J’ai réalisé un film sur cette tragédie, mais les spectateurs ne l’ont pas vu : pour des raisons qui me sont inconnues, le film a été interdit. Seulement un an après, des extraits du film intitulé « Le prix de l’information est la vie » ont été diffusés. Et à partir de ce moment j’ai décidé de m’occuper des Balkans.
A propos, grâce à Stipe Mesic, qui connaissait personnellement Viktor Noguine, j’ai collecté les informations utiles consacrées à la tragédie à Kostajnica. Je l’ai rencontré par la suite à Moscou, à Zagreb, dans les capitales européennes. Aujourd’hui, je propose aux lecteurs du site internet de La Voix de la Russie les propos les plus intéressants tenus par Mesic et consacrés aux hommes politiques qu’il a rencontrés au cours de sa longue vie.
1. JOSIP BROZ TITO
Avant tout, Tito était un homme politique très perspicace qui réalisait très bien que la Yougoslavie repose sur trois piliers : lui-même et son charisme, la Ligue des communistes de Yougoslavie et l’armée qui exécutait tous ses ordres et ceux émanant du comité central du parti communiste.
Tito avait une vision à long terme et voulait fonder un système - ce qu’il ’a fait - un système de gestion collective du pays. Il pensait que quelques personnes pourraient le remplacer pour diriger le pays et le parti. C’était un moyen de transformer la confédération de Yougoslavie. De son vivant, il affirmait qu’après son départ cette confédération pourrait fonctionner normalement. Et si elle s’avérait stérile, Tito disait que chaque république yougoslave pourrait suivre sa propre voie en obtenant son indépendance, car en vertu de la Constitution de 1974 les républiques ont fini par s’appeler des « Etats ». T
2. SLOBODAN MILOSEVIC
Je me suis entretenu avec Slobodan Milosevic plus d’une fois et je lui disais toujours : « Slobodan, tu ne luttes pas pour la Yougoslavie, tu ne veux pas la préserver, la moderniser ».
3. FRANJO TUDJMAN
Je connais Franjo Tudjman en tant que politique depuis 1965, quand nous étions députés du parlement croate, et après 1965 nos contacts se sont poursuivis. Lui-même, son père et son frère ont combattu dans les rangs des partisans pendant la guerre. Il y avait des gens qui voulaient lutter pour la démocratie en se fondant sur les idées de l’antinazisme. C’est pourquoi nous avons soutenu Tudjman, car nous pensions qu’il suivrait cette voie. Mais les acteurs du « Printemps croate » ne lui faisaient pas confiance, ils étaient intimidés par ses déclarations politiques. Et Tudjman s’est entouré d’émigrés qui étaient loin de la réalité politique, des événements que vivait alors la Yougoslavie. C’est pourquoi nous l’avons quitté ainsi que son parti. Je disais à Tudjman que les grandes puissances riposteraient à l’effondrement et au partage de la Bosnie-Herzégovine. Et nous avions raison : la politique de Tudjman en Bosnie a échoué.
4. KARADJORDJEVO
J’ai proposé que Franjo Tudjman, Stipe Mesic, Borislav Jovic et Slobodan Milosevic se mettent à table des négociations pour résoudre tous les problèmes par la voie pacifique. Jovic était d’accord avec moi. Je l’ai dit à Tudjman, il était aussi d’accord avec le format de la rencontre : deux politiques serbes et deux politiques croates. Mais à ce moment, Tudjman a été invité personnellement par Milosevic à une rencontre en tête-à-tête. Et ils se sont entendus pour se retrouver à Karadjordjevo
Ils ne voulaient personne d’autre, pas de témoins. C’est pourquoi j’ai démissionné du poste du président du Parlement de la Croatie : je ne voulais pas être impliqué dans cette politique. Si Milosevic avait refusé la guerre et si Tudjman avait rejeté l’élargissement de la Croatie au détriment de la Bosnie-Herzégovine - c’est ce que je proposais -, nous aurions pu signer le Traité de Confédération provisoire pour un délai de 3-5 ans : si la Confédération fonctionne, nous préservons ce format, sinon nous proclamons l’indépendance et nous coopérons ensemble. C’était la meilleure solution pour la Bosnie-Herzégovine. Malheureusement, ma proposition n’a été soutenue ni dans le monde, ni en Yougoslavie. Tudjman voulait modifier les frontières de la Croatie, ce qui n’était possible que par la voie militaire, via une guerre en Bosnie-Herzégovine. Dans ses actions, Tudjman se ralliait toujours à la politique de Milosevic. T