Kissinger se souvient que Deng Xiaoping l’invite un jour au restaurant pour le régaler de son mets préféré : ho-go (rôti mongol : Mongolian hot pot). Les leaders chinois n’invitent que très rarement les hôtes au restaurant. Ce n’est, d’ailleurs, pas une résidence publique mais un simple restaurant où le repas est servi dans une salle à part pour accentuer l’ambiance informelle et amicale dans les relations entre le politicien chinois et son invité étranger.
Double Taste Fiery Pot figure parmi les mets préférés de Deng Xiaoping. Il est préparé dans un pot spécial du poisson pêché dans le fleuve Yanzi : salé, piquant et épicé en même temps.
« Mangez tout : du Nord et du Sud », on attribue ses propos à Deng Xiaoping qui s’intéresse vivement aux cuisines des provinces chinoises. En réalité en plus des plats de pékinois, les mets d’autres cuisines du Nord et du Sud du pays sont inclus dans le menu des banquets d’apparat donnés par Deng Xiaoping. Les cuisiniers racontent qu’il ne dédaigne pas non plus le style gastronomique du Fujian lorsque le goût original des vivres est sauvegardé autant que possible.
Le leader singapourien Lee Kuan Yew se souvient dans ses mémoires d’une rencontre avec Deng Xiaoping en 1978. « Nous terminons les pourparlers et nous nous mettons à déjeuner. Les Chinois servent la célèbre délicatesse : ongles d’ours cuits à l’étouffée à une sauce épaisse. C’est le meilleur plat que j’aie jamais goûté au Grand Palais des peuples. Le cuisinier démontre ainsi sa maîtrise aux invités de Deng Xiaoping, les ours constituant une espèce en disparition en Chine ».
Deng Xiaoping ne se contente pas des cuisines des provinces chinoises. Dès qu’il est jeune, Deng vit et travaille en France : il ne prend parfois qu’un verre de lait avec un croissant. C’est, semble-t-il, depuis ce moment que le politicien chinois s’initie à la gastronomie française, au vin et au fromage. En se rendant un jour de Chine aux Etats-Unis, Deng Xiaoping commande, dit-on, à Paris une centaine de croissants.
Whitney Stewart raconte dans son livre « Deng Xiaoping en Chine en changement »[1] que pendant sa visite aux Etats-Unis en 1979 le leader chinois se rend au restaurant du Texas non loin de Houston. Il lui arrive de manger plusieurs jours avant du veau rôti et du brocoli qu’il n’aime pas mais ayant entendu que Deng préfère une nourriture douce, les Américains décident que la viande de veau tombera bien à propos. L’invité chinois se rassure en se voyant servir au Texas du veau piquant, des côtes, de la charcuterie, des haricots piquants cuits au four, une salade aux pommes de terres et des jalapenos. Ces mets se distinguent des plats de riz, de viande hachée et de légumes que prennent traditionnellement les Chinois mais Deng né au Sichuan, capitale chinoise de la nourriture piquante, les mange avec plaisir.
Les réformes audacieuses de Deng Xiaoping se reflètent dans la vie quotidienne des Chinois qui éprouvent d’immenses difficultés avant les guerres, le Grand Bond et la « révolution culturelle ». « Après de longues années de tickets et de rations alimentaires, la viande apparaît enfin sur la table dans plusieurs maisons », écrit Fuchsia Duanlop, auteur du livre consacré à la cuisine chinoise, en commentant les résultats des réformes de Deng. – Le préjudice irréparable est porté à certains aspects de la culture chinoise mais le pays parvient, néanmoins, à se remettre. La renaissance de la cuisine chinoise et de l’école gastronomique recherchée le confirme. Tout comme il y a des siècles, les Chinois aisés donnent des banquets et se permettent des délicatesses exotiques. Les écrivains et maintenant – les écrivains écrivent des essais gastronomiques et les cuisiniers doués essaient toujours d’étonner leurs clients par leur maîtrise ».
[1] Whitney Stewart, “Deng Xiaoping: Leader in Changing China”