Sur les avantages d'une intégration européenne, Kiev déclare que ce pas permettra à l'Ukraine d'aller de l'avant du point de vue technologique, et de s'initier à tout le spectre des valeurs européennes. Une connotation quasimment mystique apparait dans ces formulations vagues. En réalité, et plusieurs experts en Ukraine le reconnaissent, les stratèges européens s’intéressent à ce pays comme à une zone tampon entre l’UE et la Russie, un débouché et une source de main d’œuvre bon marché.
L’Europe n’a pas besoin de nouveaux acteurs de l'économie égaux en droits : c'est visible à l'égard des États qui sont entrés récemment dans l'Union européenne. En ouvrant ses frontières, l'Ukraine portera un coup à sa propre production qui connait une période difficile. Compte tenu de la faible compétitivité des produits ukrainiens en comparaison avec les produits européens, et du protectionnisme par rapport à ses producteurs malgré les règles de l’OMC, les perspectives qui se dessinent ne sont pas gaies. Dans ces conditions, l’exode des Ukrainiens de leur patrie s'avère tout simplement inévitable, considère le vice-directeur de l'Institut des pays de la CEI Igor Chichkine :
« La plupart des experts et des grands économistes tirent des conclusions extrêmement décevantes pour l'Ukraine, et considèrent que la main-d’œuvre deviendra presque la seule et la principale marchandise d'exportation de ce pays. On peut prétendre que c’est exagéré de la part des adversaires de son choix européen, mais il y a cependant des réalités économiques qu'il est déjà impossible de changer. Et de fait, toutes les branches de l'économie de l'Ukraine essuieront un échec. Les grandes structures oligarchiques qui ont financé et promu l'association avec l’UE, elles, auront des profits. Celles qui réalisent un bénéfice sur la vente et la revente en Europe de la production métallurgique et chimique. Mais les PME, qui prédominent en Ukraine, auront un triste sort. »
Les marchandises ukrainiennes, en premier lieu agricoles, ne pourront pas être vendues dans les pays de l’UE, car sur leur marché intérieur, une rude concurrence dans des conditions de dumping européen les attend. Ces conséquences toucheront des millions de personnes, qui pourraient se retrouver sans travail et sans moyens. Ils seront obligés d'aller dans d'autres pays. Mais le principal, c’est qu'ils ne sont pas attendus en Europe : aucun « couloir » pour la main-d’œuvre ukrainienne n’est prévu. Dans l'accord sur l'association, il n’y a pas un mot à ce sujet. Et donc, les citoyens ukrainiens devront chercher du travail en Russie, selon l'expert du Centre des technologies politiques Roman Larionov :
« L’Ukraine connaitra des problèmes socio-économiques. Mais l'Europe n'est pas prête à ouvrir un couloir et à accueillir des Ukrainiens en masse, qui resteront sans travail dans leur pays. L’UE ne s'ouvre pas pour eux. Аlors, on ne peut pas exclure une migration en Russie. »
De plus, dans ces nouvelles conditions, la Russie sera obligée de réduire la coopération avec l'Ukraine dans les secteurs des technologies de pointe et dans les domaines tels que spatial, l'aéronautique et la construction navale. Et ce n’est pas par méchanceté, mais simplement parce que telles sont les règles - qui s'opposent - de l’UE et de l'Union Douanière. Mais en Europe, la production ukrainienne innovante, ainsi que les spécialistes, ne sont pas attendus : il y en a assez. Et donc, pour satisfaire les intérêts des groupes oligarchiques, Kiev met en cause le destin, la prospérité et même la présence dans la patrie d’une quantité immense de citoyens. N
