Léo Strauss ou les racines idéologiques de l’impérialisme américain

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Avec un peu de chance, la Syrie ne sera pas bombardée. Foin des reculades américaines, foin des ébats dits démocratiques du Président de la Normalie, foin des élucubrations parlementaires tant en France qu’aux USA, assaisonnées des multiples tergiversations de la part du Maghreb et des incohérences égyptiennes par rapport à la dissolution du chaos syrien. La Syrie a vocation à tenir. Dieu soit loué, elle tiendra !

Or, qui aperçoit-on dans le deuxième camp ? Les deux fameuses monarchies du Golfe, le Koweït, les Émirats arabes unis, les USA et la France. Quelle étrange liste avec, pour chaque cas précité, ses motifs viscéraux. La France n’est pas allée bien loin. La vieille histoire de l’oléoduc, réserve d’or du Moyen-Orient car la Syrie regorge de gaz, est toujours le motif clé qui anime la persévérance prétendument diplomatique de la France vis-à-vis de Damas. Elle se moque éperdument du fait que le Liban, grand allié historique de notre pays, se retrouve directement sous le coup. Elle se moque éperdument de l’éventuelle intervention de Téhéran, puissance militaire accomplie qui, si elle se décide à agir, pourrait mettre à feu et à sang Israël sans que les USA n’intercèdent pour sa cause, car, en réalité, Washington ne milite que pour un seul parti : le sien. Il n’a ni véritables alliés, ni véritables ennemis. Ses intérêts seuls déterminent la relation qu’il entretient à autrui. Ils sont donc toujours relatifs, temporaires et emprunts de fourberie. Cela aussi, la France préfère le nier, car la politique de l’autruche à laquelle se livrent nos dirigeants est l’apanage des laquais.

La France est devenue le laquais, d’une part, des USA, de l’autre, des états islamistes rêvant d’un khalifat sans frontières régi par la Charia. Quel épilogue honteux qui laisse croire, restons cependant optimistes, à un rebondissement assez douloureux en perspective.

Les USA poursuivent quant à eux leur brillante politique de redistribution des cartes, qu’importe que l’UE succombe à court ou long terme à l’avancée agressive du khalifat qui est en train de se former suite à l’avancée progressive du wahhabisme. Ce qui compte, dès lors, ce sont les intérêts des USA en Extrême-Orient. Or, essoufflés comme ils le sont, il faut bien qu’ils se désistent de leur mainmise sur le Moyen-Orient et que d’autres puissances prennent, ne serait-ce que formellement, le relai. La France semble prête à poursuivre l’estafette, M. Hollande, cédant aux BHL, Fabius et compagnie, se voit déjà entrer en libérateur dans Damas. En voilà une image pittoresque, n’était un petit détail absolument croustillant : la France n’interviendra jamais si les USA n’en font pas autant. Autrement dit, l’autonomie de l’Hexagone est cent fois illusoire, ses convictions ne valent pas plus que les balbutiements d’un valet de chambre singeant les inepties de son maître.

Voici un premier diagnostic. Si désagréable fut-il, il redonne aux politiciens une certaine virginité puisque, en l’absence du démon tentateur qui n’est autre que leur mauvais génie sorti d’une bouteille made in USA, il semblerait que nos cocos soient hors d’état de nuire.

Le cas étasunien ne se traite pas à la légère. Il a des fondements idéologiques assez peu connus qui explique bien la façon grossière, voire rébarbative dont procède Washington. Plus c’est grossier, mieux ça marche, l’Histoire le démontre une fois de plus à l’exemple de la Syrie.

Et maintenant, revenons un peu en arrière. De 80 ans, grosso modo. Un certain Carl Schmitt prénommé « juriste principal du III Reich », celui-là même qui avait dénaturé la Constitution de la République de Weimar en 1919 au nom d’une Allemagne grande et prospère, pose les fondements d’une nouvelle idéologie, alliant les notions de mensonges salutaires ou « mensonges nobles » et « guerre préventive ». Tout état a priori susceptible de contrebalancer le prestige de la grande Allemagne est par définition suspect, donc coupable, donc digne d’être « corrigé ». Bien entendu, ce principe a mis un certain nombre de temps à conquérir les esprits de la nouvelle élite dirigeante. Il a fallu d’abord, en 1933, incendier le Reichstag afin de justifier l’instauration d’un régime dictatorial. Il a fallu ensuite, en 1939, justifier l’invasion de la Pologne en arguant une offensive préventive destinée à protéger le Reich de la menace bolchevique, cette dernière pouvant gagner l’Europe en passant par le territoire polonais. On a voulu faire croire que la menace rouge en était effectivement une et des plus redoutables, on y est parvenu. On a voulu faire croire que les Juifs étaient le chancre du monde, une race maudite bonne à périr dans des chambres à gaz et beaucoup y ont cru. Toutes les philosophies étaient bonnes, même s’il s’agissait de faire parler les morts comme on a fait parler Nietzsche, même s’il s’agissait de mettre à l’œuvre des génies de la pensée tels que Heidegger. Bref, la désinformation est aussi une science et une science complexe avoisinant la magie noire ou l’hypnose.

Carl Schmitt étant un personnage sans conteste charismatique, ses innombrables élèves étaient prêts à tout pour ressembler à leur gourou. Leo Strauss, juif allemand, ne fit guère exception. Philosophe de qualité, M. Strauss a employé une grande partie de sa vie à prêcher la doctrine machiavélienne, manichéenne et impérialiste de son professeur en en imbibant les élites étasuniennes, si bien que le parti néoconservateur américain est aujourd’hui entièrement lévy-straussiste. Comment s’étonner plus longtemps des artifices employés par l’administration de M. Bush lorsqu’il fut question de liquider Saddam Hussein ? Souvenez-vous. On prétendait à l’époque que l’Irak était sur le point de se doter d’armes nucléaires sachant pertinemment que ces soupçons n’avaient ni queue ni tête. Cet épisode rappelle les tartufferies de l’Occident par rapport à l’utilisation du gaz sarin, prétexte fabriqué de toutes pièces. De même prétendait-on que Saddam Hussein entretenait des liens assez étroits avec Al-Qaïda en étant, toujours sur le point car il n’y avait que des intentions imaginaires, fournir aux groupuscules terroristes des armes de destruction massive. Il est vrai que les USA étaient alors, primo, en très mauvais termes avec Al-Qaïda, leur créature, secundo, ils n’avaient pas encore l’audace de reconnaître leur solidarité vis-à-vis des djihadistes. On relève à l’heure actuelle un scénario reprenant celui de 2005 mais en version inverse. L’armée syrienne combat les islamistes que Washington, secondé par Paris, se dit prêt à armer parce que ces terroristes qui exterminent méthodiquement chrétiens, chiites et alaouites ne sont que de simples oppositionnaires. L’ASL, on le sait, n’existe plus. Et bien non, on continue à affirmer que ce n’est pas le cas, que le Front Al-Nosra est minoritaire. Les protagonistes ont changé mais la théorie du « mensonge noble » est mise en œuvre de la même manière, on croirait à du copier-coller.

Le gouvernement Ayrault se fait le complice impardonnable d’un régime profondément fasciste. En cela, il est allé bien plus loin que la France de Vichy, collaborationniste, certes, mais en somme assez passive.

Le seul problème, c’est que notre pays pourrait payer autrement plus cher si l’Iran finit par réagir, ne supportant plus d’être provoqué par des puissances mécontentes de voir un nouveau leader réellement prêt à négocier la question du nucléaire, dissipant les craintes qui auraient pu alimenter au-delà de toute mesure les croisades moyen-orientales. Car l’épouvantable imposture qui donna lieu à la tragédie irakienne n’est plus d’actualité. Car les masses ne sont peut-être pas aussi dépourvues de raison n’en déplaise à Léo Strauss et ses acolytes. La preuve : 68 % des Français se disent hostiles à une intervention armée en Syrie, chiffre encore plus important pour les Américains. Hélas, nul n’en a cure, l’Empire se souciant peu de ses sujets et la France suivant son exemple. T


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