Le 24 mars, j’étais à Pristina. Et à 20 h, quand l’aviation a commencé à bombarder le Kosovo, j’étais dans la rue. A ce moment-là, un premier missile s’est dirigé vers la base militaire de Pristina. Les bombardements ont détruit l’aérodrome ‘Staline’. Nous ne savons pas depuis lors quels armements ont été utilisés contre nous. Cette information n’est diffusée nulle part, et à Bruxelles, personne ne dit rien à ce sujet. Le commandement américain s’est bien tenu alors d’informer la communauté internationale sur les tomahawks, les bombes à implosion et à fragmentation, qu’ils ont largué pendant près de trois mois sur la tête de la population locale, mais aussi sur le complexe industriel et stratégique.
Pourquoi depuis lors, les Américains cachent-ils que des armes prohibées ont été utilisées durant la guerre contre la Serbie et le Monténégro ?
Je sais pour sûr que durant cette guerre, ils ont utilisé des bombes à l’uranium appauvri. Ces armes étaient utilisées en complément des avions A10. Des bombes d’un poids moyen de 210 grammes étaient employées contre les véhicules blindés. Au Kosovo, des bombes à sous-munitions ont été utilisées sans discontinuer. Ces bombes ont touché de plein fouet les forces vives du pays. Aucune arme chimique n’a été directement utilisée. Mais l’OTAN a délibérément détruit les sous-stations de transformation qui contenaient beaucoup de pérylène. Il s’agit d'un produit chimique interdit, qui est reconnu par l’Union Européenne. Du pérylène a été trouvé dans le sol et dans l’eau après les bombardements de l’OTAN. Cela a causé d’énormes dommages écologiques au pays.
Quatorze ans se sont écoulés depuis l’agression de l’OTAN. Existe-t-il des preuves d’une augmentation de la mortalité et du nombre d’affections en Serbie après l’opération Ange de Paix ?
Au Kosovo, le pourcentage d’enfants atteints de cancer a explosé. Puis, il y a eu des soldats italiens et américains qui ont été atteints de maladies dites « inconnues ». Tous ces soldats ont été immédiatement rapatriés. Pour autant que je sache, il y a eu un procès aux États-Unis sur cette question. Un groupe de la KFOR a poursuivi le gouvernement américain devant la justice. Certains ont dit que si le gouvernement perdait ce procès, les autorités n’auraient pas assez d’argent pour compenser les dommages physiques subis par les soldats. Mais ensuite cette affaire a été enterrée, les parties sont parvenues à un accord à l’amiable, et tout a été oublié pour le meilleur... Nos soldats et officiers qui se sont battus sur la base militaire de Pristina sont morts de cancers du sang, de cancers des poumons, ou de cancers du cerveau, quelques années après les bombardements. Dans la ville d’Aleksinac, c’est la population qui a été le plus touchée. Les bombardements y ont ciblé tout particulièrement les civils. Le pourcentage de cancers du cerveau y a augmenté de façon substantielle. Malheureusement, aucune analyse concrète de la situation ou statistique médicale n’est disponible en Serbie. Le cynisme de l’ancien secrétaire général de l’OTAN, George Robertson, s’est tout particulièrement fait sentir lorsqu’il a répondu à un journaliste serbe l’interrogeant sur la probabilité de voir la Serbie déposer une plainte contre l’OTAN au tribunal de La Haye : « Mais vous n’avez aucune preuve médicale prouvant que ces maladies ont commencé après nos opérations en Serbie. » Je peux sans difficulté confirmer que des munitions à l'uranium appauvri ont été utilisées au Kosovo. J’ai personnellement assisté aux bombardements de civils et à la destruction de diverses infrastructures dans lesquelles se trouvaient de dangereux produits chimiques. Face aux déclarations de la direction de l’Alliance Atlantique selon lesquelles rien d’illégal n’a été fait en Serbie, et qu’aucune arme chimique n’y a été utilisée, je ne peux dire qu’une chose : ce sont des mensonges.
Aux États-Unis, certains ont essayé d’informer l’opinion sur ce qui s’est réellement passé dans les Balkans au printemps 1999 ?
Après l’agression de l’OTAN, le Congrès américain a mis en place une commission spéciale en charge de l’étude des dommages écologiques provoqués par les bombardements en Serbie. Ces documents ont indiqué que les villes les plus polluées étaient Pancevo, Novi Sad, Belgrade et Kragujevac. Cependant, il a été rapporté que le Pentagone ne souhaitait pas communiquer au Congrès toutes les informations nécessaires à ce sujet. Cela signifie que la situation était encore plus dramatique que ce que nous pensions. La ville de Pancevo, où de l’azote était produite, a été bombardée en permanence. Et dans cette ville, longtemps après la guerre, sont tombées des précipitations acides. A Kragujevac, qui est le centre du complexe militaro-industriel serbe, les dommages sur l’environnement sont particulièrement visibles. Dans la ville de Vranje, près de la Macédoine, après les bombardements, l’eau a été contaminée. /L