U qui suivent de très près. Le fait que nous ayons affaire à un phénomène exponentiel n’a rien de surprenant sachant que les monarchies du Golfe n’ont plus rien à perdre. D’ailleurs, crées et subventionnées par les USA, elles n’ont jamais eu rien à perdre … si ce n’est la possibilité de soumettre à la secte wahhabite, d’abord, les pays musulman laïcs, ensuite le monde chrétien. La toute récente percée saoudite opérée au Kirghizstan sous couvert d’investissement confirme la ténacité accrue de cette tendance.

Je viens d’avoir le plaisir d’accueillir sur nos ondes Mme. Nora Sanderre, fer de lance d’un rassemblement « social, culturel et politique non partisan » connu sur la toile sous le nom de « Communauté syrienne de France ». Voici ce qu’elle pense, en tant que syrienne et française, de la déferlante djihadiste « européenne »

La VdlR. « Mme Sanderre, pourriez-vous présenter, s’il vous plaît, au préalable ?

Nora Sanderre. Je m’appelle Nora Sanderre, c’est mon nom d’épouse. Je suis syrienne à l’origine et d’ailleurs je suis bien sûr toujours syrienne ! Mon nom est Nora Obeid. Je suis mariée depuis plus de quarante ans et je vis en France depuis quarante ans avec des voyages très réguliers en Syrie.

La VdlR. Vous êtes extrêmement préoccupée par l’afflux de djihadistes européens, notamment français et belges, qui partent en Syrie pour y faire ce qu’ils ont à faire et qui malheureusement vont revenir tôt ou tard dans leurs pays d’origine. Pensez-vous qu’il s’agisse d’une tendance qui va rester relativement marginale ou alors d’un phénomène qui a vocation à se généraliser ?

Nora Sanderre. Je ne sais si ça va se généraliser mais en tout cas on en entend parler de plus en plus, tout au moins dans les médias français. Ce phénomène existe dès le début de la crise syrienne. De jeunes adeptes du djihadisme se rendaient en Syrie. On le disait sur les réseaux sociaux, on en a même fait part aux journalistes français. Seulement maintenant, ils en parlent bien plus ouvertement et récuremment parce que les parents de ces jeunes ne se taisent plus. Ils le font savoir, ils l’écrivent, ils le disent à tout ceux qui veulent bien l’entendre, si bien que les médias ne peuvent faire autrement que de relayer ces informations. En découle que le gouvernement lui aussi est impliqué car obligé de réagir. Il annonce ainsi des chiffres qui ne correspondent sûrement pas à la réalité. Personnellement, je suis convaincue que le Ministère de l’Intérieur le sait depuis longtemps. Il sait quelles sont les filières qui aident ces gens-là, comment ils sont recrutés mais ils préfèrent affirmer qu’ils sont toujours en train d’enquêter.

La VdlR. Vous parlez de recrutement. Savez-vous comment ces djihadistes sont recrutés ? Serait-ce l’œuvre de certaines mosquées ? Serait-ce par le biais des réseaux sociaux ?

Nora Sanderre. D’après ce que j’ai lu à droite et à gauche – évidemment je ne me réfère pas à un seul média pour tirer des conclusions toutes faites – ils sont recrutés et par les mosquées, et par les copains, et par les réseaux sociaux. Ce sont des jeunes bien souvent perdus ou du moins très influençables. On leur présente leur mission comme un bienfait, un acte humanitaire vis-à-vis des enfants syriens etc. Ils y vont donc pensant jouer à la PlayStation, à un jeu, en somme, virtuel.

La VdlR. Y-a-t-il selon vous une façon de lutter contre ce fléau qui commence à ressembler à un cercle vicieux ? Imaginons que vous soyez le Ministre de l’Intérieur, qu’auriez-vous fait ?

Nora Sanderre. Hélas, je ne le suis pas parce que je ne serais pas plus mauvaise. Pardonnez-moi d’être aussi fière et vaniteuse ! A partir du moment où l’on sait qu’il ya des filières de recrutement, on sait qui est derrière ces gens-là, il devrait y avoir plus de contrôle. Ou alors, on est de connivence ».

Commentaire de l’auteur. Mme Sanderre se fait fort de rectifier les dérapages machiavéliques des médias français en diffusant des faits purs et durs communiqués par des amis et des membres de sa famille présents sur le terrain. Le travail de réinformation qu’elle opère fait pendant à celui de M. Anas Alexis Chebib, fondateur du Collectif pour la Syrie. Si aujourd’hui la voix de ces gens est moins retentissante que celles du mainstream français, cela ne veut pas dire que les vérités qu’ils véhiculent n’auront pas tôt ou tard le dessus. Et le réveil risquerait alors d’être brutal pour ceux qui constatent la montée en puissance de la peste wahhabite, font même parfois mine de s’en inquiéter tout en continuant à contribuer, de diverses façons, à son avancée.

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