LvdR : Depuis que Barack Obama a renoncé à rencontrer M. Poutine à Moscou à la veille du sommet G20 à Saint-Pétersbourg la presse européenne et notamment celle de France ne cesse de prétendre que les relations entre Moscou et Bruxelles sont presque aussi froides que les relations russo-américaines. On cite à l’appui de cette thèse le refus de l’Union européenne d’abolir le régime de visas avec la Russie, les divergences au sujet du Troisième paquet énergie, l’établissement par la Russie des taxes douanières sur l’importation des automobiles, les controverses autour de la Syrie et de l’Iran et même la loi interdisant la propagande de l'homosexualité auprès des mineurs adoptée par la Russie pour ne parler que de ces points de discorde. A votre avis, s’agit-il en l’occurrence d’une situation réellement dramatique dans les rapports entre l’Europe et la Russie ou bien nous assistons à un énième témoignage d’allégeance de l’Europe aux Etats-Unis ?
D. de Kochko : Il est difficile d’y répondre d’une manière aussi tranchée. Malheureusement l’influence de la communication, de la guerre de l’information du côté américain qui relève des communications dans les médias européens qui sont très atlantistes, je dirais, et évidemment les thématiques d’une Russie méchante, d’un Poutine assoiffé de pouvoir reviennent d’une manière intensive durant cet été. Certes, la problème des visas ça préoccupe moins les Occidentaux que ça ne peut préoccuper les Russes. D’autre part, c’est une affaire déjà plus ancienne et en fait c’est las Allemands qui s’opposent à la suppression des visas à laquelle les Russes se disent favorables. Pour ce qui est le paquet énergétique le problème est essentiellement dans le protectionnisme que veulent les compagnies occidentales et surtout américaines, bien sûr, pour ne pas laisser les compagnies russes pénétrer les marchés de distribution de l’Europe occidentale. Ces problèmes déjà anciens réapparaissent à la surface chaque fois que les Américains trouvent utile de monter d’un cran la tension contre la Russie.
Mais ce qui est le plus étonnant c’est l’élément qui est mis ostensiblement en avant après la déclaration d’Obama que la Russie n’est pas démocratique parce qu’elle est homophobe. Cela est tout à fait déformé, car on se réfère en l’occurrence à la loi adoptée en Russie qui interdit la propagande d’homosexualité auprès des enfants qui est interprétée comme étant une loi carrément dirigée contre les homosexuels. Obama a dit ça lui-même et ça a été repris abondamment par la presse occidentale. Tout ça ne me parait pas très sérieux, mais malheureusement depuis l’adoption par la France de la loi sur les mariages gay cette thématique est devenue très exploitée alors qu’il y a d’autres problèmes tels que la crise de l’euro, l’endettement des Etats, le chômage qui sont les choses qui préoccupent vraiment les gens dont la majorité est vraiment indifférente aux problèmes d’homosexualité. Pourtant c’est précisément ce sujet qui est matraqué quotidiennement par les médias.
Pour ce qui est de la Syrie je dirais que pour la France les choses ont changé tout de même ; On a nettement mis en bémol sur la Syrie et sur les dénonciations contre le régime de Bashar al-Assad. Bien entendu on parle du rôle « néfaste » de la Russie qui arme le dictateur mais on en parle de moins en moins. Bien sûr, il y a eu incontestablement des consignes dans les médias français pour rapporter la position de Barack Obama pour faire pression sur la Russie, mais je ne dirais pas qu’il y a une aggravation des relations franco-russes.
LvdR : La lourdeur et le conservatisme de la bureaucratie européenne se présente souvent comme un facteur qui freine la coopération non seulement entre la Russie et l’Union européenne mais surtout la coopération bilatérale entre la Russie et ses partenaires traditionnels en Europe. Dans cette situation ne croyez-vous pas plus utile de mettre l’accent sur la coopération économique directe entre la Russie et ses partenaires européens essentiels, coopération qui serait moins tributaire des lubies géopolitiques de Bruxelles ?
D.de Kochko : Il est vrai que la Russie et ses partenaires européens traditionnels se retrouvent difficilement dans les méandres bureaucratiques et les intrigues de couloir de Bruxelles, et qu’ils préfèrent maintenant avoir des relations bilatérales. Dans les milieux bruxellois et pro bruxellois des membres de l’Union européenne on dit que ce n’est pas une bonne politique de la part des partenaires de diviser les membres de l’Union européenne pour discuter avec chacun séparément parce qu’on est moins en position forte pour imposer des bonnes solutions. Mais ceux qui considèrent qu’ils ont une vision européenne d’une Europe des nations préféreraient incontestablement que les négociations se fassent d’une manière bilatérale et surtout d’une manière bilatérale parce que les économies de l’Union européenne sont très différentes. En ce qui concerne les marchés énergétiques il est incontestable que logiquement l’Union européenne devrait pouvoir obtenir des conditions meilleures du point de vue de l’Union européenne. Ce n’est pas toujours les cas, parce que justement les anciens accords qui sont parfois dénoncés aujourd’hui par certains experts et souvent par la tendance libérale de l’Union européenne ont été conclus à l’époque soviétique sont plus avantageuses pour les grands pays et pour certaines compagnies de ces grands pays. Vous voyez là il y a une vraie difficulté.
LvdR : Merci, Monsieur De Kochko
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