La guerre au Mali, empêchera-t-elle le narcotrafic en Europe ?

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La plupart des Français et plusieurs autotouristes étrangers voyageant à travers la France connaissent l’autoroute bien aménagée « А-10 » entre Paris et Marseille. Cependant, seuls ceux qui luttent contre le narcotrafic et la toxicomanie, écrit Alexei Grigoriev, connaissent une autre route A-10.

La plupart des Français et plusieurs autotouristes étrangers voyageant à travers la France connaissent l’autoroute bien aménagée « А-10 » entre Paris et Marseille. Cependant, seuls ceux qui luttent contre le narcotrafic et la toxicomanie, écrit Alexei Grigoriev, connaissent une autre route A-10. Les services spéciaux appellent ainsi l’autoroute au sens unique le long du dixième parallèle de la latitude Nord entre l’Amérique du Sud et l’Afrique de l’Ouest. La cocaïne sud-américaine destinée aux marchés européens est à peu près l’unique cargaison transportée par voie aérienne et maritime suivant cet itinéraire. L’Afrique de l’Ouest est devenue une zone de transit et les Africains – les narcocourriers. Les quantités de cocaïne transitées via les pays de la région frappent l’imagination. Selon le compte rendu 2009 de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, près de 250 tonnes de cocaïne ont été transitées suivant cet itinéraire. Les services antidrogue parviennent à intercepter une partie du stupéfiant, le reste est livré plus loin. Ainsi, le procès judiciaire contre huit citoyens vénézuéliens, néerlandais, mexicains et nigérians accusés d’importation d’un lot de cocaïne évalué à plus d’un milliard de dollars (734 millions d’euros) s’est terminé récemment dans la capitale de la Gambie. Les policiers gambiens ont découvert 85 sachets de cocaïne pesant au total 2,1 tonnes grâce aux données fournies par leurs collègues britanniques dans une cachette souterraine près du village Bonto. Selon l’enquête, les cargaisons auraient dû être transitées au marché européen. Il a été établi, en outre, que le chef de la police locale, le ministre de la pisciculture et les collaborateurs de l’Agence nationale pour la lutte antidrogue aidaient pas du tout gratuitement, bien sûr, les trafiquants de stupéfiants. Le président de Gambie Yahya Jammeh a dit, en particulier, à ce sujet à la télévision nationale : « Pour les criminels, je suis pour la tolérance zéro. Pour la drogue, pour la tolérance double zéro ». Les narcocourriers ont été condamnés à 50 ans de réclusion chacun. Or, le châtiment dur n’arrête pas ceux qui veulent gagner de l’argent, d’autant plus lorsqu’il n’y a pas d’autre travail.

Bref, les pays du golfe de Guinée ouvrent aujourd’hui la porte au narcotrafic transatlantique. L’étape suivante passe à travers les pays du Sahel –Sahara n’ayant pas de sortie vers la mer. Ensuite c’est le tour du Maghreb où s’est formée après l’écroulement du régime Kadhafi l’immense brèche non protégée : la Libye. Et enfin – la Méditerranée, le littoral européen d’où la cocaïne est disséminée partout en Europe y compris en Russie. Selon Alain Rodier, directeur de recherches au Centre français de recherches sur le renseignement, dix pour cent de la cocaïne consommée en Europe sont livrés à travers l’Afrique. Cet ancien officier de renseignement ajoute que les révolutions arabes en Tunisie et en Libye, puis le conflit au Mali, ont déstabilisé les routes de la cocaïne mais que les trafiquants, « démontrant leur capacité d'anticipation, continuent à faire leur business en passant par d'autres routes ». Prenant en février la parole au Parlement européen à Strasbourg, le président français François Hollande a mentionné, en plus d’autres arguments ayant contraint la France à engager une opération armée au Mali : le maintien de l’intégrité de l’Etat malien, la destruction des groupes jihadistes, la lutte contre le danger de terrorisme islamique – la lutte contre le narcotrafic. « La lutte contre le trafic de drogue est un élément essentiel si nous voulons lutter contre le terrorisme. Parce que le terrorisme se nourrit du trafic de narcotiques partout dans le monde, et notamment dans l'Afrique de l'Ouest », a déclaré Hollande.

L’africaniste en vue Jean-Pierre Dozon de « l’Ecole des études des sciences sociales » dit dans une interview téléphonique accordée à notre correspondant de Paris qu’une lutte efficace contre les jihadistes contribuera à réduire le transit de stupéfiants à travers le Mali et le Sahel.

D’immenses quantités de cocaïne : près de deux milliards par an ont été transitées ces dernières années via la Guinée-Bissau, un petit pays évoqué par Jean-Pierre Dozon. En ce qui concerne le transit du stupéfiant, pour reprendre l’expression du criminologue français Xavier Raufer, « de nouvelles routes sont déjà d'ailleurs en train de s'ouvrir par l'Angola, la République du Congo et les Grands Lacs ou par la Libye, vaste marqueterie de tribus en guerre ». « Les profits liés au trafic de cocaïne sont tellement énormes que l'allongement des filières et, partant, le prix du transport ne sont pas un problème », conclut-il.

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