Enseignement supérieur : la coopération franco-russe va bon train

Enseignement supérieur : la coopération franco-russe va bon train
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L’attirance réciproque des Russes et des Français fait qu’on collabore dans presque tous les domaines, y compris, évidemment, dans le domaine de l’enseignement supérieur.

Et ce n’est pas un secret que ces derniers temps le nombre d’échanges interuniversitaires ainsi que scientifiques entre la France et la Russie ne cesse d’augmenter. Bien qu’il existe toujours des différences dans les systèmes éducatifs des deux pays, la France et la Russie font tout leur possible pour faciliter l’accès des étrangers à leurs marchés de l’éducation, ce que confirme les accords bilatéraux de reconnaissance mutuelle des diplômes comme celui, par exemple, de 2003 qui est un accord intergouvernemental de reconnaissance mutuelle des diplômes de doctorat, le premier du genre signé par la Russie hors CEI. Le processus de double diplômation va également bon train, au niveau du Master avec deux fois plus de diplômes que l’Allemagne et trois fois plus que la Grande-Bretagne. Chaque année le gouvernement français offre à peu près 600 bourses aux étudiants russes, ce qui représente 80 % du budget de l’Ambassade. On trouve tous ces chiffres dans les dossiers de Campus France, Agence française pour la promotion de l’enseignement supérieur, l’accueil et la mobilité internationale, ce qui montre l’efficacité de la coopération franco-russe.

Nous avons discuté des enjeux de Campus France, des péripéties dans des systèmes éducatifs européens et de la coopération franco-russe dans le domaine de l’enseignement supérieur avec François Pradal, responsable géographique de l’Espace russophone du Département de la promotion et de la valorisation de l’enseignement supérieur, qui représentait Campus France au 24e Salon international de l’éducation qui s’est tenu à Moscou.

François Pradal. « Campus France représente toutes les universités, toutes les Grandes écoles de France. Vous avez plus de 80 universités sur toute la France qui dispensent toutes ses formations. Elles sont, pour la plupart, publiques : 90 % de nos formations sont des formations publiques, c’est-à-dire que les frais d’inscription sont relativement modiques entre 150 euros en Licence et 250 euros en Master. C’est vraiment une particularité de la France avec l’Allemagne qui nous distingue vraiment du modèle anglo-américain. C’est qu’on a encore une éducation quasi gratuite, payée par l’Etat ce qui ne veut pas dire que nos études ne coûtent pas cher. Un étudiant en France coûte douze mille euros par an en moyenne à l’Etat. Mais ce sont les contribuables français qui font cet effort pour admettre l’étudiant étranger comme français puisque les étrangers ont les mêmes droits que les Français. Je crois que ça répond un peu à notre idéal universel, c'est-à-dire l’accès à l’éducation et à la culture pour tous, un idéal qui est issu de la Révolution française et du droit de la connaissance, qui fait aussi une proximité importante entre la Russie et la France dans un modèle européen qui est très différent du marché de l’éducation privée des Anglo-Saxons…

On accompagne les universités françaises dans leurs projets de coopération avec la demande de réciprocité, c’est-à-dire d’échange d’étudiants français vers la Russie. On s’occupe aussi de faciliter la venue d’étudiants français dans des universités russes via les ambassades de France, via le Centre culturel russe à Paris avec qui nous travaillons étroitement et aussi par des programmes de bourses pour des étudiants français à l’étranger, notamment les lecteurs de français langue étrangère qui sont envoyés un peu partout mais également d’autres étudiants qui sont intéressés pour apprendre la langue ou faire des études en Russie. Donc c’est plutôt indirect, notre participation dans ces projets-là, même si pour certains nous organisons leurs programmes de bourse. En ce moment il y a un programme important au niveau du doctorat que nous avons promu dans toutes les universités françaises qui va bientôt avoir des résultats : deux stages au mois de novembre à Moscou et à Tomsk de jeunes doctorants russophones ou russophiles français qui vont avoir des visites d’universités, des stages dans les laboratoires. Donc on a participé avec le Centre culturel russe à Paris justement à la promotion de la venue en Russie d’une vingtaine de jeunes doctorants. »

La Voix de la Russie. Est-ce que le nombre de Français qui veulent étudier en Russie augmente ces derniers temps ?

François Pradal. « Il est difficile de savoir ce que font les étudiants parce qu’on n’a pas de statistiques. On ne sait pas exactement où vont nos étudiants. Ce sont ceux qui sont dans des programmes d’échanges avec les universités de Lille, je sais qu’il y a plus de 240 diplômes joints entre la France et la Russie. Ce que je vois, c’est que du côté russe il y a de plus en plus d’étudiants qui viennent étudier en France. On était à trois mille il y a dix ans, on est à plus de cinq mille aujourd’hui. Donc il y a une vraie augmentation. En ce moment est en train de se faire un accord sur la reconnaissance des diplômes entre la France et la Russie qui devrait considérablement faciliter la mobilité des étudiants français en Russie mais également des étudiants russes en France. »

LVdlR. Pour l’instant donc le système éducatif russe n’est pas compatible avec le système français ?

François Pradal. « Il n’est pas compatible mais il est en train de le devenir. Cela va être signé dans les semaines, dans les mois qui viennent. On pensait que ce serait pour la visite de notre premier ministre Jean-Marc Ayrault. Mais ça va être un peu plus tard parce qu’il y a encore des problèmes d’employabilité des diplômes. Mais c’est vraiment en train de se rapprocher, on espère que ça va être mis en place en 2014, ça devrait être un accord historique.

Il y a encore des différences, c’est que la licence en Russie est en 4 ans, et en France en trois ans. La Russie donc n’est pas encore sur le système LMD (Licence/Master/Doctorat) mais il y a des reconnaissances des crédits, des reconnaissances des diplômes qui avancent quand même à grande vitesse. »

LVdlR. Et même s’il y a une crise économique aujourd’hui, le nombre d’étudiants étrangers, le nombre de programmes internationaux augmente-il tout de même ? Cette situation économique influence-t-elle l’éducation ?

François Pradal. « Ce qui est sûr, c’est que la crise économique a aussi un impact sur la nécessité d’avoir un diplôme étranger pour renforcer sa valeur sur le marché du travail. Aujourd’hui on ne peut plus travailler seulement à l’échelle nationale, tout le monde est obligé de travailler à l’international. Donc maîtriser plusieurs langues, avoir un diplôme étranger c’est autant d’atouts pour pouvoir diversifier aussi son parcours, sa carrière. Je crois que la crise économique stimule aussi plus la concurrence et que c’est les détenteurs de tels diplômes qui peuvent mieux s’en sortir dans ce contexte-là. »

LVdlR. Je sais qu’Erasmus Mundus, par exemple, a réduit le nombre d’étudiants qui peuvent participer à ce programme…

François Pradal. « Il y en a été question. En fait, il n’y a pas de réduction réelle. Et on attend du prochain appel Erasmus sur 2014-2020 pour savoir ce qu’il en est. Il a y eu une menace de réduction des fonds et, de fait, ça se n’est pas appliqué. Et puis Erasmus Mundus agit seulement sur les doctorants. Ce qui est notre priorité, c’est les étudiants en Master et en Doctorat. Parce que là, il y a vraiment la coopération dans les universités et il y a une possibilité de retour et d’échange durable entre les universités. Donc au niveau européen il n’y a pas une vraie diminution pour l’instant. Il y a de plus en plus d’étudiants étrangers qui viennent en France, c’est surtout des étudiants venant d’Asie, des pays émergents. Dans certaines caractéristiques la Russie répond aussi à des caractéristiques émergentes. »

LVdlR. Quels programmes choisissent le plus les Russes ?

François Pradal. « Il y en a un peu dans toutes les matières. Il y a une vraie importance, peut-être plus féminine, en sciences humaines et linguistiques pour les étudiantes. On essaye d’attirer de plus en plus d’étudiants scientifiques dans les Ecoles d’ingénieurs mais également en architecture, dans les Beaux-arts. Et puis il y a cette influence culturelle entre la France et la Russie qui est toujours aussi forte qui fait qu’il y a beaucoup d’étudiants aujourd’hui qui sont venus m’interroger sur les études dans le domaine du design, de la photographie, de l’architecture qui sont des domaines très spécifiquement français, notamment dans des Ecoles des Beaux-arts qui répondent à un double romantisme français-russe d’attirance réciproque autour d’une grande tradition culturelle et artistique du XIXe siècle. C’est ça qui fait qu’il y a une attirance particulière pour la France et une attirance des Français pour la Russie. Je crois qu’il y a une francophilie très forte de la part des Russes et aussi un imaginaire français sur la Russie. Je vais monter une opération des universités françaises dans le Transsibérien qui iraient de Novossibirsk jusqu’à Saint-Pétersbourg en passant par Ekaterinbourg. Toutes les universités françaises m’ont dit qu’elles voulaient prendre le Transsibérien. Ça fait partie de notre imaginaire de traverser la Russie en train alors qu’on va mettre 30 heures pour aller de Novossibirsk à Ekaterinbourg.

Ce qu’on a tendance à encourager aujourd’hui, c’est la mobilité au niveau Master et Doctorat et principalement au niveau scientifique. On est prêt à mettre des bourses dans les disciplines scientifiques. Notamment, il y a un projet dans le domaine ferroviaire, il est vraiment important de le développer. » T

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