La mise en place par la Chine d'une zone de défense aérienne en mer de Chine orientale près des îles Senkaku, territoire japonais revendiqué par Pékin, a créé des tensions entre Washington et Pékin, écrit mardi le quotidien Izvestia.
Washington, engagée à protéger le Japon conformément à leur traité de sécurité d'après-guerre, est préoccupée par cette décision chinoise. Une partie de cette zone de défense aérienne - d'une superficie égale aux deux tiers du Royaume-Uni - empiète sur l'espace aérien japonais au-dessus des îles Senkaku.
Pour le secrétaire d'Etat américain John Kerry, ce genre de démarches unilatérales constitue une tentative de modifier le statu quo dans la région. L'ambassadeur américain Gary Locke a été convoqué le 25 novembre au ministère chinois des Affaires étrangères qui a prié Washington de "garder ses distances par rapport au litige insulaire et de ne plus faire de remarques irresponsables".
Si Pékin mettait en application ses menaces, tous les avions survolant cette zone devraient en informer les autorités aériennes chinoises avant d'y pénétrer. Ceux qui transgresseraient cette règle pourraient même être abattus.
Washington prévoyait certainement cette réaction brusque de Pékin, mais il ne pouvait pas s'abstenir de la commenter.
"L'Amérique doit montrer au Japon, son principal allié en Asie-Pacifique, que le traité de sécurité reste en vigueur. Ces derniers temps les Japonais commencent à en douter, surtout après la rencontre du président Obama en Californie avec son homologue chinois Xi Jinping. En octobre le président américain n'a pas non plus assisté au sommet de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC) de Bali", analyse Valeri Kistanov, directeur du Centre d'études japonaises à l'Institut de l'Extrême-Orient.
Avec le soutien de Washington, le Japon veut continuer de moderniser ses propres forces militaires pour être à la hauteur en cas de "légitime défense". Le Japon, à terme, pourrait ainsi être doté d’une armée à part entière. Selon Valeri Kistanov, Tokyo reverra prochainement les principales dispositions de sa politique de défense.
Les USA vont également continuer de faire pression sur le Japon pour régler au plus vite le problème de la base d'infanterie de marine de Futenma à Okinawa, principal avant-poste américain en Asie du Nord-Est. Pour l'instant, les habitants manifestent contre son déploiement, préoccupés par la chute des nouveaux hélicoptères Osprey sur les quartiers résidentiels au vu des incidents qui se sont déjà produits.
Le conflit autour des îles Senkaku pourrait contribuer au renforcement de la présence américaine dans la région et au développement des forces armées du Japon. Mais il ne faut pas s'attendre à une confrontation directe entre Washington et Pékin.
"S'ils décidaient tout à coup de rompre leurs relations les USA et la Chine se retrouveraient dans un état d'élimination économique mutuelle", rappelle Pavel Zolotarev, directeur adjoint de l'Institut des Etats-Unis et du Canada.
A l'heure actuelle, la Chine est le plus grand détenteur de titres du Trésor américain (1 200 milliards de dollars, selon les données de septembre 2013), par conséquent la détérioration significative des relations entraînerait l'effondrement de l'économie des deux pays.
Par ailleurs, le règlement du litige insulaire en mer de Chine orientale ne semble pas avoir de solution évidente. Et si la Chine instaurait ce contrôle de la zone aérienne, le conflit pourrait se retrouver dans l'impasse. Le ministre japonais de la Défense Itsunori Onodera a déjà déclaré que l'armée de l'air réagirait sévèrement à la violation de l'espace aérien du Japon.
