Personne ne s’est jamais demandé ce qui est devenue la troisième colombe. Et c’est l’écrivain Stéphane Zweig qui a imaginé et décrit son périple. Enivrée par la liberté du monde nouveau d’abord, chérie par la fraicheur des baldaquins verdoyants de la nature fraiche, elle s’est retrouvé brusquement chassée de partout par les heurs d’hommes, par le grincement d’armes, par les cris de guerre… et elle ne trouve toujours pas de branche où on peut se réfugier de l’esprit guerrier de la civilisation nouvelle…
La parabole peut paraitre lointaine par rapport à la situation actuelle en Ukraine. Pas si lointaine que ça…
Maintenant, quand le centre de Kiev est transformé par les barricades. Que de deux côtés de ces barricades on s’adonne à une guerre médiatique, à la guerre d’images qui épouvantent et influencent des propos et des décisions des leaders du pouvoir et de l’opposition. Quand on entend des nouvelles de prise d’assaut d’administrations municipales, venant des coins différents de l’Ukraine. On oublie facilement qu’au départ, il y a quelques mois, il s’agissait d’agir pour le « bien du peuple ». C’est au nom de ce « bien du peuple » qu’on voulait l’association avec l’Europe. Et l’Europe était prête à accueillir l’Ukraine, en lui infligeant des mesures draconiennes d’économie et des conditions drastiques de restrictions budgétaires, toujours pour le « bien du peuple » Et, c’est toujours l’Europe qui en déclarant, si on reprenait les propos de Laurent Fabius, le Ministre des affaires étrangères, que « l’accord d’association n’est pas une affaire de marchand de tapis », continue à agiter sous le nez de l’Ukraine un appât de l’état de droit « à l’européenne ».
Puis, même quand le choix de l’Ukraine est fait, et quand les pouvoirs ukrainiens sont débordés face au revirement de la situation, les politiques européens continuent à intervenir dans les affaires du pays indépendant. Le 24 janvier 2014, lors des rencontres à Davos, le Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a été invite par le journaliste de I-Télé, Bruce Toussaint.
Bruce Toussaint, journaliste d’I-Télé. : Laurent Fabius, un mot sur la situation en Ukraine, le premier ministre ukrainien a qualifié hier de véritable tentative de coup d’Etat les manifestations organisées par l’opposition, est-ce que vous êtes inquiet de la situation à Kiev ?
Laurent Fabius. Oui, bien sûr, inquiet et indigné. D’ailleurs j’ai donné instruction au Quai d’Orsay de convoquer aujourd’hui l’ambassadeur d’Ukraine en France. C’est un geste pour montrer que vraiment il y a une condamnation de la part de la France. C’est une situation très difficile, nous appelons au dialogue entre à la fois Monsieur Ianoukovytch, le président, et les représentants de l’opposition. Je suis, en particulier, en contact avec Monsieur Klitschko, l’un des grands dirigeants de l’opposition. Mais les lois qui ont été passées, qui sont extrêmement répressives, vont, je l’espère, être modifiées, et il faut que le dialogue s’instaure. Quant au Premier ministre ukrainien, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne s’est pas illustré positivement ces derniers jours, puisque vous avez vu qu’il y a eu des ordres de tirer sur la foule, ce qui est évidement inadmissible.
C’est rare qu’on voie l’intervention si nette et précise du Ministre des Affaires étrangères à propos de la situation dans un autre pays. Nous avons demandé de commenter ces propos à une des figures emblématiques de mouvement clandestin en faveur des droits de l'homme en Ukraine du période soviétique, Léonide Pliouchtch. LVdlR : Alors, pourquoi le ministre français se permet d’intervenir dans les affaires d’un pays indépendant ?
Léonide Pliouchtch. Pourquoi vous dites que c’est l’intervention ? C’est le désir de mettre les parties d’accord, pour que rien d’effroyable n’y arrive. Une sorte de la guerre civile, etc. etc. Je pense que cela inquiète tout le monde. Le gouvernement ukrainien transgresse en permanence ses propres promesses. Tout le monde le voit.
Il y a beaucoup de raisons pour le mécontentement du pouvoir d’Ianoukovitch. Le soi-disant EuroMaidan a regroupé des raisons différentes. Il y a des gens venus de tous horizons. Vous connaissez des stades du développement du Maidan. Au début, c’était le soutien de la politique pro-européenne. Puis, après les premiers incidents, après les infamies des régiments policiers, cela a révolté les gens, les gens étaient mécontents par la dispersion d’étudiants. Puis, ça n’allait qu’en s’accroissant. On a l’impression qu’auprès du Président- même il y a des forces qui ne donnent pas de possibilité de résoudre pacifiquement ces problèmes. C’est-à-dire, dans la réalité, c’est dirigé contre lui aussi.
Quand, le 16 janvier, on a adopté des lois absolument anticonstitutionnelles, anti-démocratiques, qui ont rayés toutes les libertés, là, c’est toute l’Ukraine s’est levée. Actuellement, ça ne fait que s’amplifier… s’amplifier…Ni le pouvoir, ni les leadeurs de l’opposition ne peuvent pas contrôler la situation, parce que maintenant c’est le pouvoir du chaos, ce qui est typique pour toute révolution.
Il y a un grand danger que si le pouvoir proclame la situation d’urgence, la loi martiale – sachant qu’il y a beaucoup de provocateur, qui peuvent provoquer cette situation – cela matérialiserait la menace de la guerre civile.
LVdlR. Vous ne pensez pas que l’occupation d’administrations dans les différentes régions d’Ukraine est une tentative de faire déséquilibrer la situation pour qu’elle ne soit plus contrôlable ?
Léonide Pliouchtch. Je dirais que c’est tout le contraire. Tant que ce n’est concentré qu’à Kiev, cela donne possibilité au pouvoir de faire leurs ignominies au nom du peuple. A ce qui ne parait, tout le peuple ukrainien attend calmement les décisions pacifistes, tant-dis que Kiev est rempli des rebelles qui se comportent en voyous. Vous connaissez le nombre de provocations qu’il y a eu. Dès que les deux parties se mettent à s’entendre, entre l’opposition et le Président, vient s’insérer une sorte de provocation. Donc, c’est le pouvoir qui mène au déséquilibre, va savoir pourquoi…
Mais moi, j’espère quand-même qu’on arrivera à trouver une issue pacifiste.
Ainsi, la troisième colombe, relâchée par Noé, errant toujours à la recherche de la paix, n'est pas revenue, n'ayant toujours pas trouvé où se poser. Pire encore, certaines écritures bibliques parlent, pour cette troisième colombe, d'un corbeau. Dans ce cas-là, l’espoir de son retour est très très mince…