Boris Vukobrat : « Créer un marché commun dans les Balkans »

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Avant le début de l'interview officielle, nous avons longuement discuté avec Boris Vukobrat du nationalisme qui a eu des conséquences tragiques pour les républiques de l’ex-Yougoslavie et de l’unité économique qui aurait pu éviter tous les problèmes qu’ont connus les Etats issus de l’éclatement de ce pays.

La Voix de la Russie : Les philosophes yougoslaves et les historiens, notamment Cosic ou Tadic, ont joué un rôle fondamental dans le renforcement du nationalisme. Autrement dit, les hommes politiques ont suivi les chercheurs qui trouvaient une explication scientifique à tout ce qui se passait à ce moment là dans les Balkans ?

Boris Vukobrat : Les chercheurs yougoslaves exprimaient l’état d’une société qui se trouvait dans une impasse à cette époque. Des documents sont apparus à l'Académie serbe des sciences qui présentaient le nationalisme serbe du point de vue scientifique et historique. Ce nationalisme est devenu la base de la politique menée dans le pays au début des années 1990. Ensuite des nationalistes ont commencé à émerger en Croatie, en Bosnie, et en Slovénie. Cela a accéléré la scission dans la société, et la religion était utilisée pour expliquer tous les moyens de sortir de l’impasse. Tous les Bosniaques étaient des musulmans aux yeux des Serbes. Mais ma mère est originaire de Bosnie, et elle est Serbe et a toujours été orthodoxe. Tous ceux qui vivent en Bosnie-Herzégovine sont des Bosniaques et sont adeptes de trois religions différentes. La religion s’est immiscée dans ce conflit, ce qui a accéléré la division au sein de la société. Je considère que les fonctionnaires religieux musulmans de Bosnie ont joué un rôle négatif à cette époque. Nos prêtres avaient également commis des erreurs. À mon avis, l'Eglise ne devrait pas intervenir dans les conflits ethniques.


LVdlR : Comment voyez-vous l'avenir de la Bosnie-Herzégovine qui se trouve sous protectorat international depuis janvier 1996 ? L'Organisation des Nations Unies a-t-elle réussi à réconcilier les peuples et à créer un Etat normal ?


B.V. : En ce qui concerne la Bosnie et son avenir, je suis pessimiste. En Bosnie, chaque nouveau membre des forces internationales défend les intérêts de son pays. La Bosnie-Herzégovine se trouve sous protectorat international, et elle doit défendre les intérêts internationaux et non pas ses propres intérêts. Les politiques bosniaques ne peuvent toujours pas prendre des décisions tous seuls. L'hymne, le drapeau, et même les plaques minéralogiques des voitures et la monnaie ont été élaborés par les représentants internationaux. De quelle Bosnie nouvelle peut-on parler dans ce cas ? Au cours de toutes ces années, rien n’a été fait.

Il me semble qu'aujourd'hui, toutes les républiques de l'ex-Yougoslavie, sauf la Slovénie, qui a adhéré à l'UE et à l'OTAN, se trouvent sous le protectorat des États-Unis. Washington décide comment doivent se comporter les acteurs politiques de la région. Le protectorat s’étend à la Bosnie, mais aussi au Kosovo et à la Croatie. La dette de Zagreb se monte actuellement à 34 milliards de dollars, alors que le PIB de la Croatie représente à peine 27 milliards. La situation en Serbie se dégrade également d’année en année. Ces pays font face à la récession et un fort taux de chômage. Une autre particularité des ex-républiques yougoslaves est l’importation depuis de nombreuses années déjà des principales bases de l’économie. Les prêts dont les nouveaux Etats bénéficient de la part des pays occidentaux sont dépensés non pas au développement des moyens de production, ou à la création de nouveaux emplois. Ils vont tout simplement à l’importation de nourriture et de produits de première nécessité. Les Balkans sont un véritable protectorat des pays occidentaux. Financier et politique. Je suis très pessimiste quant à l’avenir de ces pays. Il ne faut pas oublier la mentalité balkanique. En 10 années, chacun a développé le virus du nationalisme. Chaque nation se dit exceptionnelle. Il faut se débarrasser de cette tendance. Plus longtemps ce virus de nationalisme se propagera, plus la population en souffrira. Même à l’époque de Tito, les pays européens effectuaient des investissements colossaux dans notre économie en empêchant l’éclatement de la Yougoslavie et le déclanchement d’une guerre civile. Mais nous avons décidé qu'il valait mieux être les premiers chez nous qu’en Europe. Voilà le résultat.


LVdlR : Quelle solution voyez-vous à ce problème ? Ou alors, est-ce que les Balkans doivent à jamais rester la poudrière de l’Europe ?

 

B.V. : Actuellement, l'UE flirte avec la Turquie. Pour l’Union européenne, Istanbul est un acteur de taille, beaucoup plus important que les Balkans. J’ai l’impression que nous serons marginalisés pendant longtemps. Nous ne devons donc pas attendre le feu vert de Bruxelles. Il nous faut participer à la coopération internationale, proposer notre production et nos services sur le marché européen et international. Ce n’est qu’en travaillant que nous pourrons améliorer notre niveau de vie. Et mieux nous vivrons, moins le terrain sera propice à l’émergence du nationalisme et de l’extrémisme. La pauvreté est un terreau fertile pour les extrémistes. Par conséquent, il est nécessaire de développer l'économie des Balkans.


Il nous faut créer notre marché à nous, un marché commun des Balkans. Après la Seconde Guerre mondiale, l'Union européenne a été créée pour reconstruire l'Europe dévastée et élever le niveau de vie dans chaque pays. Ils ont réussi, alors pourquoi pas nous ? Nous pouvons commercer avec les pays voisins de la région, je n’y vois aucun obstacle. Si l’unité économique parvient à s’établir dans les Balkans, nous nous débarrassons de nos malheurs passés et présents. A Bruxelles, ils devraient dire à chaque pays des Balkans : « Si vous voulez intégrer l’UE, alors commencez à coopérer entre vous ». Personne à Zagreb, Belgrade ou Skopje ne serait contre. Mais le principal, c’est que l’Union européenne prenne une telle décision. Pour nous, c'est très important. Il y a aussi un moyen d’édifier des relations commerciales avec la Russie, l'Ukraine, les anciennes républiques soviétiques, avec lesquelles nous avons toujours eu d'excellentes relations commerciales. Aujourd'hui, la Russie est peu présente dans les Balkans. Le partenariat avec ce pays nous manque. La présence politique, mais aussi économique de la Russie dans notre région est importante. « La nouvelle union économique des pays des Balkans », comme je l'appelle, doit nécessairement être axée sur la Russie et la Biélorussie, et nos voisins de l'Est. Cela permettra de résoudre les problèmes de notre région et celles du Sud de l’Europe plus rapidement. T

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