Les données de la Banque mondiale ont alarmé la communauté internationale : en 2012, les travailleurs migrants ont transféré dans leur pays plus de 500 millions de dollars. On considère qu’offrir un emploi à une personne est la manière la plus efficace de la sortir de la pauvreté, au lieu de la nourrir aux frais des autres, en lui inculquant la philosophie de la dépendance sociale. Etant donné que l’activité des travailleurs migrants à l’étranger est devenue depuis longtemps l’une des principales sources de rentrée de fonds dans les économies nationales des pays pauvres, les experts commencent à mettre en doute la logique du système d'aide financière internationale.
Surtout qu’une grande partie de l’aide financière occidentale atterrit directement sur les comptes bancaires des représentants des élites locales qui gouvernement ces pays. Ces élites achètent des armes au lieu de médicaments, font des dépenses somptuaires au lieu de la construire des routes. Ni la pauvreté ni le développement économique ne dépendent du volume de l’aide financière fournie, estime Elena Tchernoletskaïa, directrice adjointe du Département analytique des études du Centre boursier de Moscou.
« Le fait que les ressortissants des pays en développement aient la possibilité de travailler dans les pays développés aide les pays pauvres. Mais l'aide que leur fournissent les pays développés n’est pas dépensée généralement pour les besoins de la population. S’il s’agit d’un pays avec d’importantes ressources minières, ces ressources seront mises en valeur. Quant aux pays qui ont l’avantage de disposer d’une main d’œuvre bon marché, on assistera à une augmentation du niveau de vie dans ce pays, à l’amélioration de la qualité des spécialistes ou au passage à un niveau économique supérieur. Mais il peut arriver que le pays reste un fournisseur de main d’œuvre ».
Beaucoup dépend du pays lui-même, mais pas au sens traditionnel du terme. En faisant des injections financières dans l’économie des pays du tiers-monde, l'Occident espérait obtenir une réduction des flux migratoires. Toutefois, des recherches récentes (et la simple logique) montrent que ce mécanisme ne fonctionne pas. Au contraire – les sources des flux financiers permettent aux migrants économiques de jouer le rôle d’indicateurs montrant dans quelle direction se déplacer.
Les pays occidentaux se sont tendu un piège. L'aide traditionnelle aux pays en développement n’est pas efficace au regard des tâches qu’elle doit résoudre. Et octroyer le territoire d’un pays développé aux travailleurs migrants – c’est mettre la population locale dans une situation difficile et perdre les voix des électeurs. L’emploi de la force peut s’avérer une méthode efficace. Mais les répressions ne sont pas le meilleur moyen de lutte contre les migrants économiques. Car les conditions de vie dans leur pays d’origine sont sensiblement moins bonnes que dans le pays où ils travaillent.
La communauté des experts se retrouve dans une impasse et n’arrive pas à formuler de bonnes recommandations. Aider les pays pauvres n’a pas vraiment de sens, mais ne pas les aider s’avère impossible, du moins du point de vue moral. Quant à la composante politique, qui se crée dans le sillage des immenses flux financiers, elle doit également être prise en compte.
« La composante politique joue un rôle important. L’aide – c’est une chose, mais en analysant ce qui s’est produit au cours des 30 dernières années, nous nous rendons compte que les riches sont devenus plus riches et les pauvres plus pauvres », analyse le directeur du cabinet d’analyse Alpari Alexandre Razouvaev. « Je ne sous-estime pas cette aide. Les pays riches campent sur leurs positions. De mon point de vue, sans aucun avantage concurrentiel de l'économie mondiale (pétrole, gaz, électronique, etc.) on ne peut pas gagner d’argent. On s’aide le mieux soi-même. Et cela n’intéresse personne. Car la répartition actuelle des forces financières et politiques dans le monde arrange tous les vainqueurs. Et personne ne pose de questions aux vaincus ».
Le modèle traditionnel d'aide aux pays en développement n’est plus d’actualité et il doit être revu. Mais un tel système ne peut être créé que sur la base d'un ordre mondial plus équitable que celui qui existe actuellement. T