Les pêcheurs confirment d’une seule voix que la brème locale, surnommée la « feuille », s’est épanouie, et a gagné en volume. Elle ressemble à présent à son homologue du Sud, qui peuple les eaux du Don et du Kouban. Des gardons d’une taille inhabituelle sont apparus dans les filets, qu’auparavant on ne voyait que dans les livres du naturaliste du 19ème siècle, Léonid Sabanaev. Dans les étangs, des grenouilles deux fois plus grosses que d’habitude se sont mises à croasser. Et sur les rives de la rivière se promènent des canards à la poitrine roux vif - les tadornes -, arrivé on ne sait d’où. Et ce ne sont que quelques signes des changements en cours. Les plantes et les animaux réagissent assez rapidement aux changements climatiques, explique le coordinateur du programme de sauvegarde de la biodiversité du World Wildlife Fund de Russie (WWF), « La population de certaines espèces change, tout comme leur aire de répartition. La tendance est claire : les espèces nordiques vont encore plus loin vers le nord, et les espèces du sud s’installent à leur place. Dans cinq ans, les bananes et les ananas ne pousseront évidemment pas dans la région de Moscou, mais dans un avenir prévisible les habitats des ours bruns et des ours blancs se recouperont. »
Il est nécessaire de tenir compte du climat, mais dans chaque cas concret il faut prendre en considération tous les liens de cause à effet, estime Alexeï Kokorine, du programme Climat et énergie, qui appelle à la prudence :
« A titre d’exemple, je peux évoquer l’apparition de requins dans la région de Vladivostok, qui a donné lieux à des blessures graves, et même à plusieurs décès. Ce cas a été étudié en profondeur. Il s’est avéré que plusieurs facteurs agissaient en même temps. Les eaux sont devenues plus chaudes, en raison du climat, et de la « fertilisation supplémentaire » de l’océan. C’est-à-dire qu’on a jeté des morceaux de viande pour pêcher des poissons, et cela a attiré les requins. Ces deux facteurs ont joué. Je dois dire que c’est une situation classique. Pour les grenouilles et les moustiques, l’influence du climat paraît centrale, mais il peut y avoir une autre raison. Il est difficile de définir précisément les causes de ces phénomènes. »
Des chercheurs britanniques de l’Université d’York ont examiné l’évolution de l’habitat de 2 000 espèces différentes, allant des algues aux mammifères, durant les quarante dernières années. Leur conclusion est claire : les animaux et les plantes s’éloignent de l’équateur et se dirigent vers les pôles. Leur vitesse moyenne de déplacement est de 17 kilomètres par décennie. Ce mouvement est trois fois plus rapide que ce qui avait été précédemment estimé. Dans un avenir proche, les Moscovites devraient donc assister à l’arrivée d’espèces de plantes ou d’animaux en provenance des régions du sud. Les sujets d’étonnement ne vont pas manquer. T