En effet, la reconstruction du pays - à partir des années Pompidou - supposait une main d’œuvre importante et peu exigeante sur les conditions de travail. Les ressortissants du Maghreb étant des candidats idéaux, ce sont eux qu’on fit venir. Une génération plus tard, ils devinrent Français et beaucoup ont transmis cet esprit d’imprégnation à leurs enfants. Ces gens-là n’ont jamais posé aucun problème. En revanche, comme l’effort d’intégration est terriblement ardu lorsque les membres d’une société fraîchement débarqués doivent adopter non pas les normes d’une culture mais bien d’une civilisation qui leur est foncièrement étrangère, on s’imagine qu’une partie assez considérable des personnes concernées ne s’est francisée que formellement. Il s’agissait déjà à l’époque d’une bombe à retardement.
La loi sur le regroupement familial votée par le Conseil d’Etat en 1978 fragilisa encore davantage un équilibre bien piètrement acquis jusqu’à poser les fondements d’un véritable choc des civilisations. Je reprends une notion certes discutable, qui a valu à son fondateur, Samuel P. Huntington, bien des diatribes, mais qui explique pourtant bien le phénomène des cités. La question qui s’est alors posée, aussi lancinante qu’insoluble, se résumait à cela : qui sommes-nous ? Le retard d’intégration qu’ils avaient pris dès le début de leur arrivée ne pouvant plus être compensé, ce facteur significatif a en un certain sens déterminé leur intérêt pour un islam qui n’était cependant pas celui que professaient leurs grands-parents et qui tend souvent à celui qui est combattu dans les pays musulmans laïcs. La religion perçue sous un angle totalitaire faisant office d’échappatoire et l’esprit de défiance vis-à-vis de ceux qui représentent la République (la police par exemple) allant crescendo, la conjonction de ces deux aspects pourrait à terme conduire à une guerre civile.
Voici donc la portée de cette ambiguïté qui n’a pas été prise en compte et dont nous récoltons maintenant les fruits. Il n’est en aucun cas xénophobe d’en parler puisque, si le Maghreb était travaillé par la même problématique que la France, sa réaction immédiate, saine et logique aurait été de se préserver en tant qu’ensemble de pays nord-africains et musulmans.
J’ai demandé à M. Thierry Gobet, auteur d’une analyse géopolitique édifiante intitulée France : les véritables enjeux, spécialiste de la géopolitique et expert en géoéconomie, d’exposer sa vision des racines du malaise de la politique migratoire appliquée en France et des mesures salutaires à mettre en œuvre pour y remédier.
La Voix de la Russie. « Dans votre livre, vous parlez de contrôler l’immigration qui, selon les dires de certains analystes, s’apparente notamment à une immigration de remplacement ethnique et donc culturel, voire civilisationnel. A ce titre, vous évoquez la nécessité d’établir des accords bipartites avec les pays d’Afrique. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par de tels accords ?
Thierry Gobet. « Ces pays ont de gros problèmes économiques depuis qu’on les a abandonnés, notamment sous la pression des USA, pour pouvoir accéder à leurs matières premières. Je pense à l’Algérie, par exemple, qui d’ailleurs n’était pas une colonie mais un territoire conquis faisant partie de la Constitution française. Ce type de territoires étaient des départements depuis la fin du XIXème et après la guerre de 46. On a trouvé du pétrole en Algérie. C’est ainsi que les Américains ont tout fait à partir de 42, c’est-à-dire à partir du débarquement en Afrique du nord, pour nous pousser hors de ce continent, notamment donc de l’Algérie. Cette mesure figurait dans le Constitution du traité de l’Atlantique de 41, date de la fin des empires coloniaux aussi bien pour les Anglais que pour les Français. Il s’agissait d’une ouverture des territoires pour pouvoir récupérer les matières premières, ce qui était l’objectif numéro un, et, éventuellement, vendre divers produits. La production de pétrole et de gaz en Algérie équivaut à 120 % de la consommation française. Cela signifie que nous aurions pu garder l’Algérie avec des accords dans le style des pays du Commonwealth (Canada, Australie, etc.), c’est-à-dire garder un accord avec des pays qui étaient totalement dépendants de nous sur tous les plans. On l’a vu récemment puisque le Président d’Algérie qui ne cesse de cracher sur la France est pourtant venu s’y faire opérer à plusieurs reprises. Cela veut dire que certains pays ne peuvent pas se gérer eux-mêmes contrairement à des pays d’Asie du sud-est qui eux ont très bien réussi à s’en sortir. Il y a 37 % de chômeurs en Algérie. Alors tous les malheureux viennent en France pour se faire soigner, pour toucher des allocations, etc. Donc, le sens de l’accord que l’on pourrait conclure serait d’aider ces pays pour empêcher les populations de venir chez nous et les aider de manière à ce que les quelques personnes qui viennent faire leurs études retournent chez eux. M. Sarkozy a dit un jour qu’il faut limiter l’immigration et la sélectionner. D’abord, c’est impossible. Deuxièmement, si on prend des gens qui ont des diplômes, on appauvrit les pays dont ils sont issus. Vous voyez bien qu’il s’agit d’une politique débile, ce qui n’a d’ailleurs pas toujours été le cas pour M. Sarkozy. Un pays ne peut pas vivre en autarcie, tout seul, sans s’occuper de ce qu’il y autour de lui. Il est obligé de veiller aux pays qui l’entourent, sans quoi ces derniers, s’ils ont faim, vont venir déborder sur ses frontières. Idem pour les pays où la guerre civile fait des ravages. Le contexte de mondialisation suprême dans laquelle nous nous trouvons ne fera que favoriser ce mouvement des peuples. Pour éviter ce processus, il faudra donc commercer et travailler avec ces gens-là, cela d’autant plus qu’ils ont été francisés entre 1830 et 1960. Par conséquent, il convient de conclure des accords un peu comme le ferait le FMI. Au temps de la colonisation, phénomène qui est tellement vilipendé par les Américains et qui l’a été pendant fort longtemps par les communistes, il y avait des obligations telles que celles qui figuraient dans le traité de Berlin dans les années 1878-188, telles que celles qu’avaient les pays occidentaux d’aider ces pays. Alors quand on pense que M. Bouteflika vient se faire opérer en France, ça veut dire que chez lui il n’y a pas de système pour pouvoir se soigner, alors on imagine ce qu’il en est de tous les malheureux pour qui l’Occident, c’est déjà les soins médicaux ! Ces accords ne relèvent donc pas essentiellement d’un élan humanitaire. Pareil pour la Russie. S’il y a un foyer d’insurrection à ses frontières, celles-ci vont déborder sur le pays. Il faut souligner au passage que l’existence, dans l’idéal, de ces accords, ne sous-tend aucun complexe d’ancien colonisateur, bien au contraire. Ca doit être fait pour le peuple du pays mais dans l’intérêt aussi des nations occidentales, car l’Europ est à l’heure actuelle envahie par ces gens qui d’ailleurs sont sans formation, ce qui coût cher, c’est-à-dire les charges sociales dans leur ensemble, facteur qui influence l’importance de la dette de l’Etat français. »
LVdlR. La France se défrancise. Que faire des gens qui, tout en étant juridiquement français depuis deux, voire trois générations, ne se reconnaissent pas dans l’histoire et les valeurs de la République ?
Thierry Gobet. « Il y a eu un match de football il y a quelques années, match très emblématique qui a opposé la France à l’Algérie. Ceux qui avaient été naturalisés français agitaient les drapeaux algériens. Les gens qui s’expatrient, qu’ils soient riches ou pauvres, sont toujours très malheureux de s’expatrier. Pareil pour les Français qui quittent la France parce qu’on leur fait payer trop d’impôts. On est habitué à sa nourriture, à ses coutumes, au pays des ancêtres, aux souvenirs d’enfance. Alors oui, c’est toujours un drame que de s’expatrier. Il ne s’agit pas de rejeter ces gens-là, de les renvoyer de force en les mettant dans un avion. Ceci dit, tous ceux qui sont illégaux à partir du moment où ils sont reconnus comme tels doivent être invités à regagner leurs pays où du travail leur sera proposé. D’après Baverez, qui est un très grand économiste du système, et non pas un monsieur d’extrême-droite, près de 3 à 400.000 étrangers rentrent chaque année, ce qui correspond à quatre villes comme Orléans. Il faut donc construire des logements, chose qui induit des coûts absolument effroyables, cela dans l’intérêt de personnes qui sont sous-formés, qui souvent parlent mal français, etc. Mais ce programme est voulu, je l’explique dans mon livre. C’est une façon d’affaiblir l’Europe par l’intermédiaire de nos grands suzerains les Américains en augmentant les charges sociales. Alexandre Zinoviev l’a lui aussi expliqué, c’est une volonté parfaitement réfléchie d’affaiblir l’Europe sur deux points. D’abord sur le plan militaire parce qu’on ne cesse d’augmenter les budgets sociaux en abaissant les budgets militaires, car à partir du moment où vous les abaissez, vous affaiblissez votre puissance en politique étrangère, effet constamment recherché par les USA. Deuxième effet : en augmentant les dépenses sociales, on augmente le coût de la production et c’est ainsi que vous tuez un concurrent. »
LVdlR. Question délicate. Il y a islam et islamisme, ce sont deux notions d’ordre différent. Relevez-vous une exacerbation des tendances islamistes en France sans doute liées à une dénaturation plus ou moins majeure de l’islam originel et à la mainmise de l’Occident, ces dernières années, sur le Proche-Orient ?
Thierry Gobet. « Tout à fait. Pour ce qu’il en est de la différenciation islam-islamisme, il y a des gens qui dénoncent une boutade en niant toute différence. Non, pour moi ce n’est pas la même chose. Je l’ai déjà relevé récemment via Radio Courtoisie, après être passé avec un islamologue dans une émission qui dénonçait dans le Coran certaines sourates d’une grande violence. Les Français ont vécu plus d’un siècle en Algérie, les enfants allaient à l’école sans se faire égorger, on a des musulmans qui se sont battus du côté des Français dans les deux guerres et même au moment de la dite guerre d’Algérie, des gens qui aimaient la France et qui se sont faits tuer pour elle. En réalité, l’islamisme radical est fort parce que l’Occident est faible. Or, la nature a horreur du vide. C’est ce qu’a remarquablement bien expliqué Soljenitsyne : l’Occident est affaibli, il est émasculé, il refuse de se battre. Cette thèse a été reprise par un Américain, Brzezinski, un mondialiste. Selon lui, l’Europe a remonté sur le plan économique mais pas sur le plan politique et sur le plan de sa propre confiance en elle. Il faut constater que l’Europe est constamment attaquée et c’est pour cette raison que beaucoup de Français regardent vers Poutine qui a osé dire : « Je suis nationaliste », ce qui veut dire qu’il défend les intérêts de son peuple, de son pays. Concernant l’immigration, voici ce qu’il a dit : « La Russie n’a pas besoin de minorités, ce sont les minorités qui ont besoin de la Russie. Les minorités doivent respecter les coutumes de la Russie ou la quitter ». Nous n’avons rien contre les musulmans mais la France doit rester française, l’Europe doit rester européenne et se respecter. Or, la différence entre la France et la Russie, c’est que la France est terriblement endettée suite à l’application de la politique socialo-marxiste lancée en 81. 1974 fut la dernière année où le budget français était en équilibre. Et voilà qu’en 1983, on a emprunté énormément à l’Arabie Saoudite puisque, en matière de PIB, ce qu’on a emprunté est supérieur au Plan Marshall, en 1947. On a donc une dette qui augmente chaque année alors que M. Poutine a réussi à faire en sorte à ce que son pays ne soit plus endetté, ce qui lui permet une politique internationale indépendante, ce qui n’est plus le cas de la France car nous sommes rachetés (…) » T