La façon dont on perçoit l’islamisme ne fait pas exception. Le monde occidental s’est inventé un certain islamisme dont il veut tirer profit ou qu’il veut combattre selon que la donne géostratégique y prête ou non. Dans les deux cas, cet islamisme reste égal à lui-même, c’est-à-dire inconditionnellement soumis aux impératifs de la Charia, donc, à une version tardive très dure des versets coraniques. On pense ainsi manipuler une idéologie profondément perverse qui elle aussi adhère bien au jeu comme on le voit en Syrie, comme on l’a vu en Irak et en Libye, comme on le voit maintenant en Egypte. Quand je vois des bandes armées de l’ASL égorgeant trois religieux chrétiens devant femmes, enfants et vieillards en invoquant le nom d’Allah, je me demande pourquoi le même traitement ne nous seraient pas ultérieurement réservé dans les rues de Paris, de Bruxelles ou de Berlin. Pourtant, c’est bien ce qui pourrait arriver si les grands manitous aux commandes de l’UE n’arrêtent pas de prendre un tigre assoiffé de sang pour un chat de gouttière que l’on peut aussi bien tenir en cage que piquer s’il s’avère enragé. Ce tigre, vous pouvez le baptiser de rebelle. Vous pouvez même vous apitoyer sur son sort en reprochant à Messieurs Kadhafi ou Al-Assad des manœuvres anti-démocratiques. Pour autant, au-delà de cette rhétorique en soi clownesque, il reste la réalité pure et dure. Celle de la violence. Celle qui consiste à dire que l’islamisme est un système de pensée universalisable, que ce soit par le glaive ou par la force de conviction, la première option étant nettement privilégiée .
Remettant en question l’islamisme, ce n’est aucunement l’islam que je prends pour cible. Je respecte cette religion tout comme je respecte christianisme, judaïsme ou shintoïsme. Le problème fondamental, dans le cadre de l’islamisme, est que, comme à chaque fois que nous avons affaire à des isme, nous sombrons dans le domaine délicat des idéologies. Parlant de nazisme ou de khmérisme, on se rend compte que ces idéologies infernales avaient à leurs sources des êtres humains. Des créatures en chair et en os aussi effaçables que leurs œuvres putrides. L’islamisme ne se réclame pas de l’humain. Il se réclame du divin. Cernez la différence et tirez-en les conséquences pratiques tant qu’il n’est pas tard.
J’ai récemment visualisé un entretien avec le Père jésuite Henri Boulad portant entre autres sur les dangers patents du fondamentalisme religieux lorsqu’il se met à la politique. Issu de la vieille bourgeoisie damascène, né à Alexandrie en 1931, observateur privilégié du Printemps arabe et en particulier de la Révolution égyptienne de 2001, c’est en fin connaisseur de l’islam que le Père Boulad ventile par catégories islam, islamisme et politique islamiste.
Le conflit interreligieux dont nous sommes actuellement témoins est en réalité un conflit intrareligieux entre musulmans et islamistes, soit, entre deux facettes contradictoires du Coran. Et il est vrai qu’on ne saurait comparer un Atatürk à un Erdogan ou un Nasser à un Morsi. Pourtant, tout deux étaient de parfaits musulmans. Que se passe-t-il alors ?
Il convient de chercher les raisons de cette régression sociopolitique dans la réécriture théologique des trois principes fondamentaux de l’islam initial.
- Primo, le Coran n’est pas incréé. Cette thèse était celle des mutazilites, adeptes d’une version rationnelle et hellénophile de l’islam applicable à la politique dans son ouverture progressiste.
- Secundo, puisqu’il n’est pas incréé, le Coran peut être repensé, analysé, interprété. Cette possibilité était d’actualité jusqu’au Xème siècle, époque qui a vu la « fermeture de la porte de l’itjihad » suivie d’une soumission totale au littéralisme.
- Tertio, les versets mecquois sont porteurs d’un message essentiellement religieux, mystique et pacifique. Ils seront remplacés par les versets médinois appelant au djihad contre les Infidèles et à l’expansion de l’islam à travers le monde.
En somme, on voit bien que ce seuil critique qui est le Xème siècle est un seuil très relatif puisque l’islam laïc n’a jamais renoncé à l’axe éclairé des textes mecquois. Il y a ainsi scission au sein même de l’islam et celle-ci en est précisément à atteindre son paroxysme. Une photo parfaitement représentative fait le tour des réseaux sociaux. On y voit L’Afghanistan, l’Irak et l’Egypte il y a 30 ou 40 ans et maintenant … Le cas de l’Afghanistan est particulièrement surprenant et démontre à quel point le jeu des manipulations atlantistes peut conduire à la barbarie gratuite, au néant absolu.
Toute religion condamne le mensonge, la duplicité. Or, le principe de « la taqiya » prescrit la duplicité, le leurre, le mensonge le plus plat si les intérêts de l’islam sont en cause. Là encore, il s’agit d’un islam régi par la charia et non de l’islam originel auxquels adhère une immense partie du monde arabo-musulman. Cette duplicité janusienne, n’était-elle pas celle de M. Morsi, présentant son programme comme une alternative réelle au totalitarisme de M. Moubarak ? Résultat : beaucoup d’Egyptiens en sont presque à regretter celui qu’ils étaient sur le point de pendre. L’opposition est encore moins entendue qu’elle ne l’était si bien qu’il ne lui reste plus qu’à poser des ultimatums.
Que ce soit en Irak, en Libye ou en Egypte cette fois, les Frères Musulmans (ou les Salafistes, leur relation étant ce que blanc bonnet est à bonnet blanc) ont démontré leur incapacité totale et incurable à relever les défis de la modernité, à donner une image tant soit peu correcte de leur entité. Pour rappel, l’un des Pères spirituels de la nation Egyptienne qui avait, se souvient le Père Boulad, « le micro tous les vendredis pendant vingt ans » se targuait de n’avoir lu aucun livre depuis quarante ans hormis le Coran. Il s’agissait d’un Frère Musulman. Par conséquent, l’islam (isme) politique découle de l’illettrisme, de l’ignorance la plus obstinée et la plus agressive dans la mesure où elle se réclame du droit transcendant.
Pourquoi s’attendre alors à ce que Morsi en fasse plus que l’évêque Cauchon au début du XVème siècle s’il avait pris la place de Charles VII ? Nos manipulateurs, ceux-là mêmes qui ont ouvert la boîte de Pandore, devraient se dire que l’effet boumerang n’est pas si loin que cela puisse paraître.
Dans les circonstances en présence, il est à espérer que le dilemme égyptien - dilemme qui ressemble de plus en plus à un nœud gordien – symptomatiquement intéressant, voire exemplaire, révèle au monde le véritable visage de l’islam politique et que l’Occident cesse de présenter la réalité de façon abstraite. Car l’islam politique a déjà franchi les frontières belges avec son parti Islam promouvant la charia et que les pays de l’UE n’ont plus aucune immunité spirituelle face à un danger éminent et imminent. Il est grand temps d’ouvrir les yeux.