Les Européens doivent-ils demander pardon aux Slaves ?

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Tout le monde aime James Bond. Vous pensez bien, le super héros qui couche avec toutes les beautés de la Terre et descend tous ses ennemis sans coup férir.

Tout le monde aime James Bond. Vous pensez bien, le super héros qui couche avec toutes les beautés de la Terre et descend tous ses ennemis sans coup férir. Cependant cette image répond bien aux complexes de la société occidentale qui l’a secrétée. La froideur exquise et exemplaire de Bond qui tue les Russkofs par paquets et dans l’une des séries détruit hautainement les monuments de la ville impériale de la Russie avec un char d’assaut, n’est pas très loin des complexes xénophobes d’un nazi. On s’est beaucoup plaint de la propagande soviétique qui n’est plus de ce monde depuis vingt ans déjà, mais jamais au grand jamais les Russes n’ont eu l’idée de pousser leur haine jusqu’à la profondeur abyssale des enfants qui insultent leur camarade classe en l’appelant « Moscovite ». La Russie respecte et a toujours respecté les étrangers. Et elle a une attitude très positive à l’égard des Européens. Cependant à chaque fois que la Russie essaie de faire un pas en avant, l’Europe recule joyeusement pour éviter tout contact et toute cohabitation durable. L’Union Européenne a en quelque sorte enfanté sa propre splendide isolation des nouvelles cultures du continent.

Depuis des centaines d’années, elle joue à l’érection des murs la coupant de l’Est et crée des mythes sur son rôle exclusif et incontournable. Cependant, le triste sort de la civilisation proche-orientale mise à feu et à sang par les croisés qui en ont profité pour se rassasier des connaissances et de la culture d’une jeune civilisation musulmane, ne prouve que le caractère rapace et insatiable de ceux qui se piquent d’être les gens les plus civilisés du monde. A chaque fois que je regarde les actualités sur les événements au Proche-Orient je me félicite du climat glacial de la Russie et de son éloignement du centre de l’Europe parce que sinon elle risquait bien répéter le destin de ceux qui se sont trouvés sur le chemin des maîtres du continent. Souvenez-vous d’un Moammar Kadhafi ou de Saddam Hussein !

L’un des mythes les plus courants de l’histoire européenne est justement cette peur du déferlement des barbares qui végètent au tréfonds de l’Asie et n’attendent que l’occasion pour égorger les bons vieux rentiers européens en leur sautant dessus. Cet état d’esprit psychologiquement maladif est jalousement maintenu par moult journalistes et autres créateurs dont Pierre Avril du Figaro dans le but d’une propagande des plus dévergondées. On semble dire aux Européens de l’Ouest : « Voyez comment cela se passe ailleurs ! Ils sont si misérables, vos voisins de l’Est : ils ne jouissent pas des biens de notre civilisation atlantiste ! » En fait la vie en Europe Occidentale est loin d’être facile. Vous pouvez vous étonner mais les gens gagnent mieux leur vie de l’autre côté de la barrière invisible qui scinde toujours le continent en deux. C’est vrai que la distribution n’est pas toujours à l’avenant et qu’une partie de la population en pâtit quoique pas de façon tragique. Mais si vous êtes en état de travailler, même à 60 ans vous trouverez preneur et la consommation est supérieure par rapport à celle que l’on voit en Europe. Hormis les choses matérielles, l’Europe est également en pleine dérive spirituelle ce qui envenime encore davantage le climat ambiant.

Pour savoir si l’Europe est malade du vieux démon de la peur d’autrui nous avons décidé de poser la question à deux représentants européens d’origine slave qui sont de plein droit occidentaux par leur lieu de naissance, langue et culture et qui appartiennent à la haute strate de ceux qui ont parfaitement réussi leur vie. Il ne s’agit ni de tarés, ni de nouveaux venus mais des hommes appréciés à leur juste valeur par leur communauté en Suisse et en France.

Donnons d’abord la parole à Dimitri de Kochko, Président de l’Association France-Oural, descendant des Russes blancs de la première vague d’immigration russe du début vingtième siècle et vétéran de l’AFP.

Voix de la Russie. Très souvent les gens raisonnent en fonction des idées reçues et leurs préjugés personnels ce qui empêche bien évidemment le rapprochement culturel entre les pays. Les années de la Guerre Froide enfantèrent une vision manichéenne clivée du monde.

Cette optique fausse l’image et entrave le retour à la norme éternelle. A titre d’exemple, on peut citer la peur des Slaves et des Arabes que l’on rencontre très souvent en Europe. Cela n’est pas sans rappeler l’époque Dreyfus. Avez-vous déjà constaté ce genre de phénomène dans l’exercice de vos activités professionnelles ou vous croyez que ce commentaire n’est pas juste? Si oui, quel est, d’après vous, le moyen d’y remédier ?

Dimitri de Kochko. Comme d’habitude cela dépend énormément des gens, de leurs habitudes culturelles, de la culture qu’ils ont reçue et des fréquentations qu’ils ont pu avoir. Evidemment la Guerre froide a laissé des traces mais la lutte géopolitique et l’influence que peuvent avoir les forces qui sont assez importantes qui ne veulent pas voir l’Europe s’unir avec la Russie, ont tendance effectivement à encourager toutes sortes d’idées reçues, notamment sur les aspects effectivement, je dirais, moins slaves que le vieux côté Asie et Gaule, etc. Ce sont de purs réflexes, vous le savez, dont les Russes ont quelquefois joué d’ailleurs en essayant de faire peur un peu aux Occidentaux. Vous vous rappelez peut-être que même Lénine et Trotski en ont joué contre les gouvernements d’Europe Occidentale parce qu’ils avaient des contradictions avec eux mais cela marchait assez bien dans l’opinion publique qui avait encore cette vieille peur des Huns ou d’Attila qui faisait ses beefsteaks avec sa selle de cheval, etc. Dons ces préjugés sont très anciens. Pour ce qui est des Slaves, peut-être pas la haine mais je me suis heurté un jour à une réticence par rapport à des Slaves. Cela a été le cas par rapport à la Russie et d’autres pays slaves. J’ai entendu clairement : « Non, on ne va pas nommer des Slaves ! » Cela ne concernait pas que les Russes mais aussi d’autres Slaves. Oui, cela peut exister. Maintenant ce n’est pas quelque chose de systématique. Les Français sont des gens plutôt tolérants et ouverts aux cultures du monde. Par rapport aux Arabes, il est évident que là on se heurte à un problème plus social que l’immigration. Et ceux qui sont concernés sont les Arabes du Maghreb. Pour ce qui est des Arabes du Machrek, ils sont eux aussi assez souvent confondus avec l’islam et notamment avec les formes radicales de l’islamisme.

Slobodan Despot, lui, est suisse et propriétaire de la maison d’éditions « Xénia ». D’origine serbe, il vit à Genève mais a gardé le lien avec la patrie de ses ancêtres.

Slobodan Despot. Je l’ai constaté, bien entendu parce que ces problèmes-là, ce que vous appelez la slavophobie a en partie déterminé ma carrière et mon travail. Parce que j’ai observé de manière très évidente un moment où a éclaté la guerre dans mon pays d’origine, ex-Yougoslavie, et aussi le moment où s’est effondrée la puissance soviétique. La slavophobie a une histoire. Cela ne date pas d’hier. Il y a même un très bon livre qui est écrit par votre mathématicien Igor Sfarevich sur la russophobie : c’est une constante ! On l’observe depuis très longtemps mais là elle a éclaté avec une violence particulière dans la mesure où tout d’un coup les Slaves sont devenus en quelque sorte inoffensifs en se transformant en boucs émissaires.

Pour ce qui est de la slavophobie antiserbe, je peux vous dire qu’il est extrêmement fort et que je l’ai éprouvé au quotidien dans la vie et que bien de compatriotes expatriés vivant en Europe de l’Ouest ont changé leurs noms en leur faisant perdre la consonance slave pour pouvoir continuer de vivre et de travailler. Je connais des cas que je peux citer.

Donc c’est un fait qu’il y a un vieux fond de ressentiment et des préjugés contre Slaves. C’est un fait qui n’est pas discutable. Maintenant comment y remédier ? Je crois que c’est un sentiment qui est nourri évidemment par des préjugés qui dans l’Occident je pense remontent très-très haut et loin. Je dirais même qu’ils remontent au Grand Schisme des églises de l’Orient et de l’Occident. Mais c’est un sentiment qui est également suscité par les peuples eux-mêmes ; par une attitude qui est souvent obséquieuse, servile vis-à-vis des Occidentaux. Par quelquefois une arrogance qui est à ce moment-là son contraire. Nous n’avons pas une confiance en nous-mêmes qui nous permettrait d’avoir une attitude équilibrée et digne et respectable lorsque nous sommes en discussion et entons en relations avec le monde occidental.

Comment y remédier ? Rétablir sa confiance et son respect de soi, d’un côté, et puis d’autre côté, poursuivre une école culturelle parce que nous avons un héritage immense pour faire connaître notre histoire, nos valeurs et notre héritage. Je pense que si les Occidentaux savait quel est le trésor de la tradition culturelle, musicale et picturale que recèle la Russie et d’autres pays slaves. »

Si notre perception est bonne, les Occidentaux ont tort d’avoir peur des Slaves qui en fait ne les ont jamais ni envahi. En plus, c’est justement les pays slaves qui devaient subir la présence d’un voisin tumultueux et déséquilibré qui cherchait à tout bout de champ de les manipuler pour défendre les intérêts respectifs d’un tel ou tel état européen, ou les calomnier en les faisant passer pour des barbares écervelés. L’Europe a su surmonter le pêché de la judophobie en reconnaissant les torts causés à la population juive. Certains dirigeants européens ont même demandé pardon aux représentants des pays arabes pour les croisades. Je crois que la même mise en abîme avec la compréhension du tort psychologique causés’impose à l’égard des pays slaves. Et ce sera peut-être la voie du salut pour la vieille Europe.

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