Ce n'est pas la politique mais les conceptions du monde différentes qui ont divisé la société russe. Et je ne parle pas des arrivistes mais de ceux qui défendent le rideau de fer qui vient d’être dressé contre les orphelins en Russie.
Le conflit entre les partisans et les opposants à la loi sur l'interdiction de l'adoption internationale d'enfants russes a transposé les bavardages sur la politique familiale dans la réalité. Pour la première fois la question est vraiment posée : qu'est-ce qui est plus important – la famille ou l'Etat, les intérêts d'un individu ou l'idéologie ?
J'omettrai volontairement les clichés soviétiques sensibles: la peur des étrangers, la peur de l'inconnu, la conscience stéréotypée. Parlons des arguments qu'il est au moins possible de formuler.
Les thèmes principaux soulevés par les opposants à l'adoption internationale sont le trafic d'enfants, la corruption et d'autres infractions. Le bon sens permet de tirer cela au clair.
Le trafic d'enfants est une chose répugnante. Arrêtons cela. Mais alors pourquoi les enfants sont-ils adoptés pour de l'argent ? Si la composante financière disparaissait, il y aurait immédiatement moins d'abus. S'ils ont lieu - car on entend constamment des cris d'indignation sans avoir jamais observé comment une enquête avait été menée dans le cas, par exemple, d'un faux diagnostic visant à faire passer un enfant pour handicapé.
Actuellement en Russie, il n'existe pratiquement aucune branche ou forme d'activité qui ne soit pas affectée par la corruption. Mais personne ne propose pour autant d'annuler, par exemple, le service médical.
Evidemment, faire de l'ordre et établir un contrôle digne de ce nom dans le processus d'adoption et surveiller le sort de l'enfant qui a été adopté dans un autre pays n'est pas simple. Cela demande du travail, de l'attention et des dépenses. Il serait bien plus pratique de tout annuler. Mais qu'aurait-on ? La forêt est déboisée depuis longtemps, il ne sert à rien de garder les copeaux ! L'une des particularités de la vision soviétique est son incapacité à distinguer une vie derrière le brouillard de la démagogie et de l'inaction.
"Au lieu de vous promener avec des affiches, vous feriez mieux d'apporter une aide concrète aux orphelins !" : c'est le reproche le plus répandu lancé aux manifestants. Sous-entendu : "Est-ce que toi-même, tu en as adopté un ?"
Premièrement, presque tous ceux qui apportent une aide concrète aux orphelins – par exemple le chef du comité pour la politique sociale de Saint-Pétersbourg, les bénévoles des organisations caritatives, les pédagogues, les directeurs des orphelinats et les parents qui ont déjà des enfants adoptés – se sont prononcés contre la nouvelle loi.
Pourquoi ne pas écouter leur opinion et ignorer les sons qui ne coïncident pas avec les propos du chef ?
Deuxièmement, si le travail du service public ne me satisfait pas, cela ne signifie pas que je dois immédiatement devenir un chef de travaux ou me taire à ce sujet. Si je ne suis pas satisfait par le travail de la Douma (chambre basse du parlement), cela ne veut pas dire qu'il faut tout laisser tomber et aller immédiatement se présenter au Parti libéral-démocrate. Il suffit que moi, citoyen, j'exprime mon opinion à tout sujet concernant la vie du pays.
L'adoption internationale ne règle pas entièrement le problème des enfants russes abandonnés. La Russie doit elle-même faire face à ce malheur sans tout mettre sur les épaules du bon oncle Sam. Et dans l'ensemble, nous savons ce qui doit être fait.
Par exemple, je suggère les orphelinats orthodoxes rattachés à un monastère où les enfants reçoivent de l'attention, une éducation et où l'on prend soin d'eux. Mais avant d’arriver à ce stade, on n'a pas le droit de priver les orphelins de la moindre chance.
L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction.