La compagnie ukrainienne Naftogaz arrête d'acheter du gaz russe, écrit mardi le quotidien RBC Daily.
L'Ukraine espère ainsi obtenir des concessions dans ses négociations avec Gazprom et envoie un signal à l'Union européenne, comptant sur son aide dans les pourparlers avec Moscou.
Les experts sont persuadés qu'il n'y aura pas de nouvelle "guerre du gaz" et que les parties arriveront à trouver un compromis dans les semaines à venir.
En octobre Naftogaz a reçu 3,2 milliards de mètres cubes de gaz soit en moyenne 104 millions de mètres cubes par jour. Début novembre les achats ont été divisés par deux et, les 6 et 7 novembre, ils avoisinaient les 9 millions de mètres cubes par jour. Les importations ont cessé à partir du 8 novembre, annonce Interfax, se référant à la Direction centrale de distribution du complexe énergétique. Le service de presse de Gazprom s'est refusé à tout commentaire.
Le vice-premier ministre ukrainien Iouri Boïko avait déclaré qu'en 2013 l'Ukraine achèterait seulement 11 milliards de mètres cubes de gaz russe contre 40 milliards trois ans auparavant.
Par ailleurs, le premier ministre ukrainien Nikolaï Azarov avait déclaré que l'Ukraine pourrait renoncer complètement aux importations de gaz russe si le contrat gazier actuel et les tarifs des hydrocarbures russes n'étaient pas révisés, dénonçant "l’approche formelle" de la Russie sur ce dossier.
D'après l'agence UNIAN qui se réfère au porte-parole de Gazprom Sergueï Kouprianov, Naftogaz doit 1,355 milliard de dollars à son partenaire russe pour les livraisons d'octobre et encore 792 millions de dollars pour le gaz fourni en août.
Cette dette préoccupe le holding russe et l'"approche formelle" de la Russie, celle-là même qui contrarie Azarov, prévoit justement un système de prépaiement. Jusqu'à présent Naftogaz payait après l'obtention du gaz et pour les fournitures d'août par exemple, le paiement devait être effectué avant le 1er octobre. Cependant fin octobre, le président de Gazprom Alexeï Miller a annoncé que son groupe n'avait toujours pas reçu l'argent et le premier ministre russe Dmitri Medvedev avait suggéré à l'Ukraine d'opter pour le prépaiement.
"Naftogaz est déjà en faillite de facto. La direction de la compagnie ukrainienne a reconnu que, sur cette dette supérieure à 1,1 milliard de dollars pour le gaz d'octobre, elle ne pourrait rembourser que 15 millions de dollars", a déclaré Narek Avakian, analyste d'AForex. Sans compter que Naftogaz doit faire face à de sérieux impayés au niveau national et que les compagnies privées empiètent sur une part de plus en plus grande des importations de gaz russe, privant Naftogaz du segment porteur des consommateurs industriels, ajoute Dmitri Tremassov, analyste de BKS Forex.
Des causes politiques viennent s'ajouter aux problèmes économiques : cet arrêt des importations de gaz russe résulte également d’une tension entre les deux pays après que l'Ukraine a décidé de signer un accord d'association avec l'UE au sommet du Vilnius le 26 novembre.
Les experts se rejoignent pour dire que le conflit sera réglé rapidement. "Cette rhétorique ukrainienne à l'approche de la saison froide en Europe rappelle les conséquences des guerres du gaz dans le passé. Elle pourrait viser à obtenir des concessions dans les négociations avec Gazprom. Je doute que cette situation évolue vers un long conflit : ce n'est pas dans l'intérêt des deux parties et une solution de compromis pourrait être trouvée dans les semaines à venir", estime Dmitri Tremassov. "Le gouvernement ukrainien n'a aucune autre source alternative de gaz car les autres fournisseurs avancent des conditions bien plus strictes que Gazprom. Le développement d’une exploitation nationale est par ailleurs peu probable car l'Ukraine ne dispose pas d'importantes réserves de gaz naturel", conclut Narek Avakian.
