Il y a un mois le président Vladimir Poutine a ordonné d'augmenter la présence militaire russe dans l'Arctique, au lendemain du lancement d'une pareille procédure par le Canada. Des glaces millénaires fondent, les ours blancs sont en train de disparaître, mais ces conséquences pénibles du réchauffement climatique ouvrent une nouvelle voie maritime et les supposées réserves de pétrole abritées au fond de ce monstre froid. Le vrai et le faux, orgueil et préjugés, les accents russes et canadiens s’entrelacent ici en formant toute un contexte arctique d’envergure mondiale.
Nous avons prié de dissiper ce rideaux de fumée un éminent spécialiste de la géographie économique Laurent Carroué, ancien président du Jury d'Histoire et Géographie économiques de l'École Supérieure de Commerce de Paris.
LVdlR. La vague d'intérêt de la communauté internationale vers l'Arctique n'a pas commencé aujourd'hui mais dans les années 2008-2009 quand la Russie a descendu son drapeau au fond de l'océan Arctique, près du pôle Nord. Et jusqu’à présent le processus se poursuit en boule de neige. Presque tous les pays riverains ont adopté leur stratégie nationale concernant l'Arctique. Les médias russes et français sont toujours très préoccupés par ce thème en laissant circuler des rumeurs sur la future «bataille pour l’Arctique». Quelle est votre opinion sur cette question?
Laurent Carroué. L’Arctique a été gelée pendant la Guerre Froide et c’était le lieu d’affrontement entre l’URSS et les Etats-Unis avec une forte militarisation et un gel géostratégique . Vers la fin de la guerre froide la transformation et les évolutions de l’URSS et d’autre part les évolutions de l’Amérique du Nord font que l’Arctique redevient un enjeu stratégique mais moins militaire que géopolitique et en particulier énergétique. Alors dans ces cas-là il faut prendre à l’encontre les questions aussi d’évolution que de climat avec tous les problèmes du réchauffement climatique qui pourrait ouvrir une nouvelle voie maritime dont la Russie sera la principale bénéficiaire même si c’est à relativiser et à prendre avec un certain recul critique. Et le deuxième élément après que cela permet aussi la nouvelle conquête de nature minière ou énergétique en particulier avec le développement des énergie offshores sur le gaz ou sur la pétrole. Ces processus sont aujourd’hui en pleine développement mais ils ne concernent pas seulement la Russie. Cette semaine le premier ministre canadien a annoncé la construction de la première route reliant l'océan Arctique au continent américain. Le Canada d’aujourd’hui cherche face aux Etat-Unies à affirmer sa souveraineté aussi sur l’océan arctique. Enfin il y a aussi toute la question de Groenland et de son avenir avec le développement potentiel de richesse minière et énergétique offshore. Tous ces éléments-là concourent à une revalidation des enjeux arctiques sur la scène politique internationale.
LVdlR. Le Conseil de l'Arctique est composé de 8 pays arctiques et quelques pays observateurs y compris la France. Selon vous quels sont les intérêts de la France dans la région ?
Laurent Carroué. Je crois que le grand intérêt du Conseil de l’Arctique est que globalement il y a un consensus politique et géostratégique pour faire en sorte que cette océan ne devienne pas un nouveau lieu de confrontation. Les pays riverains vont sans doute vouloir porter leurs zones économiques exclusives de 220 à 320 milles. Et je pense qu’un des grands enjeux de l’avenir pour l’Arctique cela va être l’évolution des zones économiques exclusives et de l’élargissement des zones de souveraineté économiques des Etats riverains sur l’océan Arctique. On voit bien qu’il y a un certain nombre des puissances comme la Chine et la France qui souhaitent aussi participer à ces grands débats. Donc cela relève à la fois d’une géographie et d’une géopolitique régionale qui concerne des pays riverains et mondiale avec un certain nombre de puissances qui souhaitent participer et être intégrés à une espèce d’organisation de cogestion.
LVdlR. Est- ce que selon vous l’exploitation de l’Arctique va-t-elle contribuer à la rédestribution de l’image économique du monde ?
Laurent Carroué. La question qui se pose c’est l’intégration de ces périféries aux grands centres économiques dominents et on peut penser de Moscou ou à Saint-Petersbourg pour la Russie. Le deuxième élément est le coût de la valorisation des ces espaces. Ce sont des espaces très difficiles y compris le developpement de l’offshore pour le petrole et le gaz. Je pense en particulièr à la mer de Barents et à tout ce que peut se developper actuellement au Nord de la Norvège. Ce sont des coûts de productions très élevés et les investissements très importants et donc ils ne peuvent pas être valorisés et rentabilisés que grace à la hausse du prix des matières premières sur le marché mondiale. Cela veut dire que la valorisation de l’Arctique au niveau énérgetique et minier est étroitement dépandante de la demande mondiale. L’enjeu essentiel est comment va évaluer le marché et les prix internationneaux des matières premières et cela reste l’une des plus grandes interrogations dans les 20 ou 30 ans qui viennent.