Le manque de qualification des bureaucrates russes et la conjoncture politique font obstacle à l'adaptation de l'économie russe aux normes de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), écrit mardi le quotidien Vedomosti. La rhétorique politique "patriotique" fait de l'OMC un mal – une thèse développée notamment par les lobbyistes industriels russes qui demandent au gouvernement une "protection" contre l’organisation.
Par ailleurs, les outils de l'OMC permettant de protéger l’industrie ne sont pratiquement pas utilisés en raison du manque d'informations et d'une règlementation interne appropriée.
Selon la Chambre des comptes, six mois après son adhésion à l'OMC la Russie est loin d'avoir tenu ses engagements. Les actes législatifs permettant l'établissement d'une représentation permanente de l'OMC en Russie n'ont pas été adoptés et le financement de la représentation permanente n'est pas prévu dans le budget russe de 2013, 2014 et 2015. On ignore comment sera financée la protection juridique des intérêts russes auprès de l'organisme des litiges commerciaux. Les autorités régionales se plaignent du manque d'actes normatifs, de recommandations méthodiques et de coordination avec les autorités fédérales sur le travail dans le cadre de l'OMC.
Toutefois, comme le remarquent les auditeurs, les autorités fédérales travaillent activement pour adapter l'économie aux conditions de l'OMC mais elles n'arrivent pas à tenir tous les délais. La Russie pourrait davantage soutenir ses exportations et son agriculture.
Le président de Sberbank Guerman Gref a déclaré en janvier que les ministres russes n'avaient pas lu les documents sur l'OMC et ignoraient les règles de l'organisation. Le directeur général de l'OMC Pascal Lamy a récemment déclaré qu'il était fatigué qu’on lui demande si la Russie tiendra ses engagements et ce qui se produirait si elle ne le faisait pas.
Toutefois, il reconnaît que d'autres pays qui ont récemment adhéré à l'OMC posent également cette question. Le directeur du département des négociations commerciales du ministère du Développement économique, Maxim Medvedkov, pense également que des problèmes pourraient survenir : dans tous les pays qui ont adhéré à l'organisation, les entreprises ont cherché à mettre tous leurs problèmes sur le dos de l'OMC. Il existe bien certains problèmes en Russie, notamment les délais d'adoption des actes législatifs, mais ils sont en cours d'adoption et les outils qui permettent de réglementer les importations existent déjà. Les programmes d'adaptation, de formation du personnel et les activités informationnelles sont menés en régions et tous ceux qui le souhaitent peuvent accéder à toutes les informations. Il n'existe pas encore de représentation permanente en Russie mais un groupe de travail qui représente les intérêts du pays à l'OMC siège à Genève.
Apparemment, tout le monde est loin de vouloir savoir comment fonctionne l'OMC. La bonne vieille habitude russe de compenser l'imperfection des lois par leur inapplication se manifeste une fois de plus : il semble plus facile de demander au gouvernement de protéger le producteur national en déclin plutôt que de perdre du temps à apprendre les nouvelles règles et se préparer à la défense laborieuse de ses intérêts dans des litiges commerciaux officiels. L'instauration d'une taxe de recyclage ou les déclarations officielles des dirigeants disant que l'agriculture est plus importante que les engagements dans le cadre de l'OMC montrent que cette adhésion n'a pas encore changé grand-chose dans le comportement et l’esprit des hauts fonctionnaires russes.
A leurs yeux, un coup de pub politique immédiat mettant leurs problèmes sur le dos des facteurs extérieurs est plus habituel et plus simple que l'étude des 470 000 pages des règles de l'OMC.