On ne sait pas ce que Raffarin a demandé au Père Noel, mais, au moins le magicien barbu a exaucé son premier vœux : puis qu’il a souhaité à François Hollande « l’inversion de sa politique » Et le changement fut ! Et annoncé. Lors de la conférence de presse le Président de la République a tape fort dès les premiers mots : il a présenté son fameux pacte « pacte de responsabilité » qui prévoit de nouvelles baisses de charges pour les entreprises. Dès le lendemain, le sénateur UMP de la Vienne Jean-Pierre Raffarin a déclaré sur RTL qu’il n’exclut pas de voter la confiance au gouvernement « s’il y a des impôts qui baissent et des charges qui baissent » Par ailleurs, l’ancien premier ministre partage le diagnostic de l’économie de la France fait par le Président. Apparemment, c’est une des rares figures de l’opposition qui fait preuve de bon sens et essaye d’être de bonne volonté.
Sénateur Jean-Pierre Raffarin a accepté de commenter pour notre rédaction les propos de François Hollande.
Jean-Pierre Raffarin. Je suis très intéressé par les déclarations du Président Hollande. Naturellement, je suis lucide : le Président est très marqué par une situation faible en matière de popularité. Mais, pour la première fois un Président de la République, socialiste, se dit « social-démocrate » Pour la première fois il annonce qu’il veut faire la politique favorable aux entreprises. Une politique de l’offre.
Ces orientations la sont importantes. Il annonce la baisse des impôts, ce que nous souhaitons. Il annonce des baisses dans les dépenses de l’Etat, c’est aussi ce que nous souhaitons. Nous pensons que les orientations, que les perspectives sont positives. Naturellement, maintenant il s’agit de passer à l’acte. De passer de la promesse à la réalisation. Si la majorité socialiste et communiste qui soutient le gouvernement poursuit dans cette direction, nous verrions ca d’une manière positive. Nous souhaitons qu’il y ait un allègement des charges pour les entreprises. Nous souhaitons qu’il y ait une baisse des impôts pour les familles. Et tout cela, finance par des économies sur le transit de l’Etat. Si ces orientations sont confirmées, nous pensons que la France reprendrait le chemin dans la bonne direction.
LVDLR. Mais cela a un coût !?
Jean-Pierre Raffarin. Cela a un cout très important, mais ce cout est finance par les économies, c’est-à-dire par les 50 milliards de réduction des dépenses d’Etat. Si le Président est capable de faire ces 50 milliards, nous ne pouvons que nous en réjouir. Dans le pays, aujourd’hui il y a un doute sur la capacité à faire ces réformes. Je pense que l’intérêt de la France aujourd’hui c’est de relancer l’activité par la relance des entreprises. Et pour relance l’activité des entreprises il faut alléger les charges.
LVDLR. Pensez-vous que le Président est suffisamment proche des entreprises et des dirigeants des grandes groupes pour entamer une négociation constructive avec eux ?
Jean-Pierre Raffarin. C’est pour le Président le changement complet de politique. Les dix-huit premier mois de son mandat il a fait la politique a l’oppose. Donc, pour nous il s’agit plus de tête-à-queue que d’un tournant. Il va de soi que notre travail n’est pas d’empêcher cette politique de l’offre, cette politique des entreprises. Le Président annonce cette orientation – il vaut mieux l’aider à réussir cette nouvelle orientation.
LVDLR. On peut rebondir aussi sur une très grande question : la décentralisation et la réduction de nombre des régions. Pensez-vous que la décentralisation permettra d’aller dans cette direction ? Renforcer l’économie. On connaît très bien les « bonnets rouges » en Bretagne, ils étaient pas mal suivis aussi dans d’autres régions. Est-ce que le Président peut s’appuyer sur les régions ? Est-ce que cela va ensemble avec la politique de décentralisation ? Ou ce sont des choses séparées ?
Jean-Pierre Raffarin. Je pense que le Président a compris que la décentralisation était utile à la relance de l’activité en demandant plus de responsabilité aux villes et aux territoires. Il faut valoriser les acteurs sur le terrain, la décentralisation est un projet politique, un projet dynamique, un projet d’initiative.
En France beaucoup de nos régions sont trop petits, beaucoup de régions n’ont pas la dimension européenne. Nous avons des grandes régions européennes, comme, naturellement, la Région parisienne, ou comme la région Rhône-Alpes ou il y a le Métropole lyonnaise. Beaucoup d’autres territoires ne sont pas assez puissants. Le fait qu’on puisse regrouper les territoires fragiles et de donner plus de puissance aux régions en leur donnant la dimension européenne, cela nous permettra à la fois d’être plus fort, mais aussi faire des économies en diminuant le nombre des régions.
LVDLR. Je suppose que ce sont deux choses qui vont être menées différemment. Parce que la réorganisation des régions peut affaiblir leur cote structurelle. Bien sûr, on a ce qu’on appelle « le mille-feuille français », il y a trop de l’administration parfois. Est-ce que s’occuper des régions ne va pas empêcher renforcer l’économie en même temps ?
Jean-Pierre Raffarin. Je pense que le découpage nouveau des régions est un sujet qui va prendre du temps. Sur des allègements de charges pour des entreprises et de baisse d’impôts pour les ménages il faudra aller vite. Pour le découpage régional – c’est quelque chose qui peut se faire d’ici la fin du mandat du Président, en écoutant un peu les territoires et en essayant de définir la meilleure carte possible.
Notre idée est qu’il y a du gaspillage aujourd’hui, parce que nous avons trop de collectivités locales. Il est important pour nous d’être plus rationnels, d’être plus simple. Pour cela ce qui est utile – c’est d’agrandir des régions, et ainsi d’en diminuer le nombre.
LVDLR. Il y a que la région de Corse qui n’est pas touchée. Les autres sont plus ou moins bousculées. Il y a la question de Bretagne qui a posé carrément des ultimatums : « soit la Loire Atlantique est à nous, soit elle n’est à personne ! »
Jean-Pierre Raffarin. C’est vrai qu’il y a des débats avec les particularismes locaux, mais je pense que la carte de la période de Balladur aujourd’hui est un peu dépassée. Pour cela les nouvelles discussions et négociations sont nécessaires, d’où l’intérêt de cette démarche d’ouvrir le débat avec une volonté de concertation.
LVDLR. Est-ce que la Bretagne va récupérer leur ancienne capitale ?
Jean-Pierre Raffarin. Je pense que la Bretagne a vocation à rassembler aussi les Pays de la Loire. Je le crois.
Le projet de découpage de la France envisagé à l’époque du « comité Balladur », en 2008-2009 supposait un grand remaniement des régions. Entre le démantèlement du Poitou-Charentes entre l’Aquitaine et Val de Loire, l’éclatement de Languedoc-Roussillon en trois et la « disparition » de la Picardie, il avait carrément de quoi faire peur. Les temps ont révolus, mais le problème des différents collectivités et structures qui s’emboitent comme des poupées russes n’est pas résolu. Pourtant, juste après la conférence de presse, François Hollande a précisé son idée de réformer la carte des territoires. Hostile à la suppression pure et simple des départements, il considère qu’il faut renforcer les compétences des régions et envisage une réduction de leur nombre. « Rien ne doit être figé », a-t-il déclaré.
C’est une affaire à rebondissement. Certains experts parlent même qu’on pourrait arriver à 10 régions en France au lieu de 22. Par exemple, sur la carte proposée par Jacques Lévy, géographe et professeur à l’Ecole polytechnique de Lausanne rien ne rappelle la France habituelle. Il propose une nouvelle carte, dans laquelle les régions coïncideraient avec leur « espace biographique », avec, par exemple, une région énorme en milieu dite « Bassin parisien ».
Apres la conférence de presse du Président, de nombreux politologues et journalistes ont essayé à redessiner la carte des régions. Personne n’a touché à la Corse, c’est évident, mais il est intéressant que la plupart d’experts et analystes pensent qu'une Normandie réunifiée, une Bretagne réunifiée sans fusion avec les Pays de La Loire font partie des pistes les plus évidentes. « La réunification de la Bretagne historique est pour nous le gage d'un développement harmonieux de Rennes, Nantes et Brest, - a déclaré Caroline Ollivro, Présidente de Breizh Europa, mouvement autonomiste breton et fédéraliste européen, - Et c’est la seule possibilité pour ces trois métropoles d'accéder au statut de « ville qui compte en Europe ». Cette hypothèse parie sur une Bretagne émancipée dans une Europe fédérale, une Bretagne qui ne tournerait pas pour autant le dos à son histoire. »
Le journal « Ouest-France » va jusqu’à proposer à ses lecteur un « jeu de découpage » avec une possibilité de voter pour un des sept projets. Toujours avec la Bretagne réunie… Et même si ce « projet » peut provoquer des réactions amères qui supposent que « tous les gouvernements qui se sont succédé depuis l'infâme découpage se sont allègrement moqué de ce que pensait la population. » le travail réuni des élus et des simples citoyens ne s’arrête pas pour autant.
Et dans le concret : quelle influence auront les propos du Président sur le processus de décentralisation territorial qui est toujours en cours, sous l'égide de Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l'État, de la Décentralisation ? Il est évident que cette réforme n’est pas jute la clarification des compétences de chaque échelon. Trancher à travers le corps vivant des régions, à travers le « corps » des peuples de souche dans certains cas, n’est pas une tache toute simple. Jongler entre les réalités économiques, culturels, linguistiques… sentimentales même… est un exercice périlleux. Quoi que… est-ce que les considérations « sentimentales » seront prises en compte ?
Toujours est-il que la date de passage du projet de décentralisation en Conseil des ministres est encore indéterminée.