Uruguay : du cannabis à la place du maté

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L'Uruguay est devenu le premier pays du monde à avoir légalisé officiellement le cannabis. Les autorités espèrent que la légalisation de l'herbe privera les syndicats de la drogue de leur base économique, leur permettra de contrôler le marché et de réduire le chiffre d'affaires de ce dernier. Le parlement de la République orientale de l'Uruguay a approuvé la loi accordant au gouvernement le monopole sur la vente, la culture, le traitement, l'exportation et l'importation de la drogue. Jusqu'à présent l'Uruguay tenait le haut du pavé sur le continent en matière de consommation de thé du Paraguay, dit maté, une boisson tonifiante spécifique. Maintenant le maté pourrait être évincé par le cannabis. Montevideo espère pouvoir y gagner grâce à sa nouvelle initiative. Selon le gouvernement, le marché noir du cannabis est évalué à 30 millions de dollars par an.

La nouvelle loi entre en vigueur le 1er janvier prochain. Le gouvernement pense cependant qu'il ne tournera à plein qu'en avril. Vladimir Travkine, rédacteur en chef de la revue Amérique latine, a noté dans un entretien à La Voix de la Russie qu'en portant un jugement sur cette expérience de légalisation, il fallait retenir que l'Uruguay n'était pas le pays latino-américain le plus typique. En ce qui concerne la composition démographique, les traditions et l'histoire, c'est l'Etat le plus européen sur le continent où les tendances européennes sont les plus enracinées. En plus, rappelle-t-il, il a actuellement un gouvernement de gauche.

« A l'heure actuelle, une nouvelle vague d'une attitude plus libérale envers le mariage homosexuel ou la consommation de la drogue douce arrive en Uruguay en provenance d'Europe. Regardez ce qui se passe aux Pays-Bas ou en France. Cette loi a été adoptée sous cette influence européenne et en raison de l'horreur suscitée par les perspectives de la menace de la drogue. Il faut avouer que le parlement n'était point unanime. Les débats étaient très violents. Je pense que cette voie est erronée. »

L'expérience uruguayenne est organisée de la façon suivante. A partir du printemps tous les habitants seront autorisés à acheter librement 40 grammes de cannabis par mois dans des pharmacies homologuées par l'Etat. Le prix d'Etat approximatif est de 1 dollar/gramme. D'après les données de l'ONU, le prix moyen mondial est d'au moins 7 dollars. L'unique impératiif est d'être enregistré dans une base de données publique de consommateurs. Les Uruguayens seront également autorisés à cultiver six plants de cannabis par an ce qui est l'équivalent de 480 grammes. Ceux qui aiment fumer un joint en commun pourront former des clubs de 15 à 45 membres (également enregistrés). Un club sera autorisé à faire pousser 99 plants par an.

L'expert russe de l'Asie centrale et du Proche-Orient Semion Bagdassarov rappelle que le monde connaît déjà des expériences de ce genre. Elles ont été organisées dans l'espoir que la dépénalisation du cannabis permettrait de réduire le trafic de drogue et que la consommation de la drogue douce détournerait de la drogue dure comme l'héroïne et autres.

« Hélas, l'expérience démontre que les consommateurs commencent par la drogue douce pour passer ensuite à la drogue dure. Je pense qu'à peu près le même sort attend l'Uruguay. C'est pourquoi la majorité de la population s'opposait à l'initiative gouvernementale, comme cela ressort des résultats de sondages. Mais la réforme vient d'en haut. »

Cette drogue psychotrope est capable de provoquer des changements psychiques et d'avoir des conséquences irréversibles pour l'organisme humain. « Le cannabis est une drogue qui provoque une forte dépendance », constate Maria Alonso, directrice d'un centre de réhabilitation des toxicomanes à Montevideo. « Il est 15 fois plus cancérigène que le tabac. Sa consommation conduit à des troubles psychiques, à des dépressions, à la paranoïa et à la schizophrénie ». Mais le plus grand mal du cannabis et du haschich est dans le fait que les gens réagissent différemment à des doses égales, c'est pourquoi il est impossible de déterminer une dose relativement inoffensive.

L'Uruguay n'est pas le seul pays à mener cette expérience avec le cannabis. En 2009, l'Argentine a dépénalisé la possession de petites quantités de marijuana (moins de deux grammes). Cela est devenu un délit administratif passible d'une amende. Avant, la consommation et la possession de marijuana ou de joints signifiait encourir deux ans de prison. A dater du 1er janvier prochain, la vente de cannabis à des fins récréatives à des particuliers et la possession de quantités infimes seront autorisées dans les Etats américains du Washington et du Colorado. Les lois fédérales des Etats-Unis interdisent l'usage de la marijuana. Néanmoins elle est aurorisée à des fins curatives depuis 1996 dans l'Alaska, la Californie, le Colorado, l'Hawaï, le Maine, le Nevada, le Maryland, le Nouveau-Mexique, le Rhode Island et le Vermont. En Belgique, la police ne poursuit plus depuis les années 2000 les gens en possession de 3 grammes de haschich. Le Canada autorise à cultiver et fumer du cannabis mais uniquement aux malades et à condition d'avoir l'autorisation des organes de santé locaux. Au Mexique, on peut être en possession de 2 grammes d'opium, de 5 grammes de cannabis, de 50 milligrammes d'héroïne et de 40 milligrammes de métamphétamine.

En Europe, contrairement à l'opinion répandue, les Pays-Bas ne sont pas le pays le plus libéral en la matière. Techniquement, la drogue y est interdite. Les Portugais ont devancé tous les autres sur le Vieux continent. En 2001, le Portugal a annulé les peines de prison pour la consommation de cannabis et sa possession est punie de la même façon que le stationnement interdit. Chaque habitant du pays peut avoir dans sa poche 1 gramme d'héroïne, 2 grammes de cocaïne, 25 grammes de cannabis, 5 grammes d'haschich et 1 gramme d'extasy ou d'amphétamine.   N

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