La semaine dernière le quotidien chypriote Phileleftheros a publié un scoop: à l'issue de la visite du président chypriote à Saint-Pétersbourg, la Russie et Chypre aurait convenu de permettre à Moscou d'utiliser la base aérienne Andreas Papandreou à Paphos. Si ces informations s'avéraient exactes, il s'agirait d’un grand progrès de la Russie en Méditerranée. Toutefois, les discussions à ce sujet ne datent pas d'hier. Fin mars le gouvernement russe se voyait suggérer le déploiement d’une base militaire russe à Chypre, écrit jeudi le quotidien Argoumenty Nedeli.
Chypre occupe une place stratégique en Méditerranée. L'île abrite déjà deux immenses bases navales britanniques – Akrotiri et Dhekelia – et son emplacement permet à l'Otan de contrôler à partir de ces points d'appui toute la partie est de la Méditerranée. Surtout, l’Alliance peut bloquer la sortie du canal de Suez.
L'aérodrome de Paphos se situe à moins de 30 km à l'ouest de la base Akrotiri et la ville de Limassol se trouve à proximité immédiate de cet avant-poste de l'Otan à Chypre. La Russie a, dès à présent, la possibilité de réapprovisionner ses navires à Limassol. Le tout ressemble à une "pâte feuilletée" de diverses armées car la base britannique Dhekelia se trouve à 70 km à l'est de cette ville. Sans oublier les troupes turques, à proximité immédiate.
La perspective d’une présence militaire accrue de la Russie à Chypre préoccupe donc sérieusement Ankara. Et il y a de quoi: la presse chypriote affirme qu'à Saint-Pétersbourg la Russie aurait promis de soutenir Chypre pour récupérer la ville de Famagouste, occupée par la Turquie. La réaction turque serait forcément négative si une telle opération était lancée. Au printemps déjà, après la publication dans la presse turque des premières fuites disant que Moscou exigeait de Nicosie de lui fournir des bases militaires en échange d’une aide financière, le ministre des Affaires étrangères de la République Turque de Chypre du Nord avait fait une déclaration spéciale pour accuser la Russie de jouer à un jeu dangereux.
Si la décision définitive était finalement prise, la situation ne serait pas très favorable pour l'installation d'une base aérienne russe près de Paphos. Pour éviter le malheur, les pilotes russes devront agir avec une précision chirurgicale sous le nez de l'Otan. D'autant que la base Andreas Papandreou est un aérodrome utilisé à la fois par l'aviation chypriote civile et militaire. Par conséquent, les avions russes ne pourront certainement pas être vraiment séparés des autres. La 450ème escadrille d'hélicoptères de Chypre est actuellement déployée sur cette base. Elle inclut deux sections aériennes dotés de 11 hélicoptères de combat russes Mi-35P et une paire d'hélicoptères d'entraînement et de transport occidentaux.
Certains analystes sont convaincus que les autorités chypriotes mènent un double jeu et donnent sciemment ces informations à la presse locale. Dans quel but? Profiter de la menace militaire russe pour soutirer plus d'argent aux Américains et aux Britanniques dans le contexte de grave crise financière. Il faut dire que cette tactique marche parfois. Ce fut le cas à l'époque de la crise en Islande. Et il y a quelques années le président kirghiz Bakiev s'était trop pris au jeu concernant le retrait de la base américaine de son pays. Mais il a mal fini.