Le président russe Vladimir Poutine a donné jeudi à Moscou sa traditionnelle conférence de presse annuelle qui a duré quatre heures. Le chef de l'Etat a abordé un large éventail de sujets, de la crise politique en Ukraine à la protection des valeurs éthiques traditionnelles en passant par le déploiement de missiles Iskander à Kaliningrad, l'exploitation des ressources de l'Arctique ou encore la lutte contre la corruption.
Ukraine
La situation en Ukraine fait la une des médias internationaux depuis plusieurs semaines. Ce n'est pas sans raison que ce thème a été évoqué en priorité lors de la conférence de presse du président russe.
Selon lui, la crise en Ukraine n'est pas liée à l'intégration européenne du pays, mais à la lutte politique intérieure.
"La non-signature du document [accord d'association, ndlr] avec l'Union européenne n'est qu'un prétexte, rien qu'un prétexte", a souligné M. Poutine.
Il estime que les accords conclus mardi entre Moscou et Kiev visent à soutenir le peuple ukrainien. L'un de ces documents prévoit une réduction substantielle des prix du gaz russe qui passeront de 406 à 268,5 dollars les 1.000 m3.
"Nous avons pris cette décision à la lumière de nos relations particulières avec l'Ukraine et dans l'intérêt du peuple ukrainien et non des autorités en place".
Russie
Les résultats économiques de l'année qui s'en va ont été évoqués par le président à titre de préambule à sa conférence de presse.
Cette année, "la croissance du PIB réel par rapport à l'année précédente sera de 1,4-1,5%. L'inflation se chiffrera à 6,1%, soit une légère baisse par rapport à l'année dernière avec 6,6%. Dans l'ensemble, ce n'est pas mal", a constaté M. Poutine, soulignant que le secteur agroalimentaire russe enregistrerait une croissance de 6,8% sur l'année 2013.
Dans le même temps, les salaires réels des Russes ont augmenté cette année de 5,5% et le revenu réel disponible de 3,6%, a indiqué le chef de l'Etat.
Evoquant le potentiel du gouvernement russe, M. Poutine estime qu'il est encore loin d'être épuisé.
"J'ai dit que je jugeais satisfaisant le travail du gouvernement. Et je pense qu'un chassé-croisé ministériel serait la pire des choses", a affirmé le président.
Il a dans le même temps souligné la nécessité d'intensifier la lutte contre la corruption et rappelé le mesures récemment adoptées en la matière, dont la déclaration obligatoire des revenus et l'interdiction pour les agents de l'Etat de posséder des comptes et des biens immobiliers à l'étranger.
Valeurs morales
Les autorités russes ne critiquent pas les valeurs occidentales, mais cherchent à protéger leur société contre le comportement agressif observé chez certains groupes sociaux en Occident, a déclaré le président russe Vladimir Poutine lors de sa grande conférence de presse annuelle.
"Ce qui compte pour moi ce n'est pas le fait de critiquer les valeurs occidentales, mais l'importance de protéger notre société contre des pseudo-valeurs que nos citoyens ont du mal à accepter", a expliqué le président. Selon lui, "la question n'est pas de critiquer qui que ce soit, mais de nous protéger contre le comportement assez agressif de certains groupes sociaux qui […] imposent de manière agressive leur point de vue aux citoyens d'autres pays".
"C'est une approche conservatrice, mais il s'agit d'un conservatisme qui n'empêche pas le progrès vers l'avant et vers le haut", a conclu Vladimir Poutine.
Arctique
Personne n'empêchera Moscou d'exploiter le plateau continental en Arctique, mais la Russie est prête à apporter des corrections à son travail pour préserver l'environnement.
"Je voudrais être clair - nous sommes ouverts au dialogue. Si c'est nécessaire et si nous entendons des arguments convaincants, nous pouvons modifier sensiblement nos projets en dépit des frais élevés", a indiqué M. Poutine, commentant la situation autour du bateau de Greenpeace, Arctic Sunrise.
Le président a en outre estimé que les militants de Greenpeace qui ont escaladé une plate-forme pétrolière russe en Arctique avant d'être arrêtés par des gardes-frontières, avaient pour mission de torpiller les activités pétrolières russes sur le plateau continental à la demande de tierces parties.
"Pourquoi est-ce qu'on fait des choses pareilles? Soit pour exercer une pression sur une société pour qu'on vous paie, soit pour empêcher de prospecter le plateau continental sur l'ordre de quelqu'un. Il s'agit d'une affaire sérieuse pour nous, et nous ne ferons aucune concession en la matière", a indiqué le chef du Kremlin.
Missiles à Kaliningrad
La Russie n'a pas encore pris la décision de déployer des missiles Iskander dans la région de Kaliningrad, enclavée entre la Lituanie et la Pologne, a affirmé M. Poutine.
"Nous n'avons pas encore décidé [de déployer ces missiles], gardez votre calme. Les Iskander ne sont pas notre seul moyen de défense et de réaction aux menaces qui nous entourent", a déclaré le chef de l'Etat russe.
Services secrets: des règles morales nécessaires
Interrogé sur son attitude envers les révélations de l'ex-consultant de l'Agence nationale de sécurité des Etats-Unis Edward Snowden, le président russe a fait savoir que les services secrets pratiquaient la surveillance électronique "en premier lieu pour combattre le terrorisme".
"Il n'en reste pas moins que leurs activités doivent obéir à des règles plus ou moins compréhensibles et, bien entendu, à des accords, y compris d'ordre moral", a précisé M. Poutine.
Interrogé sur le problème nucléaire iranien, le président russe a souligné que les propos fermes récemment tenus par le président Barack Obama à l'adresse de Téhéran ne signifiaient pas que Washington avait abandonné la position définie par la communauté internationale.
"Je ne pense pas que les récentes déclarations du président des Etats-Unis signifient que les Américains aient abandonné la ligne définie conjointement", a indiqué M. Poutine.
"Il ne faut pas oublier que l'administration [des Etats-Unis] subit la pression de différentes forces au sein de l'establishment américain, y compris la pression d'une partie considérable du Congrès. Cette partie s'aligne à son tour sur Israël", a précisé le président russe.
Eventuel successeur au Kremlin
Le président russe a refusé jeudi de nommer son successeur éventuel, estimant qu'il était encore trop tôt pour en parler.
"Je n'ai rien dit d'un successeur parce qu'il n'y a pas de raison d'en parler", a déclaré le chef de l'Etat, soulignant qu'il y avait en Russie beaucoup de personnalités politiques très expérimentées.
Pour couronner sa grande conférence de presse annuelle, le président a annoncé sa décision de gracier l'ex-PDG du groupe pétrolier russe Ioukos Mikhaïl Khodorkovski détenu depuis 2003 pour escroquerie, fraude fiscale et blanchiment d'argent. Cette décision fait suite à la demande de grâce déposée par M. Khodorkovski dont la mère est gravement malade.