Sur le lieu de son investiture, le peuple égyptien a adressé au protégé du mouvement Les Frères-musulmans un « carton rouge » politique. Dans les rues du Caire et des dizaines d’autres villes du pays, on voit partout des affiches avec le portrait de Morsi accompagné de mots « À bas ! ». L'opposition a proclamé le 30 juin jour national de la protestation, et a appelé tous les Egyptiens à prendre part aux manifestations.
Ce jour difficile pour Morsi a commencé à la veille, samedi. Dès le soir du 29 juin, sur la place Tahrir, le QG principal de la révolution de 2011, quelques dizaines de milliers de personnes se sont réunies. La canicule règne en ce moment en Egypte, une chaleur infernale, et le pic des manifestations antigouvernementales a lieu le soir, quand la chaleur retombe un peu. Mais à en juger par les milliers et milliers d’Egyptiens qui sortent déjà dans les rues, l’opposition réussira à réunir pour ces manifestations des millions de personnes.
La principale raison du mécontentement des gens réside dans le fait que l'Egypte ne sort toujours pas de la crise économique, dans laquelle le pays se trouve depuis la révolution et à cause d’elle, selon le chef du centre de l'étude du Proche-Orient moderne à Saint-Pétersbourg Goumer Issaev. Mais le malheur de l'Egypte, c’est aussi l’absence d'un leader fort, capable d’unir le peuple.
« Je pense qu’il serait prématuré de parler de guerre civile. Mais la scission a lieu. L’absence de leaders évidents est le facteur central des événements actuels en Egypte. Dans la révolution égyptienne, il n'y avait pas de Khomeiny (l'ayatollah Khomeiny, leader spirituel de la révolution iranienne de 1979). Morsi, lui, n’a pas l’étoffe de ce rôle. L'opposition n'a pas de leaders évidents non plus ».
L'armée égyptienne a fermé entièrement les frontières terrestres du pays la veille du 30 juin, des unités supplémentaires sont transférées sur le Sinaï, où se trouvent des milliers d’extrémistes armés prêts à prendre la défense du pouvoir des islamistes au premier appel. D'après les médias égyptiens, jusqu'à 100 000 moujahids se trouvent déjà dans le pays. On a fermé le tunnel pour le passage des automobiles joignant le continent africain à l'Asie. En réalité, le Sinaï est entièrement coupé des territoires voisins.
Le mouvement Tamarrod (« rébellion » en arabe) est l'initiateur des actions de protestation du 30 juin. Ses représentants affirment avoir déjà réuni 22 millions de signatures pour soutenir de la démission de Morsi.
Les tentatives du chef de l'État d'amorcer le dialogue avec les leaders de l'opposition n'ont rien donné. Des accrochages entre les partisans et les adversaires de Morsi ont eu lieu toute la semaine. Samedi, huit personnes ont péri. Des centaines de personnes ont été blessées.
Les partisans du président - il y en a aussi beaucoup en Egypte - affirment que les accusations portées à l'égard du pouvoir ne sont pas argumentées. Ils trouvent que l'Egypte connait en effet beaucoup de problèmes sociaux et économiques, mais que ces difficultés existaient déjà sous le précédent régime, et que lors des événements révolutionnaires, de nouveaux problèmes s’y sont ajoutés.
Le ministre de la Défense de l'Egypte Abdul Fattah Khalil al-Sissi est intervenu à la télévision et a prévenu le pays que les militaires interviendraient dans le cas où le carnage aurait lieu le 30 juin. L'armée, principal arbitre politique dans le pays, a donné une semaine au gouvernement et à l'opposition pour trouver un compromis sur la sortie de la crise politique intérieure. En cas de déstabilisation ultérieure de la situation, « l'armée protègera l'État et le peuple égyptien », a affirmé Abdul Fattah Khalil al-Sissi. N