Qu’y a-t-il de commun entre la construction européenne et le terroriste Carlos ? C’est que les Européens construisirent une utopie à être rasée par les marxistes en armes. J.-M. Vernochet ne mâche pas ses mots. Il y a un peu moins de 10 ans, il a réuni une communauté d’auteurs pour rédiger le Manifeste pour une Europe des peuples. Il lui avait fallu 17 auteurs pour analyser les idées fondatrices d’une Europe aujourd’hui à la dérive. Il l’a bien prévu et il en parle. Carlos, lui, a fait objet d’un autre livre intitulé L’islam révolutionnaire et paru en 2003. L’alliage des deux ouvrages nous donne la clé de l’état actuel de l’Europe et, bien malheureusement, de ce qui l’attend de nos jours.
J.-M. Vernochet. Il fallait prendre acte du projet de constitution européenne présenté. Qui était présenté en 2005 aux Français et qui n’aurait pas été avalisé par les Anglais et les Polonais si le processus de référendum avait abouti. Mais vous savez très bien comme moi que dans nos démocraties libérales, lorsque le peuple vote mal, on passe par-dessus !Alors en 2005, l’Europe réelle s’est prononcée contre l’Europe des idéologues, les idéocrates qui ont fait dévier cette constitution européenne depuis son projet initial. Cela devait être une construction pas à pas, essentiellement économique, d’ailleurs ! Cela devait être dirigé sur d’autres pistes. Cette construction idéologique est une utopie. L’Europe est en train de se déstructurer sans parler de la restructuration des entreprises et de l’Europe telle qu’elle a été conçue. Elle ne pouvait s’étendre à l’infini jusqu’à l’Ukraine et la Géorgie et tout ce que nous avons à l’avenant. Cet ensemble mou et vaseux comme l’avait défini dans son livre le socialiste Hubert Blum, cet ensemble indéfini, nous ne savons même pas où il peut être conduit : à une guerre civile européenne, peut-être ? Parce que là nous sommes au bord de l’effondrement : le chômage en croissance constante, etc. La construction européenne telle qu’elle est, est une construction abstraite. Une construction qui ne tient pas compte de l’intérêt réel des peuples composant les nations européennes. C’est une utopie meurtrière. Encore une fois nous devons vérifier la construction européenne. Il serait temps que cela s’arrête. C’est pourquoi j’avais réuni un certain nombre de spécialistes aux prises avec la réalité européenne. Il y avait là les hommes de tous les horizons. Il y avait des politiques. Nous voulions essayer d’abord d’élaborer un projet de réorientation. En tout cas, une reconstruction de l’Europe sur les bases concrètes qui correspondent à quelque chose et qui va dans le sens de l’intérêt des Européens. Mais nonobstant nos efforts, cela est resté lettre morte.
VDLR. L’islam est un sujet qui passionne. Il y a 10 ans, vous, vous avez abordé le sujet avec votre livre sur « Carlos ». Pourriez-vous nous expliciter un peu le « pourquoi » ?
J.-M. Vernochet. Ecoutez, Carlos est apparu à un moment-charnière de l’histoire qui est d’abord le moment du grand déclin de l’Empire soviétique. C’était à l’époque un homme important. C’était une sorte de bras armé le mot « mercenaire » étant non adopté. Par 2 fois il s’est converti à l’islam montrant que l’islam politique ou l’islam tout court avaient besoin d’un contenu idéologique ce qui pourrait être un communisme marxiste. Et Carlos a incarné cette jonction ou fusion entre une structuration du champ géopolitique par le marxisme et l’islam. Ceci étant dit, pourquoi donner la parole à un terroriste ? Cela a semblé quelque chose d’inapproprié ou bien de déplacé. Quand on a un grand criminel qui n’est pas un criminel banal au propre sens du terme ce qui veut dire qu’il ne s’agit pas d’un criminel de droit commun, encore une fois il s’agit d’un soldat politique comme il s’est dit lui-même, et on le conduit à la barre du tribunal de l’histoire tout en lui demandant de témoigner ! On lui demande quels sont les vrais ressorts de ses actions. Il est intéressant comme individu parce que je crois qu’il fait partie de ceux qui dirigent le monde et non pas le rapport de production comme l’avait défini le matérialisme historique ! Quels sont les grands ressorts idéologiques qui sous-tendent les événements ? Quand on a un témoin, on le convoque à la barre et on lui demande de nous donner des éclairages.
Comme je vous l’ai déjà dit, pour lutter contre le terrorisme, si vous ne savez pas quels sont les ressorts et les motivations qui mobilisent ces hommes qui commettent des actions terribles pour les autres. Encore une fois, il y a beaucoup de personnes qui ne veulent pas comprendre. Il est peut-être très utile d’avoir affaire à des hommes qui incarnent le mal sans comprendre les grands rapports de force internationaux et les grandes mutations idéologiques en cours. Sitôt publié, mon livre a disparu des étals des librairies et plus personne n’en a entendu parler ; Cela n’a pas empêché qu’il soit diffusé. On ne peut interdire une certaine vision des choses ! Même la compréhension de ce livre témoigne qu’à travers la plume Ilitch Ramirez Sanchez a porté un regard sans concession sur les événements. Vous savez comme moi qu’il y avait une guerre basée sur l’empire des mensonges. Et aujourd’hui ce qui pouvait paraître choquant à l’époque, aujourd’hui apparaît comme les vérités banales !
Commentaires. Banales, peu ou prou, ces vérités ne le sont pourtant pas ! En fait, Jean-Michel Vernochet avait découvert quelque chose qui dépasse l’entendement non seulement de nos compatriotes européens, mais aussi des islamistes eux-mêmes livrant une guerre farouche à la culture du Vieux Monde qu’ils considèrent comme « diabolique ». Il se trouve que l’islam a enfanté un mutant issu du creuset léniniste. L’islam conventionnel a beau béatifier la guerre, il n’a aucune notion de la conduite d’une guerre subversive dans laquelle les communistes sont passés maîtres. L’attaque du pouvoir, la subversion idéologique, la grogne des banlieues, l’organisation de la désobéissance nationale ont été les pierres angulaires de la dictature soviétique à ses premiers balbutiements. Force m’est de constater que les islamistes européens de nos jours ne sont que de pâles épigones des pères fondateurs d’obédience communiste qui vivaient il y a plus de 100 ans. Même le terrorisme vit le jour à l’époque des écrits du prince Kropotkine et, pour juguler la bête, il a fallu deux guerres mondiales et le glacis communiste qui se désagrégea il y a 20 ans à peine. C’est pour vous expliquer toute la profondeur de la pensée de Jean-Michel Vernochet qui a su capter le message maléfique d’un prénommé Carlos inconnu par la plupart de nos contemporains.
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