Vostok révèle les secrets de l’Antarctique

Vostok révèle les secrets de l’Antarctique
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L’Antarctique ne cesse de nous réserver des surprises. On vient d’y enregistrer un nouveau record mondial de froid, moins 91,2 degrés Celsius. Bien que cet immense continent recouvert par une carapace de glace soit connu depuis 1820 quand il était aperçu par l’expédition russe de Mikhaїl Lazarev et Fabian Gottlieb von Bellingshausen, il continue à étonner les scientifiques.

Ce n’est qu’à la fin des années 1950, à la suite de l’Année géophysique internationale (1957), que les nations ont décidé de vouer l’Antarctique à la recherche scientifique. En 1957, l’Union soviétique y installe la station Vostok, la plus isolée des stations de recherche en Antarctique où l’on a effectué une série de forages des glaces. Le 5 février 2012 entre dans l’histoire comme la date de la découverte du lac sous-glaciaire Vostok

Nous nous sommes adressés à Jean-Robert Petit, directeur de recherche au Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement de Grenoble, auteur du livre « Vostok : le dernier secret de l’Antarctique », pour lui demander de nous éclairer sur les découvertes faites récemment sur le continent de glace. Monsieur Petit a eu l’expérience du travail dans des conditions climatiques sévères à la station Vostok, il apris part à l’analysé des carottes de forage à la station. Ecoutons-le :

J.-R. Petit : Il y a eu une période des explorateurs. Il y avait Amundsen, il y avait Scott et beaucoup d’autres. Mais la période à partir de 1950 c’était la géophysique et l’analyse. Depuis des années 1970 on a pris conscience que les couches de glace qui s’accumulent renferment des informations sur le climat. Il y a eu donc un certain nombre de forages dans la glace qui ont été réalisés. Le forage qui était réalisé à Vostok a commencé en 1975. Nous collaborons avec l’Institut de recherche sur l'Arctique et l'Antarctique de Saint-Pétersbourg, avec l’Institut des mines de Saint-Pétersbourg, l’Institut de géographie de Moscou. Nous collaborons avec ces principaux instituts depuis 1980. Au niveau du climat, la carotte de Vostok qui est long de 3700 m maintenant, a permis de reconstituer le climat sur 400 000 dernières années. Vostok a été la première carotte à nous montrer que les variations du climat du passé (on retrouvait les périodes glaciaires d’il y a 20 000 ans, d’il y a 120 000 ans…) suivaient un certain rythme et, d’autre part, qu’avec les variations du climat la composition de l’atmosphère était modifiée. La station de Vostok est située à 1400 km à l’intérieur des terres, à 3500 m d’altitude. Cet endroit a été choisi en 1957 parce que c’était le point géomagnétique, point intéressant pour étudier l’ionosphère. Il s’est trouvé que dans les années 1990 on a mis en évidence par des mesures indirectes que sous la glace il y avait un lac. Le lac sous-glaciaire de Vostok est le plus grand lac sous-glaciaire jusqu’à présent qui était découvert. C’est un lac qui est grand comme le tiers du lac Baïkal. La superficie est de 15 000 km² et sa profondeur atteint 1500 m. Le bas du lac se trouve à peu près à 5 km en dessous du niveau de la surface. Les foreurs russes ont réussi l’année dernière 2012 à percer ce lac. Ils ont pu récupérer des échantillons d’eau qu’ils sont en train d’analyser. Il y a les biologistes moléculaires de Saint-Pétersbourg qui étudient cela. Nous avons travaillé avec nos collègues russes sur la glace qui était juste en contact au-dessus du lac. Nous avons étudié cette glace qui a montré qu’il y avait des signes de vie. Il n’y a pas de monstres, bien sûr. Si on réfléchit sur les conditions qui règnent dans ce lac, on est très vite limité à des bactéries, à des virus, à des microorganismes que l’on appelle extrêmophiles. Puisque sous la glace il n’y a pas de lumière et la lumière est importante pour la vie autant que la présence d’eau. D’autre part, on pense que le lac est extrêmement pur puisque la neige qui tombe en surface est extrêmement pure, il y a très peu d’éléments chimiques dans le lac. Par contre, il peut y avoir des sources chaudes qui émanent du fond du lac. Dans les sources chaudes il y a automatiquement un chimisme des éléments chimiques qui pourraient être utilisés par des microorganismes. Et nous avons trouvé une bactérie qui fonctionne indépendamment de notre monde, récupère son énergie à partir de l’hydrogène qui émane du centre de la Terre.

LVdlR : Combien de temps avez-vous passé à Vostok ? Comment ça se passe la vie en Antarctique, sachant que les conditions climatiques y sont vraiment austères et inhumaines ?

J.-R. Petit : Je suis allé à Vostok et je suis revenu. Il y a des collègues russes qui hivernent à Vostok, ils séjournent pendant 12-13 mois sur place puisqu’on peut aller à la station uniquement en été, c'est-à-dire en décembre et en janvier. J’ai réalisé treize expéditions avec mes collègues russes mais je n’ai jamais eu le courage d’hiverner. C’était des expéditions en été, c’était des expéditions qui étaient pour des opérations du forage, pour étudier la glace à la station de Vostok. Les conditions sont, certes, inhumaines à l’extérieurs mais à l’intérieur il y a un minimum de confort.

Le réchauffement de la planète… Cette question préoccupe de nos jours de plus en plus de scientifiques. L’analyse des couches de la glace extraites de la profondeur de l’Antarctique permet, d’ailleurs, de suivre le changement climatique à travers les siècles.

J.-R. Petit : En remontant dans le passé nous avons reconstitué le climat sur les 400 000 ans et nous avons mis en évidence la relation entre le climat du passé et la composition de l’atmosphère, en particulier, le gaz carbonique qui se trouve naturellement emprisonné dans l’océan. Nous avons actuellement dans l’atmosphère 40 % de plus de gaz carbonique que le maximum que l’on peut observer dans le passé. Nous n’avons jamais mesuré la composition de l’atmosphère avec des concentrations de CO2 dans l’atmosphère aussi élevées qu’actuellement. Depuis une centaine d’années, depuis que l’homme a inventé la machine à vapeur, l’atmosphère augmente systématiquement sa concentration en gaz carbonique. Donc l’effet de serre va avoir une conséquence vers le réchauffement. Il y avait la conférence où les scientifiques d’IPCC (Intergouvernmental Panel on Climate Change) sont arrivés à la conclusion que les variations du climat que l’on peut observer depuis des années 1990, cette augmentation de température qui est observée (c’est1degré) est liée à l’augmentation du gaz carbonique. Ce que la glace a apporté, c’était la physique, cela nous a montré que le système climatique fonctionne d’une certaine manière. Et maintenant ce qu’observent les scientifiques, c’est que le réchauffement climatique qui est global a beaucoup de facettes mais les scientifiques sont persuadés que le phénomène existe et que c’est lié à l’activité humaine.

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