Les communiqués sur le déroulement de l’opération antiterroriste contre les jihadistes au Mali occupent une place à part dans les nouvelles des agences internationales d’information. A en juger d’après ces communiqués, les opérations armées se sont répandues sur le territoire du Nord du pays contrôlé jusqu’à récemment par les jihadistes. L’aviation française bombarde depuis le 24 janvier les villes Tombouctou et Gao et leurs banlieues. Les « Mirages » français ont détruit, par exemple, à Tombouctou le Palais de Kadhafi, cadeau du leader libyen à la ville qualifié de « perle du Sahara ». Kadhafi, écrit Alexei Grigoriev, n’a aucun rapport aux événements qui se produisent actuellement au Mali mais son pays et lui ont constitué il y a une année une cible pour l’aviation française. Aujourd’hui elle bombarde le Mali. L’armée malienne ratisse les villes et les villages dont elle s’est emparée … C’est une guerre d’une ampleur sans précédent dans l’histoire postcoloniale de l’Afrique de l’Ouest. N’était la guerre contre la séparation du Biafra au Nigeria ayant fait près de deux millions de victimes. Fait paradoxal : la France a participé à cette guerre en soutenant les séparatistes du Biafra. Et maintenant la guerre au Mali considérée il y un peu plus d’une année comme à peu près l’exemple de la stabilité politique. Le Mali, aurait-il pu éviter les bouleversements et le chaos ? Tout porte à croire que non et l’actuelle guerre a été inévitable. Cela est dû à plusieurs raisons dont la plus fatale est l’occupation du Nord malien par les groupes jihadistes dirigés par Al-Qaïda au Maghreb islamique. Ils se proposent de transformer le Nord du Mali et ensuite l’ensemble du pays en un sultanat charia, une sorte de place d’armes pour attaquer les pays voisins. Ils ont été assez forts, au moins avant le début de l’opération française, pour réaliser leurs ambitions. Le duplex Moscou-Paris engagé ces derniers jours par le centre de presse RIA Novosti a été consacré à ces menaces. Le directeur des programmes d’études de l’Afrique de l’IRIS Philippe Hugon a dit, en particulier, à ce sujet, au studio de RIA Novosti :
Selon Louis Caprioli, ex-chef de l’unité pour la lutte contre le terrorisme du Service français de contre-espionnage, expert en réseaux terroristes en Afrique du Nord, le déplacement au Mali d’Algérie d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AKMI) est le facteur décisif dans la transformation du Mali en un bouillon de culture du jihadisme.
« Je partage l’opinion de mes collègues français : les événements qui se produisent au Mali sont une conséquence directe de l’écroulement du régime Kadhafi en Libye », dit le participant russe au duplex Moscou-Paris Evgueni Korendiassov, chef du Centre d’études des relations russo-africaines de l’Institut d’Afrique de l’Académie des sciences de Russie. « Or, c’est aussi le résultat des conséquences de la politique irréfléchie de la coalition occidentale contre le leader libyen qui contenait l’apparition des groupes jihadistes au Sahel et, par conséquent, au Mali, a-t-il ajouté.
Son écrasement est à l’origine du soutien humain et militaire très sérieux des forces extrémistes salafistes dans la région du Sahel et du Sahara, dit Evgueni Korendiassov. N’étaient les événements libyens, il est peu probable que nous nous heurtions à une crise qui affecte aujourd’hui la région. Les Touaregs n’ont pas toujours trouvé le langage commun avec les autorités de Bamako mais maintenant les forces islamistes extrémistes profitent de leur opposition. Mes collègues désignent l’émir Belmokhtar. Il a en fait une grande expérience. Il a commencé sa carrière en Afghanistan à l’âge de 19 ans et il a été convenu lors d’un entretien avec Ben Laden à la fin des années 1990 d’aménager une place d’armes d’Al-Qaïda au Sahel-Sahara. Ce mouvement a scellé les Touaregs séparatistes ayant profité plus tard de l’affaiblissement de l’Etat malien en mars suite au putsch armé. La communauté internationale a sous-estimé la force et les potentialités des groupes jihadistes dans le Nord du Mali. Selon certains experts, le potentiel d’Al-Qaïda a baissé après l’attentat à New York en 2011. Or, il s’est avéré qu’il était important et constituait un danger international sérieux. Le récent attentat en Algérie le confirme. Il est absolument nécessaire de réprimer ces forces et de reconnaître légitime et opportune l’opération armée française au Mali contre les jihadistes engagée sur décision du CS et à la demande du gouvernement malien.
Les événements maliens posent à nouveau la question : « comment construire les relations avec le monde musulman, poursuit l’ambassadeur Korendiassov. Certes, c’est un problème compliqué. Pratiquement la plupart du monde arabe critique sinon condamne l’opération de la France au Mali. On se demande : le Mali, ne sera-t-il transformé en un Afghanistan, Sahel, ne deviendra-t-il pas un Sahelstan ? Je pense que les actes des forces jihadistes ne sont pas un phénomène ponctuel, isolé mais font partie d’un plan plus vaste. C’est pour ça que les opérations armées des jihadistes au Mali, poursuit l’expert russe, font partie du plan et de ce fait, la communauté internationale devrait aider ce pays à se débarrasser du danger du radicalisme islamique.