Mikhaïl Fikhtegolts trouve le temps d’écrire des billets d’humeur dans un magazine moscovite, diriger le département de programmation du théâtre Bolchoï et donner des cours à la philharmonie de Moscou. Il travaille beaucoup, mais ce n’est pas au détriment de la qualité.
« Le producteur – c’est quelqu’un qui invente et réalise un projet donné. Cela va du projet aux démarches concrètes. Il faut réfléchir aux détails comme le budget publicitaire, le choix des solistes, l’invitation du chef d’orchestre, la signature des contrats, mais aussi l’obtention des visas et l’achat de l’eau pour les artistes dans le vestiaire », raconte MikhaÏl Fikhtengolts.
Un producteur musical - c’est une notion qui s’applique difficilement à la musique classique et une profession récente en Russie. Plusieurs agences se partagent ce marché et ils sont tous liés avec les noms des artistes et des musiciens célèbres. Quant aux producteurs qui travaillent seuls, ils ne sont pas très nombreux. Michaïl Fikhtengolts a choisi l’opéra comme son domaine de prédilection.
« J’aime la façon dont sonne la voix humaine depuis l’enfance », poursuit-il. « Il y a quelque chose de mystérieux et de mystique là-dedans. Chacun garde en lui un instrument que personne ne voit. Mais le son de la voix humaine - c'est un peu comme un miracle pour moi. Ces voix peuvent être si belles, si vertueuses, qu’elles nous font ressentir toute une gamme d'émotions. J'ai gardé une attitude infantile par rapport à cela et je suis content que cela n’ait pas changé. Si jamais je m'ennuie ou ce travail devient une habitude, il va falloir chercher un autre travail ».
Fikhtengolts a choisi une voie difficile. Pour les concerts, il opte rarement pour des chefs-d'œuvre de l'opéra classique. Il n’y a pas longtemps, l’opéra Hercules d'Haendel a été joué à Moscou. Il s’agit d’une première russe avec un retard de plus de deux siècles et demi. Pour le concert, des artistes de renom de différents pays ont afflué à Moscou, y compris le chef d'orchestre britannique Christopher Mulds et la mezzo-soprano suédoise Ann Hallenberg. Réunir cette composition de vedettes dans un concert n’était pas une tâche facile. Il fallait faire jouer les relations, mais aussi la capacité d’intéresser et de convaincre.
« Il faut prendre en compte la spécificité des gens créatifs », ajoute Fikhtengolts. « Si le chanteur arrive un lundi, je ne vais pas programmer la répétition pour le lendemain à 11 heures. Si ce chanteur arrive de Paris, il sera fatigué par le décalage horaire. Et en plus, demander à un chanteur de chanter devant un orchestre à 11 heures du matin – c’est impitoyable. Si l’on fait subir aux musiciens ce rythme lors des répétitions, ils seront épuisés avant le concert ».
De bons concerts suscitent toujours l’intérêt chez les amateurs de musique classique. Fikhtengolts ne se plaint pas des salles vides, mais il est préoccupé par un autre aspect de son public. Les amateurs modernes de la musique classique sont un public différent par rapport à autrefois. Mikhaïl blâme son public pour le manque de concentration.
« C’est un mythe – que le public russe s’intéresse massivement à la musique classique », conclut-il. « La musique classique et le ballet nécessitent une certaine concentration et des efforts intellectuels que les gens n’arrivent plus à faire. Cela est valable autant pour le public de Saint-Pétersbourg que celui de Moscou ». /L