Qui n’aime pas la restauration rapide ? Il fut un temps, le repas était une véritable tradition en Russie, mais ces habitudes sont révolues. Les habitants d’une grande métropole ont à peine le temps de prendre un repas complet sans être dérangés. C’est là qu'interviennent les chaînes de restauration rapide : il s’agit de la nourriture qui fait gagner du temps, mais qui réduit l’espérance de vie. Les médecins ont découvert qu’en un mois, les produits frits diminuent l’efficacité du foie autant que l'hépatite ou la jaunisse. Le problème de ces produits, c’est qu’ils sont plongés dans l’huile avec beaucoup de sel et de sucre - ce qui leur apporte cette fameuse couleur dorée. Il s’agit des graisses saturées qui, consommées en grandes quantités, provoquent les maladies du foie.
Le pire dans le classement des produits de restauration rapide, réalisé par les chercheurs - c’est le shawarma (kebab). Ce produit contient en moyenne 120 grammes de graisse, alors que le taux journalier de consommation des graisses ne devrait pas dépasser 70 à 80 grammes. Manger un shawarma - c’est comme boire un verre d'huile de cuisson fondu. Le principal critique du fast-food en Russie, le médecin hygiéniste en chef russe Guennadi Onichtchenko, appelle la population à manger les aliments qui font partie de notre « mémoire génétique » : des pommes de terre, de la choucroute et de la viande. Les concepteurs des fast-food ne sont pas pressés de rendre leurs menus plus sains – cela provoquera inévitablement une hausse des coûts et ralentira l'étape de préparation. Le mode de vie actuel dicte ses règles à l’alimentation, ce qui a de mauvaises conséquences sur la santé. Cependant, tout n’est pas si dramatique, relativise Alexeï Novikov, le président de l’Association nationale des établissements de la restauration rapide.
« On ne peut pas dire que le fast-food est une nourriture qui nuit à la santé si l’on en mange régulièrement. Nous ne recommandons pas de manger des produits issus des chaînes de la restauration rapide matin, midi et soir. Pourquoi ? Parce qu'il ne faut pas manger la même chose, car la nourriture non variée risque de provoquer des maladies. Tout le monde parle des méfaits du fast-food. Mais si l’on mange plusieurs fois par mois dans un restaurant de restauration rapide, cela ne fera aucun mal à la santé ».
Il est toutefois certain que la ligne risque d’en pâtir. L’obésité et le surpoids commencent à prendre l’ampleur d’une épidémie dans le monde. Un adulte sur trois est en surpoids aux Etats-Unis. Au Royaume-Uni, les personnes en surpoids et obèses représentent 23 % de la population, et en Russie 18 % de la population est touchée. En essayant de comprendre les raisons de ce phénomène, les chercheurs américains ont mené une série d’expériences intéressantes. Ils ont donné des aliments riches en colories à des rats de laboratoire. Cela a provoqué des changements chimiques dans l’organisme des animaux : les rats sont devenus habitués à cette nouvelle nourriture, et ce qu’on leur donnait à manger auparavant ne les rassasiait plus. Les chercheurs ont conclu que la drogue et l’obésité fonctionnent selon le même principe : il s’agit d’une dépéndance. C'est pourquoi, lorsqu’une personne habituée à la nourriture du fast-food a faim, elle pense avant tout à des hamburgers et des frites, et non pas aux salades et la soupe. C’est un véritable cercle vicieux.
« Le fast-food, ce n’est pas une nourriture naturelle, elle contient un nombre important d’additifs, par exemple le gluconate de sodium », explique la diététicienne Elena Solomatina. « Le gluconate de sodium apporte du plaisir au consommateur en excitant ses terminaisons nerveuses, rendant délicieuse une nourriture totalement insipide. Et lorsque le consommateur s’habitue au gluconate de sodium qui irrite ses récepteurs gustatifs, toute autre nourriture lui semble sans goût. On peut voir les effets de gluconate sur les enfants : ils ont tendance à devenir hyperactifs à force de manger ce type d’aliments. En termes généraux, cette substance risque d’avoir des effets négatifs sur la santé ».
En analysant la nourriture servie dans les restaurants russes, William Pokhliobkine, auteur de nombreux livres culinaires explique la simplification des efforts culinaires par deux facteurs qui sont éloignés de l’art de la cuisine.
« Il s’agit d’abord des changements qui se sont produits dans le monde et dans le commerce mondial, mais de l’arrivée dans notre pays des produits étrangers », analyse-t-il. « Le deuxième facteur est subjectif. Il concerne les changements dans la psychologie de l'homme moderne, qui cherche à éviter de cuisiner pour économiser du temps ». Selon l'auteur, les Russes ont commencé à copier le modèle gastronomique américain. Aujourd'hui, les Américains ont à leur disposition de grandes cuisines très bien équipées, dont ils se servent rarement, principalement pour les fêtes.
Toutefois, il est possible de manger équilibré en ayant un minimum de temps, rassure Elena Solomatina.
« Il faut acheter des yaourts, des noix et des fruits secs. Je comprends que le choix n’est pas très large, mais on peut y ajouter des petits déjeuners à base de céréales prêts à être consommés. L’effet épicé peut être atteint avec la moutarde ou le raifort. C’est bon pour la santé de manger aussi des légumes crus : les tomates, les concombres, la laitue, le chou chinois ou le brocoli. Nous sommes entourés par des aliments simples qui sont vraiment délicieux ».
Les fonctionnaires de la mairie de Saint-Pétersbourg ont déclaré la guerre aux hamburgers et aux sodas en proposant une taxe sur le junk food. Une taxe similaire a déjà été introduite en France en 2012, alors que les Etats-Unis sont les précurseurs dans ce domaine. Outre Atlantique, des taxes très élevées sur la restauration rapide sont en vigueur dans plusieurs Etats. En France, la taxe n’est pas si élevée : seulement un cent d’euro sur une canette de soda. Toutefois, les revenus de cette nouvelle taxe sont estimés à 120 millions d'euros par an. Quant à la Russie, elle pourrait adopter ce genre de mesures en même temps que la série de mesures contre le tabagisme et l’alcoolisme. /L