Pour se débarrasser de Vassilissa, sa marâtre l’envoie chercher du feu dans la forêt où vit la méchante sorcière Baba Yaga. Mais la petite fille tient dans ses mains une poupée magique, un cadeau de sa mère, qui l’aide à surmonter toutes les difficultés. Spectacle pour enfants, La Baba Yaga s’inspire du conte russe Vassilissa-la-très-belle, mais pas uniquement. Héloïse Martin, directrice artistique de Carabistouilles et Compagnie, explique.
La Voix de la Russie : Pourquoi vous avez choisi le personnage de Baba Yaga ? Quel conte russe avez-vous mis en scène ?
« Héloïse Martin : Ce sont des souvenirs d’enfance. Lorsque j’étais petite, c’est une figure qui m’a marquée. J’aimais ce personnage dans les illustrations d’Ivan Bilibine.
Plus tard, j’ai acheté à mes enfants des livres de Baba Yaga dans la version du père Castor. J’ai trouvé cette version très expurgée. Mais beaucoup d’enfants français connaissent justement cette version. C’est la version dans laquelle Vassilissa va chercher du fil et une aiguille chez la sœur de la marâtre qui vit dans la forêt.
Nous avons travaillé sur une autre version : celle où Vassilissa va chercher du feu dans la forêt. Je la trouve très symbolique, car elle évoque une transmission de l’intuition féminine entre une mère et une fille. Dans contes occidentaux, la fille devient une femme quand elle rencontre son prince charmant, qui la sauve. Et ils ont des enfants. Dans le conte russe, Vassilissa apprend à s’occuper de la Baba Yaga, une femme sauvage. Vassilissa a peur d’elle, mais elle apprend à s’occuper d’elle, et Baba Yaga devient alors une source de créativité, de richesse et de force.
LVdlR : A la fin du conte Vassilissa épouse le tsar. Comment se termine votre spectacle ?
H. M. : On le dit, mais ce qui nous a intéressé, c’est la rencontre entre la petite héroïne et cette sorcière. Comment s’est nouée la relation entre elles.
Lorsque j’ai écrit le spectacle, j’ai également travaillé sur une analyse de Vassilissa par Clarissa Pinkola Estés, l’auteur de « Femmes qui courent avec les loups ». Dans son analyse, Baba Yaga – c’est une femme sauvage qui fait peur. Et petit à petit, au gré des épreuves que Vassilissa surmonte, au final elle s’attache à ce personnage. Et elle ne veut pas l’abandonner parce qu’elle a peur qu’elle meurt. Vassilissa est touchée par cette vieille femme.
LVdlR : Baba Yaga, c'est donc un personnage gentil ?
H. M. : C’est un personnage ambivalent, qui n’est pas manichéen. Ni gentil, ni méchant. Dans les contes de Luda Bilibine que j’ai lus, cela est très bien montré. Suivant le personnage qu’elle a en face d’elle, Baba Yaga va soit l’aider dans sa quête, soit ne pas l’aider. C’est comme ça que nous nous comportons dans la vraie vie : nous ne sommes pas les mêmes selon la personne que nous rencontrons.
Au départ, Baba Yaga est un personnage horrible : elle a mangé tous les enfants qu’elle a rencontrés. Vassilissa dit à sa poupée : « Si j’y vais, elle va me manger », et la poupée lui répond : « Ben non, par forcément. Peut-être que tu vas lui apporter quelque chose que les autres ne lui ont pas apporté et elle ne va pas te manger. »
LVdlR : Techniquement, comment vous incarnez le rôle de Baba Yaga ?
H.M. : Dans ce spectacle j’incarne la mère (la conteuse) et la marâtre. C’est pourquoi j’ai décidé de faire en sorte qu’on ne me voit pas en Baba Yaga. Dans la version de Luda Bilibine, Baba Yaga est tellement vieille qu’elle ne sort pas de son izba. J’ai décidé d’adopter cet épisode au théâtre. On l’imagine, comme un monstre qui reste dans son izba en pattes de poule.
LVdlR : Deux noms d'origine russe apparaissent dans les titres de la pièce. Vous avez essayé d’ajouter une touche russe à ce spectacle ?
H.M. : Non, ce n’est pas un spectacle pour retrouver la Russie. Mais nous avons collé à l’esprit du conte. Macha Kapustina, la costumière, est en effet moscovite. Elle nous a fourni le costume de Vassilissa. C’était son costume lorsqu’elle faisait des spectacles traditionnels, étant adolescente. Hélène Gédilaguine, qui joue le rôle de Vassilissa, est à moitié russe, mais c’est une pure coïncidence. Mais ni moi, ni le metteur Philippe Ferran ne sommes russes.
LVdlR : Cela fait 4 ans que vous jouez La Baba Yaga sur scène. Quels sont vos projets par rapport à ce spectacle ?
H.M. : Notre dernière représentation dans le cadre du Festival Off d’Avignon, c’est le 31 juillet. Mais nous pensons revenir l’année prochaine. Nous avons décidé d’arrêter ce spectacle à Paris pour laisser la place à d’autres projets. En revanche nous avons un calendrier de tournées dans toute la France où nous pourrons l’inclure. Mais Baba Yaga a la vie longue. C’est la gardienne du royaume des morts. Elle n'est pas prête de disparaître ! T