Le crash de Smolensk est devenu une sorte de réligion, sur les ruines duquel une véritable « église de Smolensk » est née avec beaucoup d'adeptes. C’est le frère du président défunt président qui en donne le ton avec des expressions et des mots comme « tombé à l'aube », « mort », « tentative » et « martyrs ». Par ailleurs, des liens commencent à se créer entre les victimes du crash et les officiers polonais tués par NKVD à Katyn. A cette campagne politique s’ajoutent certains hiérarchies de l’église catholique et les médias de droite. Le gouvernement se défend en blâmant la propagande agressive du parti Prawo i Sprawiedliwość (Droit et Justice) (PiS).
Trois ans après la catastrophe, la moitié des polonais sondés ne savent pas si une commission d’Etat a enquêté sur cet accident et que tous les spécialistes ont exclu la possibilité d’attentat contre le président polonais, reconnaissant que l’avion est tombé à cause d’une erreur humaine. Les médias de droite n’acceptent pas cette explication en disant qu’elle est fausse, partiale et construite sur des fausses preuves. Ils ont été convaincus du complot par Antoni Macierewicz. Sa version fictive évoque non seulement l'assassinat du président polonais. Au départ il évoquait même un brouillard artificiel et des soi-disant preuves que les blessés étaient frappés jusqu’à la mort. Ensuite, on l’entendait parler d’une bombe, et enfin, il a évoqué plusieurs explosions.
Les hommes politiques ont aidé à développer cette version erronée des faits près de Smolensk, car dans l’enquête, il y avait des erreurs. Notamment en ce qui concerne la reconnaissance des corps. Le Comité intergouvernemental d’aviation a insisté sur le fait que la partie russe n’est pas responsable de l’accident. Cependant, les contrôleurs aériens de l'aéroport de Smolensk ont seulement « conseillé de ne pas atterrir » à l’avion présidentiel, alors que dans de telles conditions météorologiques l’atterrissage est complètement interdit. Les contrôleurs aériens ont laissé le choix aux pilotes au lieu d’agir selon des procédures. Mais même s’ils avaient interdit l’atterrissage, ils seraient de toute façon accusés par les autorités polonaises, mais elles seraient certainement moins émotionnelles.
Quoi qu’on dise aujourd’hui des erreurs commises par la partie russe, ce ne sont pas des arguments qui pourraient déterminer les causes de l’accident. Ce vol ne devait pas avoir lieu, disent les experts. Elle a été incluse dans le calendrier des événements pour marquer l'anniversaire du massacre de Katyn uniquement à des fins électorales.
En espérant d’être réélu, le président Lech Kaczynski ne pouvait accepter que le premier-ministre Donald Tusk a vénéré la mémoire des officiers décédés à Katyn, et lui, un grand patriote, ne l’ait pas fait. Et pour réaliser son souhait, toutes les règles d’une visite officielle à l’étranger ont été bafouées. Personne ne se souciait de la météo, et l’équipage a été choisi à la hâte, n’ayant pas d’expérience suffisante pour gérer le genre de situations qui s’est produit au-dessus de Smolensk. En outre, cet équipage a commis beaucoup de fautes, se trouvant sous la pression des personnes extérieures qui pouvaient entrer dans le cockpit, alors qu’ils n’en ont pas le droit.
Le frère de l’ancien président et son entourage ne prennent pas en compte toutes ces circonstances de l’accident. Ils ont leur propre version : le président Kaczynski a été tué dans une attaque perpétrée par des russes, et éternels ennemis de la liberté et de l'indépendance de la Pologne. Et ils l’ont fait, comme toujours, en ayant recours aux services des « traîtres polonais ». C’était une vengeance pour l’ordre donné par Kaczynski « d’avoir bloqué les chars russes qui se dirigeaient sur Tbilissi ». C’est ainsi, qu’un politicien médiocre et un président faible se transforme en héros qui a donné sa vie pour la «protection des valeurs nationales ».
Ce n’est que maintenant que le gouvernement polonais crée un groupe spécial qui aura pour mission de réfuter publiquement tous les arguments stupides avancés par PiS concernant la catastrophe. Peut-être qu’il est trop tard. Jaroslaw Kaczynski a consciemment réveillé les démons, car il a hâte de revenir au pouvoir. Ses arguments sont politiques, et cela n’a rien à avoir avec la sympathie pour les victimes, le deuil de son frère, ou la recherche de la vérité. Il n'a pas besoin d'une vérité objective, il en a une qui lui est propre. C’est de la vengeance.