La problématique des Roms est aujourd’hui loin d’être aussi lyrique ce qui se confirme par les discours véhéments de Manuel Valls et ceux, plus récents, de Laurent Fabius. Qui plus est, on apprend que le procès de 27 Croates faisant partie de la communauté rom s’est ouvert ce lundi. Les faits qui leur sont reprochés, graves sans conteste, montrent bien comment ces gens du voyage ont souvent coutume de « gagner (ou plutôt de piquer) leur vie ». Pourquoi en effet « bosser » si on peut cambrioler ? Cette logique, du moment qu’elle est généralisée à un niveau amplement communautaire, justifie à part entière les vociférations du ministre de l’Intérieur.
Ceci étant, la question des Roms est beaucoup moins banale qu’elle ne le paraît à première vue. Raisonnons par analogie. Il existe en rhétorique une figure de style précieuse que l’on appelle une synecdoque. Elle permet de prendre une partie pour le tout. Or, sauf illusion de ma part, j’ai comme l’impression que M. Valls joue habilement sur une partie non pas pour faire ressortir le tout mais bien pour le cacher. Or, quels que soient les efforts qu’il fournisse, il n’en demeure pas moins que la problématique gitane est l’expression hautement éloquente de la problématique intégrationniste dans son ensemble.
Mettant en cause la présence illicite des Roms sur le territoire français, Valls détourne les regards du véritable drame qui se joue en ce moment : celui des cités de plus en plus incontrôlables, celui d’une police de plus en plus souvent « prise à partie par des jeunes » (c’est ainsi que l’on appelle des agressions massives menant à des arrêts de travail d’au moins 10 jours perpétrées par des individus majeurs, armés et ingérables), celui d’un projet d’intégration en échec fracassant sur fond de défrancisation et de déchristianisation progressives d’un pays dont la politique post-gaulliste est un désastre avéré.
C’est ainsi que, jouant manifestement à Pascal, notre érudit ministre évoque la dialectique de l’ange et de la bête en politique de la façon suivante : « A force de vouloir faire l’ange et à force de vouloir faire la démonstration qu’on est proche des valeurs de gauche, tous ceux qui s’expriment ainsi à gauche vont finir par faire le jeu de la bête, et en l’occurrence, du Front national (…) (La-Croix.com). Primo, je dirais qu’il est bien facile de redorer son blason face aux critiques accrues des bien-pensants de gauche tels Cécile Duflot en taxant crument le FN de « bête ». Vu le contexte littéraire de cette comparaison, il faudrait dire « diable » à la place de bête. Pourtant, que je sache, Marine le Pen est loin de ressembler au diable ou alors, il faudrait admettre que de plus en plus de Français vendent leur âme au diable. Secundo, il est extrêmement facile de récupérer la problématique des Roms qui ne présentent aucun danger pour la candidature de M. Valls parce que, de un, les Roms ne votent pas, de deux, ils sont plus cambrioleurs qu’agresseurs armés. De plus, ils ne confessent aucune idéologie.
Comprenez-moi bien, je ne défends en aucun cas la cause de ces gens-là. Cependant, si l’on se réfère aux chiffres, il devient archi-clair que le procès républicain qui est fait par le ministre à ces nomades n’est qu’une piètre comédie. M. Valls s’inquiète du fait que les Roms ne s’intègrent pas ? Pourquoi alors ne s’inquiète-t-il pas de ceci ? Il y a en France, selon des estimations toutes fraîches publiées par Ouest France, 16.949 personnes issues de la communauté rom. Celles-ci habitent 394 bidonvilles. A titre de comparaison, il y a au total près de 12 millions de Roms en Europe. On en déduit que la part des Roms installés en France est donc relativement faible. Pour ce qui est des clandestins (il n’est pas indiqué que la communauté rom ait été prise en compte dans ces statistiques), on obtient les résultats suivants : en 2005, Dominique de Villepin qui était alors ministre de l’Intérieur avait annoncé que le nombre de clandestins (ou sans-papiers) était compris entre 200.000 et 400.000 personnes. Curieusement, on retrouve le même chiffre en 2012 avec 300.000 clandestins éparpillés à travers le territoire français. Tous sont loin d’être des « travailleurs de l’ombre » comme le prétendent certains journalistes du quotidien Le Monde. Sachant qu’il y a entre 25.000 et 36.000 naturalisations en France chaque année (36.000 exactement en 2012) et que la naturalisation ne détermine pas le processus d’intégration, on se rend compte que le nombre de non-intégrés est en croissance constante. Voici ce qui devrait déjà donner des nuits blanches à M. Valls. La question des Roms est certes l’expression de ce problème mais il s’agit d’une expression bien modeste.
Le deuxième problème, problème autrement plus grave, autrement plus difficile à traiter dans l’état actuel des choses, est celui de la ghettoïsation de plus en plus sévère des cités ou zones sensibles comme on les appelle par délicatesse, cela pour des motifs plus idéologiques que sociologiques. Beaucoup de jeunes, trop de jeunes rejettent le mode de vie et de pensée européens comme contraire aux leurs. Pis encore, puisqu’il est récuremment question de gitans désœuvrés, peut-être faudrait-il préciser que ces mêmes jeunes sont bien souvent nourris aux frais de la princesse profitant des allocations qui leur sont versées. Il ne s’agit pas des communautés musulmanes en tant que telles car celles-ci sont bien souvent parfaitement intégrées, je pense en particulier aux maghrébins qui sont venus s’installer en France il y a une quarantaine d’années, voire plus tôt. Ce que Valls aurait dû dénoncer beaucoup plus vigoureusement qu’il ne le fait, c’est ce mélange chaotique de paumés sociaux qui s’affermissent par le biais d’un islam qu’ils dénaturent comme bon leur semble et d’islamistes convaincus dont on retrouve les traces en Syrie. L’ennui, c’est que la plupart de ces individus détiennent la nationalité française et ne voteront jamais Valls s’il ose s’engager au-delà de la problématique en somme assez plate des Roms.
En attendant, Valls vocifère, la caravane passe, la France et ses cités en état de pré-guerre civile demeurent.