Le Journal des Balkans d'un journaliste russe. Boris Tadic

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Boris Tadic est devenu président de la Serbie en juillet 2004. Il a battu son principal rival Tomislav Nikolic avec une légère avance. J’ai rencontré le nouveau président serbe, qu’on a surnommé « l’élève de Zoran Djindjić » immédiatement après l’élection. Boris Tadic a vraiment essayé de tout faire pour ressembler à son idole, que ce soit par sa manière de parler, sa gestuelle, ou par sa méthode de parvenir au but qu’il s’était fixé.

Lors de ma rencontre avec Boris Tadic, j’ai compris que la Faculté de Philosophie de l'Université de Belgrade formait des psychologues d’exception. Avant de se lancer dans la politique, Tadic a enseigné à dans une école secondaire et a travaillé comme journaliste à la radio. Quand je lui ai demandé si l'Union européenne misait vraiment sur sa victoire, Tadic a répondu :

« Si Tomislav Nikolic avait gagné l’élection - et il avait de bonnes chances de remporter la victoire -, la Serbie aurait pu devenir un pays dont l’Occident n’aurait pas voulu. Ils ne nous auraient pas octroyé de crédits et n’auraient pas investi un seul euro dans notre économie. Nous avions des contradictions avec Kostunica. Actuellement, il occupe le poste de premier ministre de Serbie, et jusqu’en 2003, il était président de la Yougoslavie. A mon avis, le gouvernement de Vojislav Kostunica est quelque peu conservateur. Nous devons avancer et redresser l’économie. Les électeurs serbes ont choisi la « voie européenne » de développement, et c’est ce qui a prédéterminé ma victoire. Les pays occidentaux ne se sont pas immiscés dans les élections. Mais j’ai toutefois fait comprendre à nos électeurs qu’avec Nikolic les Serbes n’auraient aucune chance de bénéficier d’investissements et de la création de nouveaux emplois ».

Evoquant les perspectives de développement des relations entre la Serbie et la Russie, Tadic m’a fait part de son optimisme.

« La Russie est notre partenaire stratégique traditionnel. Nous entretenons des relations solides et stables dans le secteur de l'énergie, l'agriculture et les différentes sphères de l’industrie. La Serbie possède en fait trois partenaires essentiels : la Russie, l'Europe et les Etats-Unis. Je vous assure que la Russie restera notre principal partenaire parmi les autres pays étrangers ».

J'ai rappelé au président Tadic que l'Europe était prête à aider la Serbie à condition que Belgrade coopère activement avec le Tribunal international de La Haye, en se conformant strictement à ses exigences. Mais la décision de remettre l'ancien président de la Yougoslavie Slobodan Milosevic entre les mains de Carla del Ponte était loin de faire l’unanimité en Serbie. De nombreux fonctionnaires étaient convaincus que les personnes accusées par le tribunal de La Haye devraient être jugées en Serbie, et en aucun cas aux Pays-Bas. J’ai demandé à Tadic ce qu'il pensait de Ratko Mladic et de Radovan Karadzic, qu’on ne parvenait pas à arrêter à l’époque.

« Nous sommes obligés de coopérer avec le tribunal de La Haye. Sinon, nous nous retrouverons dans une situation économique difficile et nous connaîtrons une crise politique. Sans économie développée, les tensions politiques risquent de s’exacerber. Il sera difficile de résoudre le problème du Kosovo et un certain nombre d'autres problèmes régionaux. En ce qui concerne Mladic et Karadzic, ce sont des leaders politiques originaires d’une autre entité - la Bosnie-Herzégovine. Avant de devenir président de la Serbie, j'étais ministre de la Défense de l'Union de Serbie-Monténégro, et je disposais de nombreuses sources d’informations. Mais je n’ai jamais reçu d’informations sur ces deux personnes. Le Tribunal de la Haye n’a jamais incriminé la Serbie à ce sujet. Karadzic est accusé de crimes perpétrés en Bosnie-Herzégovine. La Serbie n’est pas concernée. Selon différentes sources, Mladic se trouvait en Serbie avant la création du Tribunal de La Haye, et avant la formulation des accusations portées contre lui. Je doute que le général Mladic puisse se trouver sur le territoire de la Serbie. Toutes les recherches et les enquêtes n’ont rien donné. Mais j'ai confiance en notre ministère de l'Intérieur, qui s’occupe activement de cette affaire ».

A ma question directe, à savoir où peuvent se cacher ces personnes recherchées par les Américains, Tadic a répété qu’il ne sait pas où ils se cachent.

« Les journalistes occidentaux m’ont déjà posé cette question. Je leur ai répondu sérieusement et je vous réponds tout aussi sérieusement : je n’en sais rien. Les analystes des pays occidentaux m’ont demandé ce que j’aurais fais si je m’étais retrouvé dans une situation semblable. J'ai dit que je serais parti en Croatie(rire). Nous parlons la même langue, c'est important. Et puis, après plusieurs opérations de chirurgie esthétique, personne n’aurait reconnu Mladic en Croatie. Tout come le général croate Ante Gotovina. Ces deux généraux connus et recherchés si activement par le Tribunal auraient pu se cacher en utilisant ce plan : le Serbe fuit en Croatie et le Croate – en Serbie. Mais c’est juste une hypothèse à la limite du fantastique. Je tiens à souligner une fois encore que le général Mladic est originaire de Bosnie, pas de Serbie. C’est un Serbe de Bosnie ».

(NdlR - Après plusieurs années de fuite, l’arrestation de Karadzic est annoncée par la présidence serbe et confirmée par le TPIY. Le 28 juin 2012 il est acquitté de l'accusation de génocide dans des municipalités de Bosnie-Herzégovine par le TPIY, mais reste accusé du massacre de Srebrenica. Ratko Mladic est arrêté le 26 mai 2011 après quinze ans de cavale à Lazarevo (Voïvodine, Serbie) par la police serbe. Il est extradé vers La Haye cinq jours plus tard, afin de comparaître devant le TPIY. Il est accusé de génocide et de crimes contre l’humanité).

 

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