Tout a commencé par un acte de banal vandalisme. Des adolescents coptes ont dessiné une croix gammée sur le mur d’un institut religieux musulman. Les musulmans locaux se sont déclarés offensés par cette « provocation ».
La foule a ensuite pillé et incendié des maisons coptes. L'incident paraissait clos.
Les pillages se sont arrêtés. Mais l'atmosphère dans le pays est tellement tendue qu'une étincelle suffit pour que tout explose. Cette tension a été provoquée par les prises de position des Frères musulmans. Non pas qu’ils soient intolérants envers les chrétiens, mais à leur avis l'unique loi acceptable est la chariah et tous ceux qui pensent autrement deviennent automatiquement leurs ennemis.
Les chrétiens locaux conviennent parfaitement pour ce rôle. Les Coptes s'en sont rendu compte. Jusqu'à ces derniers temps ils constituaient quelque 10 % de la population de l'Egypte. Mais deux ans après le renversement du régime autoritaire mais laïque de Moubarak plusieurs centaines de milliers d'entre eux ont abandonné le pays. Ils vont aux Etats-Unis et en Australie, où les communautés coptes comptent des milliers de personnes, mais aussi en Russie.
En Egypte des périodes de montée d'intolérance religieuse ont été enregistrées bien avant le début du « printemps arabe ». Des conflits entre musulmans et chrétiens ont eu lieu à la fin des années 1970 et à l'époque de Hosni Moubarak. Entre 1981 et 1985 le patriarche Chenouda III a été assigné à résidence dans un monastère par le président Anouar el-Sadate. Dans les années 1990 les attaques de groupes armés islamistes contre les Coptes ont cessé d'être des événements exceptionnels. C'est pourquoi il est inexact de lier les persécutions contre les chrétiens au « printemps arabe ».
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« Je ne pense pas que la montée de la violence contre les chrétiens ait été programmée par le « printemps arabe ». Je tiens à rappeler que le « printemps arabe » a commencé sous les slogans de lutte contre les régimes dictatoriaux corrompus et pour un Etat vraiment démocratique. Au début du « printemps arabe » il n'y avait pas de slogans religieux. A présent nous constatons des affrontements interconfessionnels. Mais ce qui se passe au Proche-Orient ne peut pas être qualifié de guerre de religions. Les forces islamistes radicales opèrent actuellement partout »,écrit Boris Dolgov, chercheur au Centre d'études arabes de l'Institut d'orientalisme.
Ajdar Kourtov, expert de l'Institut d’études stratégiques de Russie ne voit pas de raisons de paniquer :
« Les relations entre l'islam et le christianisme durent depuis de nombreux siècles. De ce fait, l'exemple du « printemps arabe » n'est pas unique. Il y a eu des heurts, des guerres religieuses entre ces deux grandes religions mondiales. Mais il y a eu aussi des périodes de coexistence pacifique. Je ne pense pas que les révolutionnaires arrivés au pouvoir suite au « printemps arabe » veuillent déclencher un conflit interconfessionnel. Ils se fixent un objectif différent : établir une forme de gouvernement à leur avis la plus équitable. Des excès sont alors inévitables. En Egypte les Frères musulmans ne sont pas en mesure de remplir leurs promesses socio-économiques. Lorsqu'une telle incapacité devient évidente pour les larges masses, on commence à chercher un ennemi intérieur. Les gens professant une autre religion conviennent très bien pour ce rôle. Cela explique parfaitement les causes des événements en cours en Egypte ».
En d'autres termes, les événements en Egypte relèvent de la politique et non pas de la religion. Mais à une certaine étape toute politique recourt à des symboles sacrés. Les Frères musulmans luttent pour le pouvoir. Tôt ou tard cette guerre devait être proclamée sainte. Dans le cas contraire le pouvoir pouvait échapper aux Frères Musulmans.
Nous observons des situations semblables pratiquement dans tous les pays touchés par le « printemps arabe ». Ajdar Kourtov poursuit :
« Strictement parlant, les événements en Egypte, en Libye, en Tunisie, en Syrie, au Koweït et au Yémen diffèrent sensiblement. Parfois nous avons affaire à des conflits rappelant les guerres religieuses. Mais cela ne concerne pas l'Egypte, la Tunisie ou la Libye. Cela concerne dans une plus grande mesure la Syrie. Dans ce pays les sunnites tentent de renverser les hommes politiques alaouites, proches de la branche chiite de l'islam. Mais il ne faut pas généraliser. En gros, il ne peut pas être question de guerres religieuses au Proche-Orient ».
Le problème tient peut-être au fait que le terme de « guerre religieuse » est considéré comme un anachronisme par l'opinion publique de l'Occident. De nos jours celle-ci estime que la religion n'a pas de place dans la vie laïque et que la guerre ne comporte pas d'aspects religieux. Pourtant ce n'est que l'opinion d’une frange de la population. Une autre partie parle sans ambages du djihad comme d'une réaction naturelle aux nouveaux « croisés » dressés contre les « enfants du Prophète ». Il apparaît que les problèmes des Coptes en Egypte sont le résultat d'un conflit entre deux conceptions qui couvait depuis des siècles, mais qui explose aux moments d'instabilité générale. T