La Russie risque de rater le train de l'économie "verte"

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Alors que le monde expérimente des sanctions économiques contre les émissions trop importantes de dioxyde de carbone (CO2) la Russie, après neuf ans d'interruption, a ressuscité l'organisme public officiel chargé du réchauffement climatique.

Alors que le monde expérimente des sanctions économiques contre les émissions trop importantes de dioxyde de carbone (CO2) la Russie, après neuf ans d'interruption, a ressuscité l'organisme public officiel chargé du réchauffement climatique. Réussira-t-elle à réduire l'écart qui la sépare des autres pays et sait-elle où aller?

L'administration présidentielle a enfin branché la "clim" promise par les médias il y a un mois avec la première réunion du groupe interministériel de travail pour le réchauffement climatique et le développement durable, jeudi dernier à Moscou.

La commission précédente chargée de ce problème avait été dissoute en 2004 et pendant les neuf années qui ont suivi, les questions environnementales n’étaient discutées qu’"à l'occasion" pendant des réunions ou dans la correspondance des ministères.

Le pic de cet interrègne a été marqué par l'instruction officielle pour les délégués russes pendant les négociations avec l'Onu à la fin de l'année dernière, dont certains paragraphes étaient mutuellement exclusifs, comme l'a expliqué l'un des participants.

Le nouveau groupe de travail a pris le taureau par les cornes et s'est lancé pour discuter des nombreuses questions accumulées comme le projet de décret sur les plans nationaux pour la réduction des émissions de CO2 – trois paragraphes qui n'arrivent toujours pas sur la table du président depuis plus de six mois. Le haut statut de ce groupe et d'Alexandre Bedritski, conseiller du président et représentant spécial pour l'environnement, ajoute de toute évidence de l'optimisme à ses membres et leur donne de l’espoir.

Toute cette situation donne l’impression d'un train qui se lance lentement – mais la Russie semble se trouver sur le quai.

Il suffit de voir les dernières actualités à ce sujet : l'Union européenne parle des plans de "réparation" de son propre système de quotas pour les entreprises sur les émissions de CO2, les sénateurs américains ont proposé d'instaurer une taxe sur le CO2 qui permettra de réduire le déficit budgétaire et apparemment, la Chine s'apprête à adopter une telle mesure également.

D'autres pays ont également des plans de ce genre, plus ou moins prêts, tels que l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, la Corée du Sud – pratiquement tous les futurs collègues russes de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), à laquelle la Russie a l'intention d'adhérer à moyen terme.

Pas besoin d'aller chercher si loin, d’ailleurs : le Kazakhstan a lancé en janvier la phase pilote de ses quotas sur les émissions de CO2 et depuis l'été 2012 toutes les compagnies russes représentées à la bourse de Londres doivent préparer des comptes-rendus spéciaux sur le développement durable - dont font partie les émissions de CO2.

Dans la majorité des communiqués des médias mentionnés, le terme "réchauffement climatique" y apparaît une fois dans le meilleur des cas et le terme "scientifique" – jamais. Comme dans la déclaration du ministère chinois des Finances, qu'on est loin de soupçonner de sympathies particulières pour la nature.

Le monde a mis depuis longtemps de côté les tableaux et les graphiques représentant la hausse de la température moyenne de la planète – on les a rendus aux climatologues afin qu'ils continuent à calculer le chiffre exact avant et après la virgule. La question de la lutte contre le réchauffement climatique et ses conséquences est depuis longtemps devenue purement économique – cela inclut l'avenir du secteur énergétique mondial et la sécurité alimentaire dans le monde pour sept milliards de personnes, et même la stabilité des marchés financiers.

Bien ? Mal ? La question reste discutable mais la société russe, pendant ce temps, cherche à savoir s'il faut ou non appliquer les promesses de l'âge de glace en 2014, publiées dans le magazine "Industrie gazière", et si le protocole de Kyoto est un complot mondial contre la Russie.

On se réjouit, bien sûr, de savoir que ce n'est pas le sujet de discussion du groupe de travail interministériel mais dans l'ensemble le symptôme est plutôt inquiétant – il semble que pendant que les autres cherchent à inventer de nouvelles règles du jeu dans le secteur énergétique pour les prochaines décennies, en apprenant de leurs propres erreurs, la Russie cherche encore à savoir où elle en est.

Ne pas adopter les règles du jeu dans les temps présente un risque : il sera ensuite nécessaire de jouer avec les règles des autres. Il n'est pas interdit de réfuter de façon argumentée le point de vue de l'économie "verte" proposé par la communauté internationale mais être en désaccord ne suffit pas. Il est utile d'avoir sa propre vision des choses - et ne pas en rêver en restant les bras croisés, mais réfléchir, discuter et participer.

Car qu'on le veuille ou non, si en 2013 on ne s'occupe pas de la politique environnementale, c'est elle qui s'occupera de nous.

Le nouveau groupe de travail est censé se réunir au minimum tous les trimestres. Quatre fois par an, c'est peu en Russie - et on voudrait espérer que les membres de ce groupe sont également conscients que si le train est en train de partir, il ne faut pas traîner avec les bagages.


L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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