Cet instant magique avant le concert quand les musiciens accordent leurs instruments et s’échangent quelques mots à mi-voix en attendant l’arrivée du chef: une «cacophonie jubilatoire» terme exhaustif. Bien que ce n’ait pas été le début de la «fierté de Toulouse» sur la scène russe, les musiciens s’énervaient un peu: ils avaient cette fois à marier la musique russe et européenne, Berlioz et Rimski-Korsakov, Bruch et Lyadov en se produisant en collaboration avec les artistes éminents de l’époque contemporaine: le Chevalier de l’Ordre des Arts pianiste Jean-Yves Thibaudet et un élève d’ Isaac Stern Renaud Capuçon. Nous avons prié le premier violon de l’orchestre Geneviève Laurenceau de nous faire part de ses émotions avant le concert.
Geneviève Laurenceau. C’est la deuxième fois qu’on joue avec l’orchestre à Moscou. La première fois on a joué il y a quelques années dans la salle des Colonnes. Je me rappelle le public russe surtout qui est très chaleureux. En plus c’est toujours un plaisir et un grand honneur de se trouver ici dans le cadre de ce festival et c’est tout spécial pour nous parce que notre chef d’orchestre est russe. Donc on est venu en Russie en tant que l’orchestre français, mais en même temps un peu russe.
LVdlR. L'Orchestre national du Capitole de Toulouse a été créé au début du XIXe siècle afin d'accompagner l'opéra de Toulouse et c’est seulement au milieu du XX qu’il a connu son épanouissement avec l'arrivée du grand chef d'orchestre français Michel Plasson qui l’a dirigé de 1968 à 2003. L’orchestre a affirmé sa vocation symphonique, a enregistré une centaine de disques et a entrepris des tournées internationales. L’orchestre ayant atteint un très haut niveau en France a connu alors un grand succès auprès du public autant qu’auprès la critique.
Depuis 2008, l’ensemble est dirigé par le chef d'orchestre russe Tugan Sokhiev, qui a été pendant 3 ans premier chef invité. « A cette époque, il y a 5 ans nous nous sommes compris tout de suite sans même prononcer un seul mot. J’ai eu le sentiment que le groupe me connaissait comme si nous avons travaillé ensemble pendant vingt ans déjà, ce qui arrive une fois dans une vie » - se rappelle le maestro.
Tugan Sokhiev. Avec l'Orchestre de Toulouse je travaille depuis huit ans déjà dès 2005 et, pendant ce temps, nous avons beaucoup travaillé pour diversifier le répertoire de l’orchestre et augmenter ses effectifs. Avec le soutien de la Mairie de Toulouse l’orchestre a entamé un processus de recrutement et compte aujourd’hui 125 musiciens ce qui a été très difficile à atteindre. Le répertoire a été également élargi, maintenant on joue non seulement la musique française mais aussi la musique russe: Tchaïkovski et Stravinski. On se développe petit à petit.
LVdlR. C’est pas par hasard qu’aujourd’hui l’orchestre toulousain est « à l’heure russe » : Tugan Sokhiev est convaincu que les œuvres de compositeurs russes touchent les cœurs des Français aussi bien que la musique de leurs compatriotes. Les musiciens sont bienvenus en France comme en Russie dont une longue ovation après le concert à Moscou en était la meilleure preuve.
Geneviève Laurenceau. Pour ma personne j’adore le répertoire russe. J’ai étudié avec le professeur russe et donc je baigne dans le climat russe presque toujours. Pour l’orchestre habitué à jouer la musique française, la musique russe est entrée maintenant dans son rythmique et son façon d’envisager la musique. Et c’est un grand plaisir pour nous parce que le répertoire russe est un répertoire ou on peut s’exprimer réellement, s’étendre et prendre du temps pour ses émotions et les extérioriser beaucoup. Et c’est bien, ça.