Ce constat n’est pas mien. Il appartient à M. Eric Zemmour, journaliste dont le franc-parler rend définitivement dérisoires les balbutiements droits-de-l’hommistes et servilement tartuffes de nos journaleux.
On peut jouer avec les chiffres. On peut les manipuler à notre guise selon la cause défendue. Pourtant, en soi, les chiffres ne mentent pas. Ils sont ce qu’ils sont et leur éloquence perturbe souvent plus les esprits que ne les auraient perturbés les plus grands mots. Cent fois moins de chrétiens en cent ans ! Et vous comprenez bien que ce n’est pas sous le régime d’Atatürk que les chrétiens ont commencé à disparaître tels des dinosaures.
Considérez, de la même façon, l’exemple des pays où l’islam s’est emparé de la politique, se transformant en islamisme (ou islam politique). Quel sort est réservé aux chrétiens ? Nous venons d’accueillir dans notre studio un prêtre irlandais qui a fait dix années de sacerdoce aux Philippines. Même constat, même amertume : musulmans et chrétiens coexistaient en toute harmonie jusqu’à la fin des années 80, c’est-à-dire avant que des radicaux pakistanais, manifestement financés par des réseaux internationaux siégeant en Arabie Saoudite et au Qatar, ne lancent un programme d’islamisation ambiante du pays. Le bilan est approximativement celui que nous connaissons à l’heure actuelle. Le cas de la Syrie déborde quant à lui de cette coupe envenimée puisqu’il était impensable, il y a encore quelques années, que des moines parfaitement pacifiques soient exterminés par des groupuscules du type Al-Nosra sans que la communauté internationale s’en mêle. Cette dernière frontière qui a fini par être franchie est supérieurement symbolique dans la mesure où l’Eglise syriaque orthodoxe est à juste titre considérée comme étant l’Eglise mère de toutes les Eglises du Levant, donc, de l’Irak, du Liban, de la Palestine et de la Jordanie. C’est bien Saint-Paul ou Paul de Tarse qui la fonda suite à sa conversion à Rome.
Comment expliquer cette aversion barbare et totalement irrationnelle des islamistes à l’encontre des chrétiens ? Y-a-t-il un fondement à leur attitude dans le Coran ? La question reste constamment ouverte et amène à se demander si l’islam laïque est un islam authentique, si l’islamisme, consacré comme il est à la charia et aux fatwas qu’elle inspire, n’est pas l’islam tel qu’il se concevait à ses débuts. Lorsque l’Eglise catholique brûlait par paquets hommes et femmes sur des bûchers qui n’avaient vocation à s’éteindre qu’au XVIIIe siècle, il fallait bien reconnaître que ces crimes obscurantistes étaient perpétrés sous l’égide du catholicisme. De même, lorsque des individus décapitent quasi-rituellement des religieux en acclamant le saint nom d’Allah, pourquoi devrais-je suivre une autre logique ? Pourtant, je reconnais dans les deux cas qu’il s’agit d’une dénaturation des Écritures, Bible et Coran y compris.
Je n’interviens pas ici pour donner une caractéristique aux deux religions ou effectuer une analyse comparée d’inspiration théologique. Je relève des faits et j’écoute. C’est ainsi que j’ai écouté avec grand intérêt le point de vue de l’Abbé Guy Pagès que j’ai le plaisir de vous faire connaître.
La VdlR. « M. l’Abbé, pourriez-vous tout d’abord vous présenter ?
Abbé Guy Pagès. Je suis prêtre diocésain de l’archevêché de Paris. J’ai été ordonné prêtre il y a maintenant tout juste dix-neuf ans. J’ai eu l’occasion d’exercer mon sacerdoce aussi bien à Paris qu’en province et à l’étranger … pendant un an, en République islamique de Djibouti. C’est là où, au contact des musulmans locaux, j’ai commencé à développer l’apostolat à leur endroit que j’ai ensuite développé encore davantage lorsque je suis revenu en France en 2004.
La VdlR. Votre thème de prédilection est l’islam. Vous en parlez très ouvertement et souvent très courageusement, cela d’autant plus que ce genre de thème est aujourd’hui difficilement abordable en France. Avez-vous été déjà menacé ou violemment critiqué pour vos prises de position ?
Abbé Guy Pagès. Oui, bien sûr ! Assez souvent, surtout au début où j’ai reçu nombre de menaces … J’ai commencé en 2007 et peut-être qu’en 2007 les choses n’étaient pas comme elles sont actuellement parce qu’il y a une réaction de plus en plus importante, Dieu merci, dans un secteur de la société française de plus en plus nombreux. Alors au début j’ai reçu des menaces de mort, de torture etc. Je suis allé porter plainte à la gendarmerie suite à cela et fut très étonné de voir que l’officier de police ne voulait pas enregistrer ma plainte en me disant que, de toute façon, cette démarche ne servirait à rien, car il y avait trop de plaintes de ce type (…). Je dois par ailleurs dire qu’au fil du temps et jusqu’à maintenant les choses ont complètement changé, du moins telles que je puis les percevoir. Je reçois beaucoup moins de propos injurieux ou menaçants.
La VdlR. Vous avez considérablement travaillé sur la théologie musulmane. Croyez-vous que l’islam laïque soit compatible avec les valeurs judéo-chrétiennes et qu’un dialogue constructif entre christianisme et islam soit possible ? Ne s’agit-il pas d’une impasse ?
Abbé Guy Pagès. Pour moi, il n’y a pas d’islam laïque, c’est une blague ! L’islam en soi revendique une obéissance absolue à la Parole d’Allah inscrite dans le Coran, tel que s’était pratiqué à la perfection au VIIème siècle en Arabie. On ne peut pas être musulman et rejeter cet aspect ! D’ailleurs c’est pour cette raison que ceux qui osent le faire, c’est-à-dire pratiquer la laïcité tout en restant musulmans, se font massacrer par ceux qui, au contraire, sont des fervents de l’islam de toujours. Ainsi, l’expression « islam laïque » est déjà au fond contradictoire puisque vous savez sans doute que l’adjectif « laïque » implique la séparation des pouvoirs temporel et spirituel, alors que dans l’islam, il n’y a pas de séparation envisageable, étant donné que le modèle de référence, c’est Allah qui est prêché comme Un et que comme Il est Un, Il n’y a pas de dissociation possible. Il est question d’un régime totalitaire par nature, du fait que le modèle auquel il se réfère est lui-même totalitaire.
La VdlR. On constate que l’Occident s’islamise autant qu’il se déchristianise. Y-a-t-il moyen de contrer ce processus qui, s’il n’est pas irréversible, est en tout cas extrêmement engagé à ce jour ?
Abbé Guy Pagès. Ce processus vient de l’apostasie des nations chrétiennes qui ont rejeté leur foi. Si on ne veut pas de la lumière, on aura les ténèbres. Vous savez que dans l’islam, le plus grand de tous les péchés, c’est de croire à la Trinité … La solution, ça serait que les Européens, les Occidentaux acceptent de reconnaître que le Christ est Seigneur. On ne peut pas avoir un Maître, une loi, un projet qui lui soit équivalent. Il n’y a aucune raison de rejeter le Christ (…), on ne peut rien Lui reprocher ! La solution serait donc, en somme, un prompt retour à nos racines chrétiennes. Or, nous sommes maintenant confrontés à un laïcisme virulent qui fait que même l’Eglise ne joue plus son rôle. Au lieu, par exemple, de dire « Convertissez-vous, il n’y a pas d’autre Salut que Jésus-Christ », elle dit «Joyeux Ramadan, continuez, vous êtes musulman, tout est parfait » ! (…)
La VdlR. Mais quid de l’exemple de la Turquie ou de la Syrie avant qu’Erdogan n’étende son pouvoir et avant que la France et les USA n’interviennent ? Est-ce que là où l’islam coexiste avec le christianisme, il pourrait y avoir une certaine proximité ?
Abbé Guy Pagès. Non, je ne saurais reconnaître cette proximité. Vous savez que les chrétiens qui sont en pays musulmans ont droit à un statut d’infériorité qui s’appelle la dhimmitude et qui fait qu’ils sont tolérés moyennant le versement d’une rançon qu’on appelle la zakât, moyennant des humiliations institutionnalisées, l’impossibilité d’accéder à des fonctions sociales, politiques, etc., du fait qu’ils sont chrétiens. Donc, en réalité, l’Eglise survit dans ces pays mais avec beaucoup de souffrances, même si, ouvertement, les responsables ne vont pas se plaindre pour épargner des représailles malheureuses à leurs peuples … Il est impossible d’être chrétien et heureux dans un pays musulman, simplement sur le fait qu’il est interdit d’évangéliser en terre musulmane (…).
La VdlR. On constate que le PS finance des individus qui persécutent les chrétiens et les alaouites en Syrie. Comment expliquez-vous ce choix au bout du compte suicidaire de nos dirigeants ?
Abbé Guy Pagès. Il y a un proverbe latin qui dit errare humanum est, perseverare diabolicum. Ce qui se traduit par : L’erreur est humaine, persévérer est démoniaque. Donc, quand on a fait une erreur, soit on la reconnaît et à ce moment là, comme dit un autre proverbe, tout péché confessé est à moitié pardonné. C’est à ce stade qu’on peut sauver la mise. Ou bien, on refuse de reconnaître son péché et le processus devient irrémédiablement vicieux. C’est ce qu’on voit à l’exemple du gouvernement socialiste qui n’arrête pas de produire des projets de loi qui sont tous les uns plus mauvais que les autres et qui conduisent notre pays au chaos. Mais comme ils fonctionnent avec une idéologie et non pas en cherchant à correspondre à la réalité, ils soumettent cette réalité à des idées autosuffisantes et hors-contexte, ce qui est caractéristique du socialisme dans sa genèse. D’ailleurs, on l’oublie souvent, mais le socialisme a été condamné par l’Eglise, lui qui accumule erreurs et dénaturations ».
Tout en étant d’accord sur bon nombre de points clés évoqués par M. l’Abbé, je conserve ma propre vision de l’islam en Occident, estimant qu’il s’agit d’un test ultime de survie pour cette civilisation que nous perdons. L’islam dans son format actuel provoque nos réactions immunitaires, ce qui n’est pas mauvais en soi. Il n’y a aucun obscurantisme à défendre sa foi pourvu que cela se fasse conformément aux préceptes de la raison et aux acquis de la culture. En ce sens, nous devrions prendre exemple sur les musulmans qui sont fiers d’être tels mais, et j’insiste lourdement, dans le cadre de ce que nous avons acquis, au fil des siècles, comme niveau de conscience. T