Le Conseil suprême des forces armées égyptiennes a suggéré au ministre de la Défense Abdel Fattah al-Sissi de se présenter à l’élection présidentielle, qualifiant même sa participation de devoir et d’obligation, écrit mercredi le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
Le Conseil a annoncé à la presse que le ministre considérait cette proposition comme un "défi" auquel il fallait "accorder de l'attention". Abdel Fattah al-Sissi est soutenu par l'armée, le ministère de l'Intérieur, les libéraux, ainsi que les entrepreneurs et les hauts fonctionnaires de l'ère Moubarak. En guise de réponse, les Frères musulmans ont appelé à manifester.
Le ministre devrait bientôt annoncer lui-même ses intentions. A quelques heures de la réunion des généraux lundi, le président égyptien par intérim Adly Mansour a annoncé que la présidentielle aurait lieu avant les législatives du 19 avril.
Si la feuille de route est revue avec une telle urgence, c’est que l'extrémisme se répand rapidement dans les grandes villes et le Sinaï, où un gazoduc d'exportations a explosé lundi. Deux jours plus tôt un hélicoptère militaire avait été abattu dans la même zone, faisant cinq morts parmi les officiers et neufs blessés. Un bus avec des soldats appelés avait été attaqué le même jour, entraînant deux morts et onze blessés. Deux jours plus tôt les rebelles avaient attaqué la Direction de la sécurité du Caire. Tous ces attentats ont été revendiqués par l'organisation terroriste Ansar Bait al-Maqdis, proche d'Al-Qaïda et agissant dans l'intérêt des Frères musulmans.
L'armée ne parvient pas à garantir la sécurité et l'organisation des législatives pourrait se compliquer considérablement. La présence d'un puissant leader légitime pourrait, justement, jouer un rôle stabilisateur. Jusqu'ici deux politiciens connus ont déclaré leur candidature à la présidentielle – Abdel Moneim Aboul Fotouh et Hamdine Sabahi. Pour sa part le ministre de la Défense al-Sissi avait déclaré qu'il ne se présenterait que si le peuple lui demandait. Il est particulièrement soutenu en Egypte : sa popularité est si élevée que les autorités se demandent même si une élection est nécessaire ou s'il peut être nommé à ce poste sans formalités.
Les médias internationaux sont convaincus que l'arrivée du ministre dans le fauteuil présidentiel ferait revenir l'Egypte à l'époque d’Hosni Moubarak, renversé par la première vague révolutionnaire en janvier 2011. En deux ans d'activité publique au poste de ministre de la Défense, al-Sissi a montré sa capacité à concilier la force militaire, la souplesse politique et la ruse diplomatique. Il a été nommé commandant du district militaire nord en 2008, puis au Conseil suprême des forces armées d'Egypte. En août 2012, le président Morsi l'a nommé chef du Conseil et ministre de la Défense.
Ses partisans sont persuadés que ce leader charismatique sera capable de relancer l'Egypte : la société tolérera les réformes impopulaires si elles étaient appliquées par un homme politique de confiance. Mais des attentes trop élevées pourraient entraîner le résultat inverse. Après tout, al-Sissi n'a pas encore annoncé depuis quelle plateforme politique il se lancera dans la course présidentielle.
S’il est élu, le ministre devra présider un pays dans une situation plus difficile qu'auparavant. Proclamé sauveur, il dirigera des Egyptiens qui ont mené pratiquement deux révolutions et sont très fatigués de la violence. Ce n'est plus un public docile mais des gens qui connaissent leurs possibilités – aussi bien les libéraux de Tahrir que les partisans de Morsi. Ce sont aussi les jeunes Egyptiens qui, comme en 2011, n'ont pas de travail ni la capacité de changer quoi que ce soit.
Le président devra trouver un terrain d'entente avec tous ces groupes sociaux.