Le grand coupable est M. Snowden. Telle est, on peut dire, la quintessence de la première apparition en public des chefs des services de renseignement britanniques. La commission parlementaire a interrogé Andrew Parker, chef du MI5, en charge de la sécurité intérieure, John Sawers, directeur du MI6 (les services de renseignement extérieurs du Royaume Uni) et Iain Lobban, chef du GCHQ (Government Communications Headquarters), chargé de la surveillance électronique. La séance était retransmise en léger différé par mesure de sécurité.
Même si on ne le disait pas ouvertement, ces auditions sans précédent ont eu lieu après les scandaleuses révélations de l’ex-consultant de la CIA des Etats-Unis, qui ont été publiées par les médias (en ce cas par The Guardian). Il s’agit, notamment, de l’information confidentielle concernant la surveillance électronique à grande échelle par l’Agence nationale de sécurité (NSA) des Etats-Unis, y compris les écoutes des leaders des Etats de l’UE. Le chef du MI6 M. Sawers a fustigé M. Snowden comme presqu’un complice du terrorisme :
Les fuites organisées par Snowden ont mis en danger nos opérations secrètes. Il est clair que nos adversaires s'en frottent les mains, qu'Al-Qaïda s'en délecte.
Mais aussi, à en croire les grands espions, des pédophiles et d’autres criminels. Pourtant, à la demande de présenter des preuves d’un tel préjudice, les membres de la commission du renseignement n’ont pas obtenu de réponse claire, remarque le journaliste de The Guardian Richard Norton-Taylor.
Il est intéressant que lorsqu’on a demandé à M. Sawers de présenter des preuves, de donner des exemples du préjudice causé par les révélations de M. Snowden, il a réagit immédiatement : « Nous ne pouvons pas le divulguer. Il faut passer au format à huis clos ». C’est-à-dire que le chef du renseignement extérieur a esquivé même une telle question posée à titre de test.
A quoi bon organiser, donc, de telles auditions ? Les services spéciaux cherchaient à convaincre les députés qu’ils n’espionnaient pas de simples sujets britanniques, ce qui serait illégal, mais n'agissaient que dans des cas très précis et uniquement contre des terroristes et d’autres criminels. Les documents révélés par Edward Snowden, indiquent, toutefois, que les services secrets britanniques interceptent tout le trafic Internet et téléphonique transmis par des câbles transatlantiques traversant le pays. Le renseignement pouvait lire des courriers électroniques des millions de Britanniques. Mais on comprend que ni la NSA, ni ses collègues britanniques n’ont pas l’intention d’arrêter la surveillance électronique. Au contraire – ils en augmenteront le financement.