« Napoléon ne voulait jamais conquérir la Russie… » (Part 2)

« Napoléon ne voulait jamais conquérir la Russie… » (Part 2)
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Le 8 septembre c’est la Journée de la gloire militaire en Russie: de cette façon nous commémorons l’exploit de l’armée russe dans la bataille de Borodino (ou la bataille de la Moskova) en 1812. Cette bataille n’a pas abouti à une victoire évidente de l’armée russe ou celle de Napoléon Ier, cela reste encore discutable. De toute façon, après la bataille de Borodino Napoléon a dû quitter la Russie. Et si Napoléon l’avait conquise ?.. Nous avons posé cette question à l’auteur du livre « Le combat de deux Empires » Oleg Sokolov.

Oleg Sokolov : Napoléon ne voulait jamais conquérir la Russie. Alexandre I a déclenché la guerre contre Napoléon en 1805 et donc c’était la défaite. Il a déclenché de nouveau la guerre en 1806-1807 et de nouveau c’était la défaite à la bataille de Friedland cette fois-ci. Et Alexandre I a été obligé finalement de signer la Paix de Tilsit et devenir l’allié de Napoléon. Parce que pour le prix de la paix honorable c’était l’alliance. Il signe l’alliance avec la France. Pour Napoléon c’était l’accomplissement de son rêve que la Russie devenait l’allié de la France. Mais la situation a déjà beaucoup changé en 1807. La Russie a perdu deux guerres, dans la société russe apparaissent des opinions qui sont très hostiles vis-à-vis de Napoléon. Il y a eu des changements non seulement dans l’opinion mais aussi dans la situation politique. Les victoires de Napoléon ont élargi son Empire qui est devenu trop puissant. Finalement, garder la paix et l’alliance en 1807 devient déjà très compliqué. Et ce n’est plus uniquement Alexandre qui veut maintenant le conflit. C’est déjà beaucoup d’aristocratie russe qui pense que le conflit avec Napoléon est inévitable. D’autre part, en France on a fait aussi deux guerre contre la Russie. Donc cette alliance devient beaucoup plus difficile que si cette alliance avait été signée en 1803. Mais jamais Napoléon n’a voulu faire la guerre avec la Russie. Même en 1810 en voyant que l’alliance était prête à s’effondrer, il demande la main de la grande duchesse russe, soeur d’Alexandre I. Et Alexandre refuse le mariage de Napoléon avec sa soeur Anne. Mais Napoléon voulait cimenter le fondement de son Empire et pour cela il voulait trouver une alliance en Europe. Donc il demande la main de l’archiduchesse autrichienne Marie-Louise. La signature de cet acte de mariage signifie presque la signature de l’alliance franco-autrichien. Et c’est le renversement de la politique napoléonienne. Ce mariage avec l’archiduchesse d’Autriche a presque terminé la création de l’empire européen. Dans cet empire la Russie n’était pas ennemi mais c’était un Etat qui ne pouvait pas participer à ce système, c’était un Etat-adversaire potentiel, je dirais. Donc à partir du printemps de 1810 les deux côté parlent de la guerre. Il ne faut pas imaginer que Napoléon était l’enfant du choeur, c’est pas du tout le cas. Mais tout simplement, dans cette préparation pour un conflit futur Napoléon est quand même en arrière par rapport à Alexandre. Et en 1811 Napoléon apprend que les troupes russes sont prêtes à envahir le duché de Varsovie, partie de la Pologne restaurée par Napoléon grâce à des paix 1807 et 1809. Donc les troupes russes se concentrent à la fronitère pour attaquer le duché de Varsovie. Quand Napoléon réunit toutes les informations sur cette préparation pour l’invasion dans le duché de Varsovie et sur la future guerre qui avait pour but le renversement de l’Empire français, Napoléon ordonne la concentration de ses troupes à la frontière. C’est un peu la réponse à la concentration des troupes russes. Mais pour Napoléon la future guerre serait sur le territoire de la Pologne où il allait arrêter les troupes russes et les battre à plate couture quelque part à côté de Varsovie. Mais qu’est-ce qu’il voudrait faire après ? Après il voudrait restaurer la Pologne et comme ça terminer de tracer les contours de son empire européen. Mais les troupes russes n’ont pas traversé les frontières. Dès qu’Alexandre a appris le nombre de troupes françaises qui s’approchaient des frontières, il a écarté le plan de la guerre offensive et il passe au plan de guerre défensive. Mais quand Napoléon au début de 1812 a déjà concentré un demi million d’hommes à la frontière russe, il ne pouvait pas les arrêter. Il pouvait soit retourner et les renvoyer dans les casernes à deux mille kilomètres de là, soit continuer à marcher en avant. Il ne pouvait pas stationner sur le territoire polonais, sur le territoire de la Prusse orientale ils auraient tout mangés comme les sauterelles dans un mois comme les sauterelles. Donc on pouvait soit avancer soit reculer. Ce n’était pas possible pour Napoléon de reculer. Mais quand il a décidé de passer la frontière et d’entrer dans l’Empire russe, il n’a voulu conquérir la Russie. Son but était d’écraser l’armée russe à la frontière et restaurer la Pologne et comme ça terminer la création de son empire. Il ne voulait pas ni la conquête de la Russie, ni l’anéantissement de l’Empire russe. Pour Napoléon c’était la guerre purement politique. Au début de la guerre avant le passage de Niémen dans son armée tout le monde était sûr que la guerre prendrait un mois à peu près : on allait défaire l’armée russe à la frontière. Toutes les informations que Napoléon avait, disaient que l’armée russe accepterait la bataille tout de suite parce que les Russes se trouvaient vraiment à la frontière. Le gros de l’armée se trouvait à Vilna, à cent km de la frontière. Tous les autres corps étaient tout près de la frontière. Donc Napoléon croyait que la bataille se déroulerait à Vilna. Ensuite ça serait une grande victoire. Puis une courte poursuite de l’armée russe. Ensuite le traité de paix et le rétablissement de la Pologne « napoléonienne ». Cela on peut lire dans sa correspondance là où il parle de la guerre de 20 jours et du rétablissement de la Pologne. Il ne parle pas beaucoup du but politique de la guerre mais on peut les deviner. Mais il ne parle jamais de la conquête de la Russie. Dans aucune lettre à ses maréchaux et à ses généraux il ne parle de la conquête de la Russie. C’est hors de question, c’est la folie. Napoléon était un chef d’Etat assez agressif mais il ne voulait jamais conquérir la Russie. Pour lui c’était une guerre imposée par Alexandre I et puis la guerre a été provoquée par la retraite de l’armée russe parce qu’ Alexandre I a décidé au dernier moment de faire retraite. L’armée française a été entraîné et tout ça s’est terminé par une catastrophe grandiose. Et c’est après cette catastrophe que dans les mémoires français apparaissent des phrases genre qu’on avait dit à Napoléon que c’était fou d’entrer en Russie. Et dans les mémoires russes vous trouverez que tout le monde savait dès le départ qu’il fallait pas accepter la bataille à la frontière et qu’il fallait faire retraite. Mais ce n’est pas du tout ce que les gens pensaient au début de 1812. Il faut lire donc leurs lettres, leurs ordres qui étaient écrits avant la guerre. Donc le mérite de mon livre c’est ce que je m’adresse uniquement à ces documents. Certes, j’ai également utilisé les mémoires mais avec beaucoup d’attention.

LVdlR : Quelle armée était mieux équipée dans cette guerre, l’armée russe ou l’armée française ?

Oleg Sokolov : Des deux côtés s’étaient deux armées bien préparées à la guerre. On s’y est préparé de longue date. L’armée française était bien équipée aussi comme l’armée russe. Et elles étaient, à la fois mal, préparées. Parce que des deux côtés on s’est pas préparé pour la compagne d’hiver. Les uniformes étaient plutôt pour la campagne d’été. Les uniformes français étaient mieux faits et plus beaux et c’est tout. Les fusils étaient exactement les mêmes. Le fusil russe modèle 1808 était la copie du fusil français de l’époque. Les canons russes et les canons français étaient de la même qualité. Du point de vue de quelité tout cela était à peu près la même chose. Mais ni l’armée russe, ni m’armée française n’ont pensé à la campagne d’hiver.

Quelle passion dans les paroles de M. Sokolov ! En l’écoutant on peut penser que c’est Napoléon-même qui parle ! De toute façon, la personnalité de l’Empereur inspire beaucoup l’historien russe qui est passionné par le temps napoléonien… Oleg Sokolov a été le premier en Russie à reconstituer les batailles historiques datées de cette époque-là. Pour cette activité il a été fait Chevalier de la Légion d'honneur.

LVdlR : On vous a remis la Légion d’honneur, n’est-ce pas ? C’était pour votre livre ?

Oleg Sokolov: On m’ remis la Légion d’honneur en 2003. Ce n’était pas pour livre mais plutôt pour la reconstitution historique. L’ambassadeur de France en Russie Monsieur Blanchemaison qui a passé en revue mes troupes de reconstitution historique pour le champ de bataille de Moskova a été profondément impressionné que derrière moi il y avait 600 personnes en uniforme français qui crier Vive l’Empereur, Vive la France !Moi j’ai été le premier en Russie à créer ce mouvement de reconstitution. Maintenant il y a beaucoup d’associations et de chefs. Moi j’ai été le premier à créer l’armée française. Donc, finalement, j’ai reçu ma Légion d’honneur. Mais naturellement, c’est aussi parce que j’ai déjà publié beaucoup de choses sur l’histoire de France, parce que j’enseigne l’histoire de France à l’université, je parle partout de la France. Donc je pense que je l’ai bien mérité par toute ma vie qui est consacrée à des recherches en histoire de France et, je dirais, à la défense de l’honneur de la France.

LVdlR : Quelles manifestations organisez-vous dans le cadre de la commémoration de la bataille de Borodino (de la Moskova) cette année ?

Oleg Sokolov: Vous savez, mes collègues ont organisé le week-end dernier la bataille de la Moskova. Mais moi j’était à l’autre bataille parce que cette année nous sommes le bicentenaire de la campagne de 1813. Le week-end dernier c’était la bataille de Kulm qui s’est produit en Tchéquie, à l’époque c’était l’Empire d’Autriche. La bataille de Kulm était décisive l’issue de la campagne 1813. Et bientôt c’est la campagne de Leipzig, évènement qui va durer quelques journées. Il y aura 6000 participants et je pense, plusieurs centaines de milliers de spectateurs. Je vais participer à cette bataille qui se déroulera à l’extérieur de la Russie.

L’historien Oleg Sokolov a été interpellé le 9 novembre 2019 à Saint-Pétersbourg avec un sac contenant deux bras d’une femme. À son domicile, les forces de l’ordre ont par la suite découvert la tête et d’autres parties du corps de cette même victime qui a été identifiée comme son ex-étudiante et compagne. Sokolov a été placé en garde à vue et a avoué les faits.

 

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