A quelques jours de l'élection présidentielle du 27 octobre, le premier ministre géorgien Bidzina Ivanichvili a fait monter la température politique en annonçant que le président sortant Mikhaïl Saakachvili pourrait être interrogé par la justice, écrit mercredi le quotidien Izvestia.
Le 23 octobre, à l'initiative du parti présidentiel Mouvement national uni (MNU) et de ses partenaires du Parti populaire européen (PPE), le Parlement européen examinera un projet de résolution sur les persécutions politiques en Géorgie. En particulier celles visant l'ex-premier ministre Vano Merabichvili en détention depuis cinq mois.
Bidzina Ivanichvili estime que cette initiative a peu de chances d’atteindre son but car "l'Occident prend conscience du "mensonge ciblé" proféré à l'étranger par les anciens dirigeants du pays".
Le chef du gouvernement trouve "artificiels" les parallèles tirés entre l'affaire Ioulia Timochenko en Ukraine et l'attitude du Rêve géorgien – qui contrôle l’exécutif - envers le Mouvement national uni du président. "En Italie on poursuit l'ex-premier ministre Silvio Berlusconi et en France on a convoqué l'ex-président Nicolas Sarkozy pour être interrogé : la situation en Géorgie ne peut pas être interprétée comme une persécution politique", pense Ivanichvili.
"Saakachvili doit répondre à certaines questions et il est possible que des poursuites pénales soient engagées contre le président ", a-t-il ajouté.
Le premier ministre a déjà annoncé les sujets sur lesquels Saakachvili pourrait être interrogé : la mort mystérieuse du premier ministre Zourab Jvania en 2005 – l'enquête a été rouverte – ou encore
la dispersion violente de la manifestation sur l'avenue Roustaveli en 2011, qui avait fait quatre victimes dont un policier.
"En tant que citoyen, je ne souhaite pas que le président de mon pays soit interrogé ou arrêté.
Cela nuirait à l'image de l'Etat. Mais je ne m'immisce pas dans les affaires du Parquet et du tribunal", a déclaré Ivanichvili.
Le procureur général Artchil Kbilachvili a déclaré que Saakachvili pourrait éventuellement être convoqué pour être interrogé sur plusieurs enquêtes ouvertes par son département et le service d'enquête du ministère des Finances. Mais il a suggéré de ne pas aller trop vite. Selon lui, "ce n’est pas d’actualité pour l'instant".
Petre Mamradze, directeur de l'Institut géorgien de gestion stratégique, a déclaré que "ces signaux sur d’éventuelles poursuites pénales contre lui pourraient pousser Saakachvili à fuir le pays".
"Saakachvili pourrait demander l'asile à un pays étranger pour fuir les persécutions politiques et il étudie probablement cette option", a déclaré l'expert.
Mais l'important n'est pas là selon lui. Les partenaires européens du Mouvement national uni au PPE pourraient empêcher la signature de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Géorgie, qui devrait être paraphé au sommet du Partenariat oriental à Vilnius en novembre. De plus, Saakachvili a gardé un bon contact avec certains congressistes et sénateurs américains qui le défendront jusqu'au bout. Autrement dit, le Rêve géorgien devra passer par le chas d'une aiguille.
A savoir avancer des accusations imparables contre Saakachvili.
"Ivanichvili est nerveux, la popularité de sa coalition est en baisse. Un second tour est envisageable lors de la présidentielle et ces déclarations visent à mobiliser ses partisans", analyse le député du parti présidentiel David Dartchiachvili. En outre, Ivanichvili n'apprécie pas la vision du Parlement européen sur la situation en Géorgie. Mais les attaques du premier ministre à ce sujet ne font qu'aggraver sa situation.
Tbilissi note également que les enquêteurs pourraient questionner Saakachvili puisqu’il était chef des forces armées pendant la guerre avec la Russie en 2008. Le ministère de la Défense mène sa propre enquête interne sur ces événements. La ministre de la Justice Tea Tsouloukiani a déclaré que l'enquête sur les circonstances des opérations militaires il y a cinq ans était un engagement international de la Géorgie car beaucoup de civils touchés à l'époque avaient saisi la Cour pénale internationale de la Haye.