Les œuvres d’Albert Einstein, de Karl Marx, de Thomas et Heinrich Mann, de Stefan Zweig, de Sigmund Freud et d’autres sont partis en fumée ce jour-là. Le 10 mai est la Journée du Livre en Allemagne.
C’était le début de la censure. D’abord à Berlin, ensuite dans d’autres grandes villes universitaires, le ministère de la Propagande a organisé des autodafés de livres. Les présidents d’université, des professeurs, les auteurs d’ouvrages brûlés et les étudiants étaient obligés d’y assister.
« L’autodafé du 10 mai 1933 place de l’Opéra à Berlin et les autodafés dans d’autres villes allemandes ont donné lieu à des persécutions de personnalités du monde de la culture, que le régime national-socialiste rejetait. Des ouvrages d’auteurs, dont la pensée était jugée contraire à l’idéologie du régime, étaient brûlés. Pour commémorer ces événements, le Moses Mendelssohn Zentrum a décidé de créer un projet intitulé « La Bibliothèque des livres brûlés ». Le centre prépare l’édition des œuvres des auteurs alors partis en cendres le 10 mai 1933 »,explique le docteur Olaf Glöckner du Moses Mendelssohn Zentrum auprès de l’Université de Potsdam.
Après la chute du régime d’Hitler la place de l’Opéra a été rebaptisé place Babel. La triste histoire de cet endroit a été oubliée. Afin de rappeler aux Allemands ce qui s’est passé en 1933, des bénévoles ont préparé une action spéciale, explique l’étudiant Jürgen Breiter, l’un des participants au projet.
« Le but du projet est de préserver la mémoire historique des événements de 1933. Nous avons décidé de mettre un grand nombre de chaises, sur lesquelles seront déposés les ouvrages des auteurs, dont les livres ont été brûlés au printemps 1933. Je pense que cette forme interactive pourrait intéresser les habitants de la ville et les touristes ».
Selon le célèbre écrivain allemand Ulrich Schacht, les jeunes d’aujourd’hui doivent assimiler les leçons de l’histoire afin que les erreurs du passé ne puissent pas se répéter. D’autant plus qu’aujourd’hui, à l’époque de la télévision et d’Internet, le livre devient une chose de plus en plus précieuse, est convaincu Ulrich Schacht.
« Depuis toujours, le livre est pour celui qui l’écrit un moyen de défendre sa position, sa vision du monde. Au moment où l’auteur écrit son livre et où le lecteur le prend pour le lire, il y a un acte de liberté. Internet et les nouveaux médias ne sont pas en mesure d’offrir cette même liberté. Il y a un danger trop grand de manipulations et beaucoup de pseudo-liberté. Alors que le livre vous permet de vous cacher et personne ne pourra intervenir pour changer quoi que ce soit dans le livre. C’est pourquoi la valeur du livre est aujourd’hui plus grande qu’auparavant. C’est-à-dire que la valeur du livre a augmenté à l’époque des communications de masse ».
En 1995 un monument unique en son genre a été installé place Babel. Une plaque de verre est incrustée dans le pavé, permettant de voir une pièce blanche totalement dénudée avec des étagères vides à l’intérieur. Une lumière attire les passants. Cet espace vide sous la terre incarne l’idée de perte. Ceux qui l’ont vu au moins une fois, sont plus attentifs envers le livre. T