L’Assassinat de François-Ferdinand dans la presse russe de 1914

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L'héritier du trône austro-hongrois, l'archiduc François-Ferdinand, espoir de cette monarchie en décomposition, a été assassiné à Sarajevo le 28 juin 1914.

Adversaire de l’indépendance des peuples des Balkans, il était contre la transformation de l’Autriche-Hongrie en un état trinitaire : Autriche-Hongrie-Yougoslavie. Focus sur ce personnage clé de l’histoire de la première moitié du 20e siècle à travers les articles des journaux russes de l’époque.

Voici comment le journal Rousskie vedomosti datant du 19 juin 1914 décrit l’archiduc François-Ferdinand : « On le connaissait uniquement grâce aux légendes et les anecdotes qui le décrivaient comme une personne dure et dominatrice, que son statut d’hériter imposé par la dynastie arrivait à peine à contrôler, et qui remontait parfois à la surface sous forme de gestes vifs et des actions brusques. »

« L’un des traits de caractère les plus remarquables de François-Ferdinand, c’est une volonté de fer et la foi en son destin», précisait le journal Rousskoïé slovo du 17 juin 1914. « En dehors du protocole officiel, où il jouait le rôle d’inspecteur général des forces armées de l’Empire, la presse et la société discutaient surtout des rumeurs qui couraient sur lui. On lui attribuait les desseins monumentaux d’édification d’un empire autrichien, qui s’étendrait du Dniepr à la mer Egée. Cette manière de sortir le sabre dans toutes les situations qui correspondrait presque aux projets réels de la monarchie et à l’image de l’archiduc, ont habitué l’Europe à l'idée que l’arrivée de François-Ferdinand Ier au trône des Habsbourg sera certainement marqué par une nouvelle guerre entre les grandes puissances. »

C'est la raison de son impopularité dans les cercles de l’armée austro-hongroise et au sein des populations de l'empire. Cet aventurisme et cette intolérance qui lui étaient propres, préoccupaient non seulement les journaux russes, mais aussi, par exemple, le journal autrichien militaire Armee-Zeitung que les quotidiens russes citaient. Ce quotidien était forcé d'admettre que l'Autriche était loin de soutenir les projets dangereux du nouveau monarque, et que nombreux étaient ceux « qui se sentaient soulagés à l'idée qu’il ne faudrait plus affronter ces difficultés. »

Les nationalistes autrichiens tentaient de déplacer la responsabilité du meurtre de François-Ferdinand, commis par quelques personnes ayant agi sous l’emprise de la colère, sur la nation serbe, qui était indignée par cet événement. Une pratique classique pour les représentants des groupes réactionnaires et nationalistes de tous les pays.

« Ce double attentat contre ce malheureux archiduc jette une ombre sur la police autrichienne qui n’a pas pu empêcher le dernier coup qui fut fatal au monarque »,poursuit le journal russe Rousskoïé slovo. « Cet assassinat était revendiqué par les nationalistes serbes qui se vengeaient de l'annexion de la Bosnie-Herzégovine et de la répression du sentiment national serbe, dont on accusait François-Ferdinand. La presse russe écrit également qu’à une semaine de l'assassinat, l'ambassadeur serbe à Vienne Jovanovic aurait informé la police d’un complot visant à assassiner Ferdinand à Sarajevo. Le commandant de Zagreb et le célèbre avocat Gagliardi auraient reçu les mêmes informations. Toutefois les autorités autrichiennes n'ont pris aucune mesure. »

La nouvelle de l'assassinat de l'archiduc est arrivée à Belgrade un dimanche soir, le jour d'une fête nationale - l'anniversaire de la bataille de Kosovo. Toutes les célébrations furent arrêtées. L'ambassadeur russe à Belgrade Gartvik explique dans sa dépêche adressée au ministre russe des Affaires étrangères Sazonov: « A environ 5 heures de l'après-midi, dès que la nouvelle de cet accident tragique à Sarajevo s’est répandue, toutes les cérémonies furent immédiatement arrêtées à Belgrade sur l'ordre des autorités et à l'initiative des sociétés elles-mêmes. Les théâtres ont été fermés et les divertissements populaires annulés... Toute la Serbie a soutenu l’Etat voisin dans la tragédie qui était arrivée, en condamnant sévèrement l'acte criminel de deux fous. Et pourtant, on est persuadé ici que les cercles politiques de Vienne et de Pest n'hésiteront pas à utiliser cet événement tragique pour formuler des insinuations indignes à l’encontre des sociétés politiques royales ... »

Le journal Rousskoïé znamia a donné sa propre version des dessous de cet assassinat. « On peut imaginer quelle force le catholicisme en Autriche aurait gagné, si sur le trône était monté un homme qui vénère les idées « cléricales », comme le disent les juifs francs-maçons. Cela risquait de faire renaître le catholicisme qui s’était presque éteint sous le triangle maçonnique et l’étoile à six branches, qui dominaient en France et en Italie !... Une telle renaissance aurait empêché les Juifs de diriger l'argent dépensé à la lutte ouverte contre l'orthodoxie. Il était donc naturel pour eux de détruire la possibilité de l’accession au trône du « disciple du cléricalisme et du catholicisme » qu’était l’archiduc autrichien François ! »
Du point de vue des intérêts des slaves autrichiens et des sujets serbes de l'empereur François-Joseph, la mort de François-Ferdinand n’est pas arrivée au bon moment. Un député tchèque très connu a explique au correspondant du journal Rousskie vedomosti après l’attentat : « La mort de François-Ferdinand est un grand malheur pour les slaves autrichiens. Le défunt éprouvait de la sympathie pour les Tchèques, les Croates, et les slaves du Pomorié oriental. Il reconnaissait leurs intérêts, mais dans le cadre de la monarchie. Dans le même temps les Magyars lui étaient antipathiques et il n’aimait pas les Allemands. Sa mort a détruit les espoirs des Slaves autrichiens.»Ce commentaire ne donne aucune précision sur les Serbes.

L’attentat de Sarajevo a donné une occasion aux partisans de la politique de la force de relever la tête. Les nationalistes de Vienne ont essayé d’exploiter cet événement tragique pour aggraver la situation internationale, préparant ainsi le terrain à la Première guerre mondiale. T


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