L’alsacien : une des richesses de la région d’Alsace

L’alsacien : une des richesses de la région d’Alsace
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A la croisée de la France et de l’Allemagne il existe une terre dont le nom est l’Alsace. C’est l’enfant d’un couple mixte. Et comme tous les enfants des couples mixtes l’Alsace est doué et très riche intellectuellement et culturellement.

Parmi ses richesses indiscutables on peut dégager, évidemment, la langue qu’on parle toujours dans la partie Nord-est de la France. Qu’est-ce que représente le dialecte alsacien en soi ? Où et par qui est-il employé ? Quelle place occupe cette langue parmi d’autres langues régionales en France ? Nous avons posé ces questions à Pierre Klein, promoteur de l’enseignement bilingue dans la région d’Alsace.

Pierre Klein : Pour les militants du mouvement culturel alsacien il est clair que la langue régionale c’est l’allemand. Mais il ne suffit pas de dire ça. Il faut ajouter que cette langue allemande se développe sous deux formes, non seulement en Alsace mais dans tous les pays germanophones, à savoir, les dialectes. Il s’agit du dialecte alémanique et du dialecte francique et de l’allemand standard. Autrement dit, tout au long de l’histoire, en dehors de la langue française, nous parlions ici en Alsace l’allemand tel qu’il est parlé en Alsace. Et nous écrivions en hochdeutsch, c'est-à-dire en allemand standard. Alsace est, peut-être, la région de tous les pays germanophones qui a le plus apporté à la langue et à la culture et littérature allemande. Il ne faut pas oublier que le premier poème, le premier roman, la première chronique, la première Bible, le premier journal de langue allemande c’est ici en Alsace que ça s’est passé. En ce qui concerne les dialectes alémanique et francique, nous sommes sur un champ de ruines. A l’heure actuelle sur une population de près de deux millions d’habitants en Alsace, il reste quelques 400 mille locuteurs qui sont des personnes âgées et leur maîtrise de dialecte est souvent décevante. Je pense que l’Alsacien moyen qui parle ces dialectes, a le vocabulaire de 500-600 mots. Les dialectes se sont appauvris qualitativement et quantitativement. Ils se sont appauvris qualitativement parce qu’ils avaient été coupés du standard qui est la langue-mère, qui est la langue nourricière. Beaucoup d’Alsaciens ne maîtrisant plus le standard, on cherche des mots qu’on ne connait pas dans le français ce qui fait qu’on parle une espèce de pidgin alsaco-français.

LVdlR : Quelle place occupe la langue alsacienne parmi d’autres langues régionales en France ?

Pierre Klein : Ça reste la langue régionale la plus parlée en France. J’ai cité tout à l’heure 400 mille locuteurs. L’Alsace est la plus petite région de France. Néanmoins, nous avons encore un nombre de locuteurs assez important. La Bretagne en compte à peu près 200 mille. Le Pays Basque c’est 20-25 mille. La Corse a 100 mille locuteurs. Donc au niveau de la pratique, nous sommes encore à la tête. Mais ceux qui la pratiquent, c’est une population vieillissante. Au niveau des enfants scolarisés aujourd’hui, à l’école maternelle il reste quelques centaines d’enfants qui ont eu accès à cela. Nous sommes arrivés en bout de course. C’est le dernier maillon de la chaîne qui est en train de rompre.

LVdlR : Pour ce qui est de la mentalité des Alsaciens, y a-t-il de l’influence allemande ou bien c’est une mentalité tout à fait particulière ?

Pierre Klein : L’idée d’Allemagne est culturelle en Alsace. Mais aucun Alsacien ne revendique un retour à l’Allemagne. Ça n’existe pas. Par contre, que l’on tient à une culture allemande, ça oui. Maintenant les Alsaciens dans leur très grande majorité ont une identité française. Ils sont tous passés par l’école française, ils ont tous été socialisés à la française. Mais il y en a quelques uns comme moi qui voudraient ajouter quelque chose à cela. Et cette quelque chose c’est par l’identité proprement alsacienne qui intègre les éléments français, allemands et alsaciens. C’est une question culturelle, identitaire et pas politique.

 

Quand on est une ethnie minoritaire, la question de l’identité se pose automatiquement. Cela engendre parfois de vives controverses sur le statut de la région ou sur la langue parlée... Mais ceux qui luttent pour la sauvegarde du dialecte alsacien poursuivent d’autres buts. Ecoutons Pierre Klein :

Pierre Klein : Notre revendication ne repose pas sur l’ethnisme. Nous disons que ce n’est pas la langue qui fait l’identité mais c’est l’identité qui fait la langue. C’est en fonction de l’identité qu’on choisit telle langue ou telle autre. Si on fait reposer les identités sur des données objectives telles que l’unité de la langue, de l’histoire, de la culture et du territoire, alors évidemment la diversité ne peut pas vivre. C’est le cas français puisqu’on fait jouer essentiellement à la langue française le rôle de ciment, de lien entre les citoyens. Puisque ce rôle est attribué à la seule langue française, il n’y a pas de place pour les autres. C’est la différence entre francité et francitude. L’identité, pour moi, c’est d’abord subjectif et pas objectif. C’est un sentiment d’appartenance, c’est une volonté d’agir ensemble, avant tout.

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