La Chine puissance arctique ?

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Il y a tout juste un an, le 14 mars 2012, un Congrès a été convoqué à Londres pour débattre de l’avenir de la région polaire.

Il y a tout juste un an, le 14 mars 2012, un Congrès a été convoqué à Londres pour débattre de l’avenir de la région polaire. A la même époque on a assisté à des manœuvres de la marine de l’OTAN qui, selon nos experts, n’étaient qu’un « exercice banal » !

Un an plus tard, on se retrouve toujours à la case départ avec les Russes qui plaident leur cause d’agrandissement de la zone aquatique le long de leur littoral et jusqu’au Pôle Nord. Ils présentent à l’appui un dossier volumineux avec les carottes minéralogiques des fonds de l’Océan Arctique. Ce qui déplaît beaucoup au Canada qui entend réviser les limites de sa zone exclusive à sa guise. La Russie continue de sponsoriser à un rythme effréné la construction des nouveaux brise-glaces à propulsion nucléaire dont plusieurs unités d’un type révolutionnaire. Nous avons également mentionné à plusieurs reprises la constitution, d’une nouvelle force d’action rapide, la Brigade Polaire, mise en place par Moscou. Ce qui prouve, de façon incontestable, que les pays dont la ligne côtière jouxte l’océan le plus froid de la planète Terre, entendent tourner le dos au Sud pour faire commerce à l’intérieur de ces eaux qui se dégèlent de plus en plus rendant accessibles les richesses du sous-sol polaire. Les ours blancs en pâtiront à coup sûr mais les intérêts militaires et économiques l’emportent comme toujours sur le côté esthétique et moral, cher au cœur du feu commandant Cousteau.

Philippe Migault, expert militaire de l’IRIS, avec lequel j’aime bien croiser le fer sur nos ondes, m’a donné son avis sur le dossier épineux des Chinois qui voudraient se joindre à la Suisse Polaire, comme on appelle souvent la communauté fermée des Etats du Grand Nord. Ecoutons donc la prise de position de notre ami :

VDLR. Que pensez-vous du rôle que la Chine pourrait jouer dans la région arctique. Est-ce que les Russes pourraient faire union avec les Chinois pour l’exploitation des richesses polaires ?

Philippe Migault. Pour moi, les choses sont simples : il suffit de regarder la géographie. La Chine n’est pas une puissa nce arctique de par la position de son littoral, tout simplement ! Ensuite que la Chine soit amenée à faire des investissements en Arctique avec des partenaires russes pour l’exploitation des champs gaziers et pétroliers, c’est quelque chose qui me semble tout à fait envisageable ! Pour autant l’idée que la Chine puisse avoir voix au chapitre en Arctique, est quelque chose de totalement farfelu ! De par sa position géographique, comme je le disais, mais aussi parce qu’elle n’en a pas les moyens techniques. Elle n’a pas la flotte qu’il faut pour ça ! Je sais très bien que les Chinois ont dit récemment qu’ils lançaient de nouveaux brise-glaces… Mais quand on compare les brise-glaces chinois et les brise-glaces russes, il y en a qui sont à propulsion nucléaire – les russes – et d’autres non, les chinois, ce qui déjà limite sensiblement leur économie, la puissance et la capacité d’action en Arctique.

Donc je pense qu’il y a beaucoup d’agitation côté chinois parce que la Chine a la volonté de se comporter en puissance mondiale quelle que soit la zone géographique. Mais dans les faits la Chine n’a pas les moyens de peser en Arctique.

VDLR. Comme quoi il faut se donner les moyens de ses ambitions. Pour ce qui est de la France qui a le statut d’observateur auprès du Conseil Arctique tout comme au sein du Conseil Euro-Arctique Barents, croyez-vous qu’elle aurait un rôle à jouer dans cette région ?

Philippe Migault. Je pense que la France est déjà présente en Arctique en partenariat avec la Russie sur des projets comme Yamal et d’autres projets de prospection gazière et pétrolière. La France en Arctique c’est la même réponse que pour la Chine : nous n’avons rien à faire en Arctique. Très clairement les richesses de l’Arctique appartiennent aux puissances arctiques. Si elles nous invitent à les exploiter avec elles, tant mieux ! Sinon je vois très mal la France réclamer sa part du gâteau dans une région où nous n’avons rien à faire ! »

Bravo pour une opinion bien équilibrée exprimée par Philippe Migault à qui on tire notre chapeau. Cependant il est à noter que quelques éléments n’ont pas été pris en compte lors de notre entretien avec le collègue de l’IRIS. Je fais allusion à la grande Voie arctique dont on ne parle jamais assez. Cette voie-là permet de véhiculer rapidement les marchandises de l’Europe en Asie et vice-versa. Avec le dégel planétaire qui va bon train, cette « autoroute aquatique » permet de gagner du temps et de l’argent parce que plus courte et moins dangereuse que le Suez et le Malacca. Avec l’apparition d’une nouvelle génération des brise-glaces russes, la voie peut être empruntée maintenant à plein temps sans arrêt pour la saison hivernale. A l’heure qu’il est, nous ne sommes pas à même de présager la disparition de la banquise éternelle ce qui faciliterait évidemment la communication entre le Canada, les Etats-Unis et la Russie, mais les vols ont déjà commencé. Le gain est tel que les compagnies aériennes semblent oublier l’inconfort de la navigation dans les zones à forte perturbation magnétique. Je suis prêt à avancer que le développement de la région peut représenter un autre atout majeur pour le marché de travail européen. Je ne suis pas sans oublier le grand essor russe dela région de Mourmansk. La Finlande et la Norvège se portent, elles aussi, très bien malgré la nuit polaire et les froids mythiques du Grand Nord. Les Russes sont nombreux à venir se reposer en Finlande ce qui est assez amusant comme si la neige leur manquait chez eux pour venir chez les voisins. Quoi qu’il en soit le tourisme est aussi un argument pesant à mettre dans l’escarcelle. La dernière donne dont il faut tenir compte est la nourriture. Le Grand Nord représente un stock naturel de poissons et de crustacés, sous-développée comme branche d’industrie alimentaire. Autant d’arguments pour comprendre que la région arctique recèle encore beaucoup d’avantages pour la communauté de pays limitrophes.

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