Depuis le 9 août, Morell est à la retraite. Il occupait le poste de premier vice-directeur, sorte de directeur exécutif. Les hauts cadres des renseignements avec plus de trente ans d’ancienneté, comme Morell, ne donnent jamais d’avis politique sans accord préalable de la hiérarchie.
Morell a déclaré que les violences en Syrie pouvaient s’étendre en Irak, au Liban, en Iran, et autres. Chaque mois, le nombre de combattants étrangers luttant aux côtés de groupes liés à Al-Qaïda augmente en Syrie. Et cela ne rend que plus probable la chute du gouvernement.
Les propos de Morell peuvent être interprétés de diverses façons. Il se peut même que ce soit une autre manœuvre pour détourner l’attention du scandale d’espionnage international de la NSA. C’est justement Edward Snowden, un ancien agent de la CIA et de la NSA, et ancien subalterne de Morell, qui a fait ces révélations.
Une grande partie des experts estiment que les propos de Morell reflètent l’avis sur le casse-tête syrien de nombreuses personnes dans l’administration et au Congrès. Elles ne comprennent pas pourquoi il faut soutenir seulement la formation de bandes armées sanglantes en Syrie.
Les experts russes n’excluent aucune des deux variantes. N’en déplaise à l’ex premier vice-directeur de la CIA, mais c’est le président qui décide de la politique étrangère des États-Unis. Vladimir Kozine, analyste à l’Institut d’études stratégiques russe, rappelle qu’aucun changement n’est prévu en ce qui concerne la Syrie dans cette politique.
« Je ne pense pas que la position américaine changera et qu’elle deviendra tout d’un coup prosyrienne ou progouvernementale. Elle sera aussi rigide, à double standard. Elle visera comme d’habitude à soutenir moralement et militairement les bandes armées ».
L’avis général des experts est que tant que les Américains n’auront pas « marché sur tous les râteaux » qui se trouvent sur leur chemin proche-oriental, il n’y aura aucun changement.
Pour Alexandre Gousev, directeur de l’Institut russe de planification stratégique, les Américains comprennent bien que la chute du régime el-Assad rendrait la Syrie incontrôlable.
« Naturellement, une question se pose : pourquoi aident-ils alors l’opposition sur le plan militaire ? Le fait est que l’opposition se bat justement contre le régime al-Assad. Les propos du vice-directeur de la CIA montrent bien un double standard. Pour l’instant, les Américains tiennent bien leur position : faire tomber le régime al-Assad ».
Léonide Issaïev, analyste de la Haute École d’économie russe, pense que des raisons financières peuvent se cacher derrière la révélation de Morell.
« Il me semble que les pays occidentaux et les USA ont déjà compris qu’investir dans le conflit syrien était inutile. Cela deviendrait trop couteux. C’est autre chose si le conflit est résolu en quelques mois, maximum un an. Mais quand on ne voit pas le bout du tunnel au cours de la troisième année, alors on comprend qu’investir dans cette bataille imprévisible est très couteux ».
Il se trouve que, actuellement, les islamistes les plus radicaux et Al-Qaïda sont devenus les alliés des États-Unis pour faire tomber el-Assad. Pour Evguéni Satanovski, président de l’Institut du Proche-Orient, il n’est pas possible de combattre le terrorisme en s’alliant avec Al-Qaïda.
« En Syrie, ils [les États-Unis] testent tous les possibilités et font de nouvelles bêtises. Le fait que ces bêtises sont catastrophiques pour la sécurité de l’Amérique n’est pas un secret. C’est évident même pour les observateurs et les experts militaires. On commence à en parler directement, malgré la profonde intolérance à la critique du président Obama. Cependant, cela n’a malheureusement pas beaucoup d’effet ».
Pendant ce temps, comme chacun le sait, les experts américains et russes se préparent à se rencontrer fin août afin de discuter encore des derniers détails de la conférence de Genève sur la Syrie. Elle pourrait se tenir en septembre.